Le Contrat Social - anno IV - n. 4 - luglio 1960

246 remment adaptée aux besoins présents d'une collectivité politique paraît susceptible de trouver dans cette collectivité de profondes résonances, paraît capable de conduire à cette mobilisation militante des masses qui reste l'objectif premier de la lutte subversive. Il est permis enfin de penser -que le caractère de nouveauté de la guerre révolutionnaire est peut-être moins décisif que beaucoup semblent avoir tendance à le croire. « Nous sommes en présence d'une transformation plus radicale encore que celle imposée par la Révolution française aux conceptions politiques et militaires de l'époque», écrivait il y a quelques années, dans la Revue de défense nationale, l'un des plus remarquables interprètes de la nouvelle doctrine. En fait, il apparaît très vite que si l'on décompose le complexe de la guerre subversive en ses principaux éléments constitutifs, aucun de ces éléments ne semble se révéler entièrement original. L'utilisation des troubles révolutionnaires, le recours aux « cinquièmes colonnes » pour forcer sans combat les remparts des cités ne date pas d'aujourd'hui : c'est bien souvent dans l'histoire que le recours aux mouvements intérieurs, aux coups d'État, à l'action de certains politiques s'est montré un instrument plus efficacede domination que l'intervention directe des armées. La pratique de la guérilla, l'appel aux partisans recrutés dans la population civile et se confondant avec elle ne paraissent pas d'autre part des procédés plus nouveaux de combat. Il s'agit là d'une des formes traditionnelles de guerre, celle à laquelle recourt nécessairement, devant la présence d'une armée ennemie, toute population privée d'un appareil de défense organisée, mais résolue à continuer la lutte. Des bandes de Vercingétorix aux francstireurs de 1871, en passant par l'épisode de la Chouannerie, notre histoire militaire nationale elle-même est riche d'innombrables exemples d'engagements de populations civiles dans la lutte armée. La tactique du harcèlement des arrières, de l'embuscade, du sabotage et du terrorisme se retrouve aussi bien, dans tous ses aspects essentiels, chez les guérilleros espagnols de l'époque napoléonienne que chez les Sinn Feins irlandais du siècle dernier. Peut-on enfin oublier que l'aspect « idéologique» des luttes armées n'est nullement propre aux guerres de notre temps? On connaît l'esprit de croisade, de messianisme politique qui animait les armées de la France révolutionnaire. Mais les guerres « nationales » du x1xe siècle elles-mêmes présentent tout un contour d'idéologie politique dont on ne saurait négliger l'importance : pour les « patriotes » allemands ou italiens de 1848, la lutte pour l'unité nationale était inséparable du combat pour l'idéologie libérale. Quant à la seconde guerre mondiale, on sait qu'elle n'a pas seule~ent opposé des Étatsnations soucieux de fairè triompher leurs ambitions ou de défendre l'intégrité de leurs territoires, elle_a·vu aussi s'affronterdes conceptions Biblioteca Gino Bianco DÉBATS ET RECHERCHES antagoniques de l'homme, de sa vie en société, des droits de l'individu et de ceux de la·collectivité. CES RÉSERVES FAITES, et il fallait sans doute qu'elles fussent faites, il ne semble pas qu~ l'on puisse négliger sans danger tout ce que la doctrine militaire française de la guerre révolutionnaire comporte de réalité vécue, d' observation positive, d'expérience immédiatement présente. Il ne semble pas non plus qu'il soit objectivement permis de réduire tous les aspects contemporains de la guerre subversive à un certain nombre de précédents historiques faciles à recenser et faciles à cataloguer. A deux points de vue au ~ moins, le phénomène paraît présenter une indiscutable et très importante originalité dans la longue histoire guerrière des sociétés politiques. Sans doute une analyse théorique peut-elle, en effet, décomposer les guerres subversives de la seconde partie du xxe siècle en un certain nombre d'éléments auxquels il sera toujours aisé de trouver dans le passé de multiples équivalents. Ce qui reste toutefois neuf et spécifique, c'est la combinaison délibérée de tous ces éléments et surtout la mise en œuvre systématique de toutes les méthodes de la socio-psychologie moderne. Les armées de la Convention propageaient certes une idéologie et s'appuyaient, dans leur œuvre de conquête en pays ennemi, sur la partie de la population adverse gagnée à cette idéologie. Leur propagande demeurait cependant relativement sommaire. La destruction des forces armées de l'ennemi ou la prise de possession de l'un de ses territoires restaient leurs objectifs premiers. Elles ne tentaient nullement de s'emparer d'abord des masses et des foules, de les encadrer, de les enserrer dans les mailles puissantes et denses d'une organisation de caractère totalitaire. Elles ne s'efforçaient pas de faire de chaque individu, quels que soient son âge et son sexe, un véritable combattant utilisé dans un même système politicomilitaire. En fait, la guerre subversive telle qu'elle est pratiquée dans le monde du xxe siècle fait intervenir deux facteurs nouveaux particulièrement caractéristiques de la vie politique des sociétés contemporaines. Ce sont d'une part les techniques du maniement et du conditionnement des foules, techniques nées des progrès de l'étude de la psycholqgie collective et qui ont connu_ depuis une quarantaine d'années, parallèlement au progrès des moyens d'information et de propagande, un si remarquable développement. C'est d'autre part la constitution de partis de masses d'inspiration totalitaire, solidement hiérarchisés et impitoyablement disciplinés : pour le .Viet-minh en Indochine hier, comme pour le F.L.N. en Algérie aujourd'hui, c'est par le parti et dans le parti que doivent se faire l'encadrement et la mobilisation de la totalité de la population, de ses activités et de ses énergies au service de la guerre. Entre les formes

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