266 discipline et un loyalisme de type . militaire et qu'il était capable de violentes explosions de rage. De récentes recherches montrent qu'en donnant son autobiographie en 1937 au journaliste américain Edgar Snow, il préparait déjà la démonstration de son infaillibilité. Le 14 juillet 1957, l'agence Chine nouvelle rapportait. que le « droitier» Tchen Ming-chou avait dépeint Mao comme « emporté, et non pas pondéré ; impétueux, et non pas prudent ; téméraire, et non pas sûr de lui; inquisiteur, mais non pas réfléchi d'un point de vue général». Il est capable de retomber dans le parler paysan et de vomir les pires jurons des coolies de son Hou-nan natal. Ceux qui, comme Tchou Tching-wen, l'ont observé de près ont remarqué qu'avec le temps la rage de Mao devant toute contradiction ou tout désaccord devient plus terrible : c'est là un trait commun. à b.eaucoup de despotes restés longtemps au pouvoir. .MAo a été assez astucieux pour comprendre la nécessité de rester toujours au centre de l'attention générale. Par exemple, les photographies prises lors de certaines réunions officielles le montrent revêtu d'un uniforme d'une couleur beaucoup plus claire que ceux des autres dirigeants de haut rang. On se souviendra qu'Hitler n'agissait pas autrement. Les récentes photographies de Mao ne confirment pas, soit dit en passant, les déclarations de la propagande sur sa vie spartiate. Elles révèlent une taille fort épaissie et les vues des nombreux banquets auxquels il assiste ne corroborent guère l'article de Hsu Te-li assurant les ouvriers chinois que Mao ne mange pas bien. Les critiques formulées pendant la période des « Cent Fleurs » accusaient les dirigeants du Parti de mener une vie fastueuse. L'agence Chine nouvelle rapportait le 29 juillet 1957 que Tai Huang, un des membres de son personnel, les avait accusés d'agir en tant que « classe spéciale privilégiée » qu'il importait de désarmer. A l'étranger, cela rappela le tableau que Milovan Djilas fit de la « nouvelle classe». L'embonpoint croissant de Mao et les témoignages de ses anciens compagnons selon lesquels il manquait souvent de résistance physique font naître des doutes sérieux sur certaines des prouesses corporelles qui lui furent récemment attribuées. Alors que peu de critiques nient son brio dans des domaines tels que la tactique de la guérilla et les techniques de la direction des masses, beaucoup relèvent chez lui certains défauts sérieux. Tchang Kouo-tao affirme qu'il est en réalité un mauvais administrateur, peu doué pour les détails et ayant une assez mauvaise mémoire des noms. Nehru a noté ses connaissances limitées, notamment en ce qui concerne le monde extérieur. Les membres de la mission Attlee de 1955 l'ont trouvé inconcevablement ignorant de l'Europe et de son histoire : il confondait les pays scandiBiblioteca Gino Bianco'---- LE CONTRAT SOCIAL naves avec la Belgique et affirmait qu'ils avaient des colonies en Afrique... Tchang Kouo-tao n'est pas seul à estimer que Mao a peu de connaissances scientifiques (on souligne sa faiblesse en arithmétique élémentaire), ce qui ne l'empêche pas de donner souvent des ordres aux ministères techniques. C'est ainsi que Hsueh Mou-tchiao a transmis le 26 février 1958 ses instructions et ses critiques à une réunion du Bureau statistique d'État. Le journaliste can~dien William Stevenson, qui passa trois ans en Chine communiste, fait ressortir dans The Yellow Wind, publié en 1959, la tendance de Mao à la simplification en partant de connaissances fragmentaires. Il estime qu'il n'a qu' « une connaissance scientifique réduite du monde moderne » et l'appelle « le grand simplificateur ». L'aptitude de Mao à forger des mots d'ordre et à réduire les problèmes complexes en formules a été l'un de ses principaux atouts. La version simplifiée de l'histoire et du monde propre au communisme fournit un cadre naturel à l'exploitation de ce don. Mao a souvent lancé un slogan afin d'adapter la politique du régime à un nouvel ensemble de circonstances. Mais il arrive que cela ait peu de rapport avec la réalité : dans ce cas c'est la réalité qui doit se conformer aux mots d'ordre. * )f )f BEAUCOUPd'érudits et d'intellectuels chinois sont trop subtils pour accepter les simplifications de Mao; bien qu'un grand nombre d'entre eux eussent fait bon accueil aux communistes en 1949, la lune de miel fut brève. Dans un pays où l'érudition était traditionnellement estimée, un grand effort a été fait pour présenter Mao comme un intellectuel selon le modèle chinois. Ainsi, bien que méprisant la littérature classique., Mao jugea utile de publier en janvier 1957 dixhuit de ses poèmes de style classique. Mais il n'a pas su gagner le respect des intellectuels. Le livre de Tchou Tching-wen révèle le dédain croissant dans lequel ceux-ci le tiennent. Les tentatives, renouvelées presque chaque année, pour embrigader les intellectuels et provoquer leurs louanges à l'adresse de la « pensée de Mao Tsé-toung » sont en soi une indication du peu d'audience que Mao trouve auprès d'eux. Lors de la campagne de rectification poursuivie pendant la deuxième guerre mondiale, Mao fit en 1942 dans le Yenan des causeries sur la littérature et' l'art au cours desquelles il traça la ligne doctrinale qui devait inspirer la nouvelle littérature. Comme ce fut le cas pour Staline lorsqu'il tenta de diriger le cours de la littérature soviétique, les formules dogmatiques de Mao ont rendu pratiquement impossible l'apparition d'une seule œuvre littéraire d'envergure. Des auteurs communistes loyaux tels que la célèbre romancière Ting Ling ont été épurés. En 1952, à l'occasion du dixième anniversaire des· conférences du Yenan, parmi les écrivains
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