DAYA dictions qui sont le lot de toute politique. Il s'agit, selon Nicolaï Hartmann, d'un rapport entre une valeur « inférieure »et une valeur « supérieure », ou encore entre une valeur « forte » et une valeur «faible». Mais l'usage qui en est fait ici nous est propre, et nous croyons qu'il peut contribuer à éclairer le problème. Les termes cc inférieure » et « supérieure » se réfèrent à une hiérarchie. Il peut y avoir « plus » ou cc moins» d'une valeur tandis que, parmi les valeurs, l'une est soit supérieure soit inférieure aux autres. Il est évident que notre jugement achoppe parfois sur ce point : nous disons alors que les deux valeurs considérées semblent de même niveau. Cependant, dans la plupart des cas., la distinction est faite et nous sommes capables de nous prononcer avec une relative certitude. Ainsi entre « pouvoir» et « bien-être» : il y a peu de doute que le pouvoir est une valeur . inférieure, le bien-être une valeur supérieure. Un peuple est jugé non pas tant par le contrôle coercitif qu'il exerce sur d'autres peuples que par la puissance créatrice dont il fait preuve dans le domaine culturel. Le pouvoir en lui-même n'engendre que la crainte, quoique, en tant qu'instrument, il puisse aussi exciter l'envie. Au contraire, le « bien-être », matériel ou culturel, n'est prisé que pour lui-même. La valeur « inférieure », cependant, est plus forte en ce qu'elle peut être réalisée sans recours à la valeur supérieure ; la « supérieure » est plus faible en ce qu'elle dépend en partie de l'inférieure. La vie, par exemple, n'est pas une valeur très élevée dans la hiérarchie, mais sans elle aucune . valeur supérieure ne peut être atteinte. Il est clair que l'on peut vivre sans aucune des valeurs suprêmes ; mais pour se fixer une valeur supérieure à atteindre, encore faut-il être en vie. Pareillement, on pourra parvenir à la sécurité contre une agression extérieure sans ménager au peuple une plus grande part de bien-être; mais en règle générale on ne peut réaliser le bien-être sans parvenir à la sécurité contre l'agression étrangère. Un gouvernement est donc tributaire à la fois desdeux valeurs : l'inférieure et la supérieure. Dans un conflit entre celles-ci, c'est la valeur supérieure, c'est-à-dire-la plus faible, qui sera le plus vraisemblablement sacrifiée. La préoccupation constante des gouvernements étant la puissance, le constant sacrifice qu'ils font du bien-être en vue de cette puissance est ainsi fort compréhensible. Si dans: la vie individuelle les valeurs supérieures sont généralement sacrifiées aux inférieures, il en va de même dans les collectivités et les institutions en général. Pour être plus exact, les individus peuvent, dans des cas exceptionnels, sacrifier les valeurs inférieures aux supérieures, alors que pour les collectivités et les institutions la chose est à peu près impossible. La distinction. de Hartmann, tout en précisant les données du problème, doit être employée avec circonspection. La valeur inférieure est certainement une condition préalable à la réalisation de Biblioteca Gino Bianco 241 la valeur supérieure, mais dans un sens strictement limité. S'il va de soi que pour réaliser une valeur quelconque un individu doit être en vie, il n'est pas nécessaire qu'il soit en parfaite santé; une réalisation toute relative de la valeur inférieure suffit même à donner leur chance aux valeurs supérieures. Ainsi, bien qu'il soit certainement vrai que nulle recherche du bien-être ne peut être entreprise par un gouvernement s'il ne s'est prémuni contre une agression extérieure, il est clair que la sécurité dont il a besoin ne doit pas forcément être absolue dans sa nature. L'ORIENTATIONdo,uble et contradictoire, imputée aux phénomènes étudiés par la science politique, soulève deux objections. On peut dire tout d'abord que la sécurité contre l'agression extérieure est en soi un élément important du bien-être ; que, même si la puissance est recherchée en vue d'une agression extérieure à des fins de conquête, il en résultera en cas de succès un accroissement de bien-être pour les citoyens, par le moyen de la spoliation, du pillage, de la colonisation. On soutiendra ensuite que le bien-être lui1nême peut être traité comme une forme de pouvoir - pouvoir sur des biens et des ressources, pour la satisfaction de besoins et de désirs. Le concept de pouvoir peut être étendu jusqu'à y inclure toutes les fins de l'homme, et l'on arrive ainsi à la conclusion que ni les individus ni les collectivités ne poursuivent autre chose que le pouvoir. Celui-ci peut être considéré, d'une part comme l'instrument servant à la réalisation de toute espèce de désir, d'autre part comme la fin ultime à laquelle tout le reste ne sert que d'instrument. Partant de là, il n'y aurait nul besoin de deux séries de valeurs opposées pour décrire intelligiblement les phénomènes étudiés par la science politique. Par malheur pour les tenants du monisme, les différences ne cessent pas pour autant d'être ce qu'elles sont. La différence fondamentale, nous l'avons souligné en commençant, est celle que font apparaître, d'une part les rapports d'un gouvernement avec les autres gouvernements, d'autre part ceux qu'il a avec ses propres citoyens. Il faut se souvenir que le bien-être est de nature plus psychologique, que le pouvoir a généralement pour résultat la politique « des canons plutôt que du beurre » ; de plus, que la sécurité contre l'agression extérieure est une valeur inférieure mais plus forte, selon Hartmann, que le progrès économique et culturel qu'un gouvernement entend apporter à son peuple. Dire que le bien-être est une forme du pouvoir est une affirmation par trop gratuite. La passion métaphysique qui conduit à appeler toutes choses du même:nom ne;peut supprimer la différence entre un contrôle des ressources en vue de la satisfaction des besoins du consommateur et celui dont est investi un pouvoir coercitif. Compte
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