Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

R. L. WALKER La direction commnniste modéra, il est vrai, les références à Staline à la suite du discours de Khrouchtchev, mais à la différence de l'Union soviétique et de l'Europe orientale son portrait resta partout exposé. A la fin de 1956 et en 1957, année où Mao encouragea les critiques (période des cc Cent Fleurs »), le culte du chef fut mis en sourdine. Mais d'ardents hommages à Mao n'en continuèrent pas moins, surtout en réponse à certaines critiques des « droitiers » qui avaient accepté l'invitation à parler librement et s'étaient montrés au milieu de 1957 d'une franchise inattendue. Avec le lancement en 1958 de la campagne du cc grand bond en avant », le culte de Mao redoubla d'intensité. Réserve et prudence consécutives au · discours secret de Khrouchtchev furent abandonnées. En 1959, le Quotidien du peuple et les autres publications avaient apporté quelques changements significatifs dans leurs références à Mao. Alors qu'il était précédemment question du cc parti communiste de Chine sous la direction du président Mao Tsé-toung», maintenant on parlait fréquemment de la direction ou des décisions du << parti communiste chinois et du président Mao Tsé-toung». L'adjectif «grand» (wei,-ta) était appliqué tant au Parti qu'à Mao. A la fin de 1959, tous deux étaient apparemment d'importance égale. A partir de janvier 1958, la propagande avait commencé à mettre en valeur les reportages sur les tournées d'inspection du président à travers le pays. Mao, qui évitait auparavant toute publicité autour de ses allées et venues, préférant garder une attitude distante et quasi mystique, corn- . mença à voir son activité rapportée régulièrement et en détail dans la presse.. La tournée qu'il fit du 10 au 29 septembre 1958 dans plusieurs provinces provoqua notamment un flot quotidien de dépêches sur l'effet produit par sa «chaleureuse personnalité». Un reporter du Quotidien du peuple qui l'avait accompagné pendant tout son voyage donna dans le numéro du 4 novembre un résumé des réactions populaires : La population du pays tout entier a maintenant résolument foi dans le parti communiste et dans le président Mao et elle les soutient. Ce genre d'amour sincère et fervent est quelque chose de rare dans tous les temps, dans ce pays comme ailleurs... « Le président Mao est comme le soleil qui donne la lumière quand il brille. » C'est là une affirmation correcte. Partout où se rend le président Mao, une joie tumultueuse l'accompagne. On verra un aspect intéressant de la vigueur redoublée du culte de Mao à partir de 1958 dans la publication de documents biographiques par ses anciens compagnons. Ceux-ci semblent se rappeler maintenant bien des actes remarquables accomplis par le chef dans sa jennesse et qui sont propres à donner à toute sa carrière des proportions épiques. Par exemple, dans nn ouvrage intitulé J'étais avec le président Mao, le docteur Fou Lien-tchang, vice-ministre de la Santé Biblioteca Gino Bianco 263 publique, rappelle certains de ses souvenirs de 1931 dans les régions soviétisées. Il y dirigeait un hôpital et un centre de formation médicale pour les forces communistes. (A noter qu'il donne à Mao du cc président» avant même que celui-ci ait eu droit au titre.) Il évoque la capacité de Mao à prodiguer ses conseils dans le domaine médical : « Son simple avis résolut immédiatement un problème qui me préoccupait depuis des jours. » Et ailleurs : cc Après plusieurs conversations avec le président Mao, je sentis que ma façon d'aborder les questions était devenue beaucoup plus ferme», puis, minimisant comme il se doit son propre travail : cc Ainsi, sous la direction personnelle du président Mao, nous formâmes la première fournée de personnel médical pour l'Armée rouge.» En 1959, la Librairie internationale de Pékin lança nn nouveau livre de Tcheng Tchangfen intitulé La Longue Marche avec leprésident Mao, promettant au lecteur « des révélations sur le caractère de ce grand chef révolutionnaire». Tchou Chin-tchao, vice-gouverneur du Hou-nan qui avait connu Mao jeune dans cette province, a écrit des articles à la louange de son « caractère héroïque et élevé, de sa sincérité et de sa magnanimité». Si les récits des exploits passés de Mao ne convainquent pas le peuple chinois qu'il incarne toutes les qualités, les comptes rendus de son activité en 1958 et 1959 visaient au moins à produire une certaine impression dans ce sens. Au sujet de ses prouesses physiques, la presse rapporta en janvier 1958 que, poussant une charrue, il avait étonné tout le monde par ses sillons bien droits. On prétendait qu'en septembre de la même ·année il avait traversé à la nage le puissant Yang-tsé à sept reprises. La fréquence croissante des allusions à sa bonne santé fit que les observateurs se demandèrent s'il n'était pas malade. Le Wen-hui Pao de Changhaï rendit compte de la visite de Mao à un groupe de militantes le 8 octobre 1958 : cc Aucnne ne pouvait détacher les yeux du président. Yang Tchouehtcheng ne cessait de le regarder fixement, cherchant à graver profondément dans son esprit son image altière. Son teint fleuri, ses cheveux noirs comme jais, son entrain et sa vitalité donnaient l'impression d'une excellente santé. » Il est intéressant de noter. que l'attention particulière portée à l'apparence de Mao,« très robuste, beaucoup plus jenne que son ·âge », commença juste avant l'annonce, le 10 décembre 1958, que le Comité central avait entériné la décision de Mao de ne pas accepter un renouvellement de son mandat de président de la République. Il était souligné que Mao continuerait de présider le Comité central du Parti et qu'il « resterait le chef de tout le peuple (...) même après avoir cessé d'occuper la présidence de l'État». Le remplacement de Mao par Liou Chao-tchi à la tête de l'État en avril 1959 ne fit qu'intensifier les panégyriques. On trouve un exemple des f, roportions qu'ils avaient atteintes à la fin de 'année dans un message adressé à Mao par une

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