R. L. WALKER invités à s'exercer à la littérature commémorative figurait Hou Feng, communiste et disciple de Lou Hsoun, auteur moderne favori de Mao. Dans une lettre à un ami qui fut exhumée et publiée dans le Quotidien du peuple pendant la campagne lancée contre lui en 1955, Hou Feng écrivait : J'ai essayé de rassembler des matériaux (...). Avant même d'avoir commencé, je me sentais dégoûté de ce travail. Après m'être mis à la besogne, je ne pus m'empêcher de pleurer. Comment se fait-il qu'il existe un tel imbécile, une brute si lamentable? Fondamentalement, Mao ne comprend rien à Lou Hsoun. Sa conférence manque essentiellement de réalisme. Je sens maintenant que cela n'ira pas. Rien d'étonnant si la campagne contre Hou - Feng fut lancée avec une telle vigueur. Ses écrits publics sur Mao étaient d'un ton différent, c'est le moins qu'on puisse dire si l'on en juge par les vers suivants : Mao Tsé-toung, Dressé sur la plus haute cime, Semble se tourner vers lui-même Et vers le monde pour annoncer : Haut sur la mer Je serai magnifié - Magnifié de pouvoir embrasser le monde entier - Magnifié de pouvoir entrer dans l'éternité. On pourrait légitimement accuser Hou Feng d'insincérité, mais celle-ci devient vertu là où le culte d'un individu est en pleine vigueur : Khrouchtchev ne s'est-il pas classé parmi les plus serviles flagorneurs du << grand Staline » ? * 'Jf )(,. L , ADMIRATIOdNe Mao pour Staline n'est pas sans signification et son silence sur les réserves de Khrouchtchev fut des plus éloquents. Tchou Tching-wen a intitulé un chapitre de Dix années de violente tempête « Mao Tsé-toung, le Staline chinois » : Mao disant à ses compatriotes qu'ils devaient se mettre à l'école de l'Union soviétique prenait lui-même Staline pour maître, notamment en ce qui concerne le « culte de la personnalité». A la différence des autres partis communistes, surtout ceux d'Europe orientale, le Parti chinois n'a pas mené bien loin le déboulonnage de Staline. En fait, en 1959, Mao était nettement en désaccord avec Moscou sur ce sujet. Le Quotidien de la jeunesse de Chine, dans son numéro du 31 août 1959, proposait à ses lecteurs l'étude d'un choix d'œuvres de Staline. A l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de la naissance de celui-ci, le 21 décembre 1959, le Quotidien du peuple publiait un essai louangeur d' Ai Ssou-tchi, un des maîtres à penser du communisme chinois. Mao vieillissant manifeste de plus en plus les traits de caractère dénoncés par Khrouchtchev chez Staline. Sa façon d'assumer la direction du Parti et des affaires de l'État est hautement arbitraire. Les réunions du Politburo et du Comité Biblioteca Gino Bianco 267 central sont, comme en Union soviétique, tenues secrètes ; les décisions sont ensuite annoncées tantôt comme émanant de Mao, tantôt du Comité central. Souvent la structure de l'État est complètement tournée. A la suite du rapport secret de Khrouchtchev par exemple, Mao convoqua en avril 1956 une réunion spéciale du Politburo devant lequel il prononça un discours qui ne devait être publié - et sous une forme expurgée - que deux ans plus tard. Les directives de Mao formaient la base du rapport de Liou Chao-tchi au v111econgrès du Parti en septembre 1956, mais ce fait ne fut pas révélé avant le discours de Liou à la deuxième session du congrès en mai 1958. Comme Staline, Mao mène une vie irrégulière, travaillant parfois tard dans la nuit, puis dormant toute la matinée, exigeant la présence de ses collaborateurs à des heures indues. LE FACTEUlRe plus important sans doute pour comprendre ce qui se cache derrière le mythe de Mao est l'influence que le pouvoir et le culte de sa personnalité ont exercée sur le personnage au cours des dix dernières années. Le paysan du Hou-nan est entouré d'une pompe croissante. Les défilés monstres qu'il contemple, debout devant la porte de la Paix céleste à Pékin, parmi les dignitaires étrangers en visite, n'ont d'autre but que de le convaincre et de convaincre les autres de sa grandeur. Tchang Kuo-tao rapporte que même au Yenan Mao était d'une immense suffisance. Le succès n'a évidemment pas diminué la bonne opinion qu'il a de lui-même. On le dit lecteur avide du Quotidien du peuple qui publie la plupart des morceaux de bravoure à sa louange. Pendant la période des « Cent Fleurs », on lui reprocha de s'entourer de ceux-là seuls qui lui complaisaient. Kuo Mo-jo, un des plus grands thuriféraires de Mao, souvent photographié à ses côtés, l'a appelé « soleil de la race humaine». Le même Kuo est chargé d'importantes missions internationales et préside l'Académie des sciences. Mme Sun Yat-sen qui, comme Kuo Mo-jo, était parmi les admirateurs les plus éloquents de Staline, compte aussi parmi les adulateurs « sansparti » les plus en vue. Elle a été nommée viceprésidente de la République. L'influence corrosive du culte de Mao et sa suffisance sont attestées par son intolérance croissante devant la moindre mise en question de ses idées. Cela se reflète également dans l'extrême sensibilité du régime ·à l'égard de toute appréciation peu flatteuse formulée à l'étranger. Tchou Tching-wen raconte avoir assisté à Pékin pendant l'été 1953 à une réunion au cours de laquelle Liang Chou-ming, membre de la Ligue démocratique, un des dirigeants de la réforme rurale, parla du lourd fardeau supporté par les paysans chinois en comparaison des ouvriers. Mao parut mécontent. Après une suspension, Tchou En-lai se mit à injurier Liang qui avait
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==