,. SUR LA GUERRE SUBVERSIVE par Raoul Girardet Ces « réflexions » sont extraites d'une communication présentée le 20 juin dernier par Raoul Girardet, professeur à l'Institut d'études politiques, devant l'Académie des sciencesmorales et politiques. Le texte complet en sera publié par les soins de l'Académie. ENTRE LA PLACE qu'occupent les problèmes militaires dans la vie des sociétés contemporaines et celle que réservent à ces mêmes problèmes les curiosités et les recherches de la science politique, c'est, jusqu'à présent, un étrange décalage que nous sommes obligés de constater. A l'intérieur de tout groupe politique les obligations militaires pèsent lourdement sur . l'existence du citoyen moderne. L'entretien des forces armées représente une part souvent très importante des budgets nationaux. Au même titre, et peut-être plus encore que les problèmes économiques, les considérations stratégiques tendent de plus en plus à constituer un élément déterminant de l'organisation des systèmes diplomatiques et de l'évolution des relations internationales. Pendant très longtemps l'étude de ce qu'il est convenu aujourd'hui d'appeler les questions de «défense» n'en a pas moins été laissée, par les spécialistes des sciences sociales, dans une ombre discrète et même un peu suspecte. Sans doute ces vieux interdits sont-ils aujourd'hui en train sinon de s'effondrer, du moins de s'atténuer. Le caractère totalitaire des grands conflits du x:x 0 siècle, l'élargissement progressif de la notion de défense nationale ont notamment rendu de moins en- moins rigide, de moins en moins précise, de moins en moins visible même, la frontière traditionnelle entre le domaine civil et le domaine militaire. De plus en plus, les problèmes militaires tendent à rentrer, pour les historiens, pour les sociologues et pour les économistes dans le champ normal de leurs recherches. De la persistante rareté, dans la France contemporaine, des échanges intellectuels entre le milieu militaire et celui des spécialistes des sciences humaines, de la continuité de leur • Biblioteca Gino Bianco· ignorance réciproque, nous avons cependant, immédiatement présent, un évident témoignage. Depuis quelques années la pensée militaire française - et aussi le comportement de l'élite intellectuelle de notre armée - se trouve dominée par une doctrine rigoureuse, cohérente et assez strictement définie qui est celle de la « guerre révolutionnaire». Cette doctrine dépasse très largement les frontières traditionnellement assignées à la spécialisation militaire. Elle sousentend toute une analyse de quelques-uns des principaux facteurs de la civilisation de notre temps; elle tend à présenter un système d'explication globale des mécanismes historiques contemporains ; elle touche à certains des plus graves problèmes que doivent affronter les sociétés politiques de la seconde moitié du xx0 siècle. Or il est significatif que l'élaboration de cette vaste construction doctrinale ait été, tout au moins à l'origine, le fait à peu près exclusif des seuls milieux militaires, méditant en fonction de leurs seules expériences, conceptualisant en fonction des seuls impératifs des tâches qui leur sont propres. Il est également significatif qu'à l'exposé dogmatique de cette doctrine n'ait guère jusqu'à présent répondu que l'attention parfois scandalisée, parfois ironique, mais presque toujours distante et hautaine, des milieux intellectuels et universitaires. * )f )f IL IMPORTE sans doute de rappeler les données fondamentales de ce système de pensée que nous nous proposons d'examiner. En fait, il convient surtout de rappeler que l'élaboration, dans les milieux militaires français contemporains, des concepts doctrinaux de la guerre révolutionnaire est directement issue de l'étude des procédés stratégiques et tactiques utilisés par le Vietminh en Indochine. Un officier écrit : Nous sommes un certain nombre qui sommes revenus de cette aventure et qui, nous penchant sur un passé encore récent, disons qu'aucune période de notre
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