Le Contrat Social - anno IV - n. 5 - settembre 1960

262 Dans les années qui vien~ent, le monde. <:xtérieur devra affronter une Chine dont la politique portera la marque non de la jeunesse relative des membres du gouvernement mais d'une direction suprême vieillie ~u pouvoir. La figur<:-clé en est Mao et il est important que ceux qui auront affaire à lui soient préparés à fai~e face à sa personnalité véritable plutôt qu'à l'image immuable créée par le culte qui lui est rendu. On mesure de plus en plus combien l'ont marqué le rôle d'oracle du communisme qu'il joue depuis longtemps en Chine et dix années d'absolutisme, pendant lesquelles il a vu la mobilisation complète de centaines de millions de Chinois et l'édification de la puissance industrielle et militaire du pays. Lorsqu'on passe les informations au crible, on s'aperçoit que, loin de correspondre au symbole du père bénin et populaire dépeint par la propagande de Pékin, Mao devient sans cesse plus hargneux et qu'il est affecté des illusions de grandeur et d'infaillibilité qui ont fait d'autres despotes des cas pathologiques. Un concert d'éloges L'ÉLÉVATIONde Mao au rang de figure de proue du communisme chinois commença peu après août 1929, date à laquelle il établit avec Tchou-teh une base soviétique dans la province du Kiang-si. En 1934, les communistes et les compagnons de route du monde occidental chantaient ses louanges. A New York, des gravures sur bois de Mao Tsé-toung, le « chef du peuple chinois », se vendaient cette année-là un dollar pièce. Mais le véritable développen1ent du culte commença après l'établissement du quartier général communiste à Yenan en décembre 1936. Les exigences àe la guerre civile et de la guerre contre le Japon, la nécessité d'instaurer la discipline et l'unité parmi les intellectuels et les jeunes qui affluaient dans les régions communistes, tout cela contribua à l'élévation de Mao au rang de source principale de sagesse et d'autorité. Pendant le « mouvement de rectification » du parti en 1942-44, les cadres étudiaient minutieusement ses ouvrages en même temps que ceux de Staline et de Liou Chao-tchi. A l'instar de Staline, Ivlao émettait des dogmes sur l'art, la littérature, la philosophie, etc. Ses œuvres étaient citées à côté de celles de Lénine et de Staline à titre d'évangile officiel. En 1949, quand les communistes arrivèrent au pouvoir, Mao dominait tous ses compagnons et personnifiait les espoirs et les rêves en une Chine nouvelle sous ce qu'il promettait devoir être un gouvernement de << front uni ». Son portrait ornait les camions dans lesquels les troupes communistes faisaient leur entrée dans les villes et la place d'honneur lui fut rapidement attribuée dans les bâtiments publics, dans les · édifices religieux et dans tous les foyers. Le succès encourageait les débordements de 'flagornerie ; on récrivait l'histoire pour prouver que, dès le .début, Mao avait eu raison, qu'il avait fait preuve de sagesse, Biblioteca Gino Bianco ---- LE CONTRAT SOCIAL qu'il était en fait l'héritier du traditionnel « mandat du ciel». C'était l'époque où le culte de Staline appro- ·. chait de son apogée ; le nom et le portrait de Mao étaient souvent accolés à ceux du « grand• Staline». A cette déification de Mao et de Staline, Tchen Po-ta, nommé au milieu de 1958 rédacteur en chef de la nouvelle revue théorique du Comité central, le Drapeau rouge, prit une part éminente. Dans son Mao Tsé-toung et la révolution chinoise paru en 1951, les œuvres et la direction de Mao sont qualifiées de « vivantes », « brillantes », « correctes », réputées « d'une importance universelle » et dignes de Marx, d'Engels, de Lénine et de Staline. Les écrits de Mao furent appris par cœur et une étude intensive de sa « pensée » fut substituée à d'autres cours dans les écoles et les universités. Ses nouveaux écrits ou les anniversaires des anciens étaient l'occasion de campagnes nationales. Chaque nouveau progr2.mme était lié à son nom. Lorsque, en 1950, la création d'équines d'aide mutuelle dans les campagnes fut entreprise, on rapporta que des lettres affluèrent qui lui attribuaient le mérite des bons résultats obtenus. Une de ces lettres, éman1nt de la province du Chan-si, fut entre autres publiée·: « Maintenant nous comprenons vraiment que faire ce que préconise le président Mao est toujours juste et bon. Nous en avons la preuve sous les yeux. Notre pauvre vallée est en train de devenir riche.» En 1952, une locomotive qui aurlit parcouru 200.000 kilomètres san~ une panne reçut le nom de Mao Tsé-toung. En 1956, Mao était devenu un personnage quasi divin, ch9.que réalisation du réghne étant portée à son crédit alors que tous les échecs étaient imputés aux cc droitiers » et aux impérialistes. * }f }f LE DISCOURSsecret de Khrouchtchev en février 1956 ne pouvait manquer d'avoir des répercussions sérieuses en Chir:e. La première réaction ouverte, un éditorial du Quotidien du peuple du 5 avril, fut prudente. Tout en reconnaissant les fautes de Stali.c.eet les dangers du culte de la personn'1.lité, l'article soulignait les mérites du dictateur sovittique et faisait valoir que « le marxisme-léninisme reconnaît que les dirigeants jouent un rôle important dans l'histoire». Au VIrre congrès du Parti, en septembre 1956, un membre du Politburo, Teng Hsiao-ping, affirma :' « Notre parti a une longue tradition de direction colkctive, par opposition à la déd-ion individuelle.» Liou Chao-tchi prétendit que le P.C. chinois n'avait pas commis une seule erreur depuis la conférence de Tsounyi en janvier 1935, et bien que lui aussi proclamât l'attachement au principe de b. direction collective, il soulignait que « le camarade Mao Tsé-toung a joué dans notre révolution le grand rôle de l'homme de barre et qu'il jouit d'un haut prestige dans le Parti et parmi toute la population ».

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