R. GIRARDET passées ~t les formes présentes ~e, la guerre_subversive, il y a au fond toute la difference qw peut exister entre la propagande politique telle qu'elle était pratiquée au temps du général Boulanger, par exemple, et la propagat?-~etelle que ~a conçoivent les modernes praticiens du « viol des foules ». Il y a toute la différence aussi que l'on peut constater entre les diverses formes de groupement politique du siècle dernier, liées au développem~n! normal des ins~itu~ions de la_d~mocratie hberale, et les orgarusat1ons monolithiques destinées à la conquête et au maintien du pouvoir par la force de type communiste ou fasciste. Il convient, en second lieu, d'ajouter à ces facteurs le développement, si important dans l'histoire contemporaine, de certaines idéologies politiques de caractère supranational, véritables << religions séculières » de dimension universelle. Sans doute ces idéologies peuvent-elles trouver leur foyer et leur centre de rayonnement à l'intérieur des frontières traditionnelles d'un État. Mais elles tendent invinciblement à dépasser, à déborder ces frontières. Or on ne saurait oublier que c'est une de ces idéologies - étroitement liée d'ailleurs à une organisation massive et centralisée, elle aussi de dimension internationale, - l'idéologie communiste, qui a animé l'action de la guerre subversive dans la plupart des points où, depuis quinze ans, celle-ci a séyi d1ns le mo~~e, et notamment en Grèce, en Chme et en Mala1s1e. Il tend à se constituer ainsi dans le monde contemporain des « systèmes » militaires d'un caractère assez exceptionnel, formés d'une puissance ou d'un groupe de puissances auxquelles. vienne~t s'ajouter, à l'échelle continentale ou 1ntercont1nentale, tous les partis ou tous les groupements politiques se réclamant d'une même ~01, d'une même éthique, d'une même conception de la vie sociale. Dans les circonstances présentes, la défense de la souveraineté nationale ne peut plus pour certains pays être organisée en fonction des seules menaces de la guerre dite « étra_ngère_ »,; elle doit également tenir compte ~~s virtuahtes et des possibilités d'une guerre traditio1:11?-elleme~t appelée « civile ». Pour l'actuelle coalition occidentale par exemple, l'adversaire n'est p~s seulement la puissance soviétique. Il est aussi, car les deux réalités ne peuvent être dissociées, le communisme, à la fois parti et idéologie de caractère supranational. L'extension géo~:aphiq~e ~ l'échelle du globe de tels systèmes politico-mihtaires s':1ffit à donner à la plupart des g~erre~ subve~s1ves de notre temps une dimen~ion 1nternational_e qui échappe à toute comparaison avec le passe. Placé dans ces perspectives, le phénomène de la guerre subversive peut apparaître comme le prolongement et le développement, dans la seconde moitié du siècle, des guerres totales de la première moitié du xxe siècle. La seconde gu~rre mondiale notamment n'avait pas seulement cor;cspondu à un immense élar~issement gé~- graphique des champs de bataille. Elle avait aussi apporté une extension du combat, sous ses Biblioteca Gino Bianco 247 formes les plus diverses, dans la foule et, dans 1~ masse. Dans les pays occupés par 1 enne~i, l'action militaire avait tendu à rejoindre l'action politique et à se confonru:eavec elle. Le~ méth~des utilisées en temps de paix pour souten1r et developper l'action d'un pa~i s~étaient trouvées intégrées dans la lutte : distribuer un tract, coller une affiche, tenter de gagner un sympathisant à sa cause, autant de gestes qui a~aie~t. pris ~~e signification guerrière ; sous l'habit c!vil le militant était devenu déjà un soldat. Mais en même temps la guerre étrangère avait également tendu à se doubler d'une guerre civile. La ligne de -~ét?a~- cation qui séparait les combattants n~, comc1da~t plus obligatoirement ~vec les front1e_re~traditionnelles des États-nations ; elle tendait a passer à l'intérieur même des collectivités nationales. Les formes contemporaines de la guerre subversive semblent marquer l'aboutissement de cette évolution commencée sans doute à la fin du xvnre siècle : l'ordre de bataille qui décide de l'issue du combat s'étend désormais à la société tout entière, tandis qu'à l'intérieur d'un même État la lutte entre les groupes, les classes ou les partis s'ajoute ou parfois se substitue à !a lutte menée contre les ressortissants d'un autre Etat. On ne saurait d'ailleurs oublier que, contrairement à une opinion trop souvent r~pandue, c_es réalités concrètes de la guerre subversive ne paraissent nullement contradictoires avec ces autres données de .l'histoire militaire de notre temps que sont les impératifs de la guerre nucléaire. On le sait : l'armement nucléaire semble avoir atteint ses fins lorsqu'il empêche l'adversaire d'utiliser des armes similaires ; jouant essentiellement sur l'intimidation et sur la peur, la stratégie nuclé~ire a pour but primordial d' exer~~r une fonction préventive. Or, dans ces conditions, le recours à l'action subversive apparaît comme l'un des rares, et peut-être même comme le seul moyen qui reste à la disposition d'une puissance lorsque celle-ci a la volonté d'échapper à ce respect du statu quo que semble imposer l'équilibr~ .de ~a terreur. Mais il est prévu surtout que, s1 Jamais elle se trouve engagée, la lutte nucléaire obligera les armées en présence à rechercher systémati9uement la dispersion et la mobilité. L'arme atomique interdit toute concentration de troupes sur un espace restreint ; elle doit donc logiquement conduire les armées, pour gêner l'adversaire dans l'usage de ses armes nucléaires, à tenter d'imbriquer leurs propres forces avec celles de l'enn~mi et aussi à se mêler très intimement à la population civile. Très rapidement, la guerre nucléaire risque aussi de rejoindre certains des aspects fondamentaux de cette « guerre dans la foule », caractéristique de la lutte subversive. Ce n'est donc pas en vain 'lue c~s ~eux formes de lut.te semblent exiger auJourd hui, dans les appareils militaires des États, des efforts convergents de réorganisation : ~ise sur yied _d'uneforce d_'int~rvention très mobile et tres puissante, constitution de réserves territoriales aux effectifs nombreux et
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