Le Contrat Social - anno IV - n. 4 - luglio 1960

238 Que Staline lui-même fût géorgien de naissance n'importait guère puisque, comme la plupart des dirigeants de sang étranger, il s'identifiait complètement aux Russes. Le toast fameux porté à la fin de la deuxième guerre mondiale en témoigna en son temps : Je lève mon verre à la santé de notre peuple soviétique, et par-dessus tout de notre peuple russe. Je bois en particulier à la santé du peuple russe parce qu'il est le plus remarquable de toutes les nations de l'Union soviétique ... La faiblesse de la représentation nationale était manifeste non seulement au sommet de la hiérarchie communiste mais encore parmi les militants de la base. Proportionnellement à la population, le Parti est plus fort dans les régions à prédominance grand-russe. A Moscou et à Léningrad par exemple, le rapport des autochtones à l'effectif total représente plus de deux fois celui de la population d'origine locale à la population totale ; dans des républiques comme le Tadjikistan, c'est l'inverse qui est vrai. La disproportion est en fait beaucoup plus criante puisque le Parti y compte non seulement des effectifs réduits mais encore un nombre important de non-autochtones, surtout des Russes. La publication des données par nationalité ayant généralement cessé depuis 1939, les rapports exacts sont difficiles à établir. On sait cependant qu'en 1935 les Tadjiks et les Turkmènes, par exemple, .constituaient encore 75 % de la population des républiques qui portent leur nom, mais quelque 50 % seulement des adhérents aux organisations communistes. A l'échelon moyen et inférieur des partis nationaux, prédominent aussi bien les simples militants que les apparatchiki de souche autochtone et qui parlent la langue du pays. Cela est plus vrai encore de l'appareil gouvernemental. Mais dans les grands centres urbains, parmi les gens en place, les Russes l'emportent largement. L'accès aux postes-dés est relativement difficile pour l'indigène, sauf s'il est russifié - et dans ce cas il est considéré comme un non-autochtone et risque d'être transféré à un autre poste quelque part dans l'Union. Le fait que, dans les régions nationales, le premier secrétaire ait souvent été envoyé du dehors constitue peut-être l'affront le plus grave pour l'amour-propre local, et un symbole de la nature étrangère du Parti. En Ukraine par exemple, Kaganovitch, qui occupa le poste en 1925-28, était un Juif russifié de Bessarabie; Kossior, son successeur, était polonais ; les autres, des Russes, dont beaucoup ne parlèrent jamais couramment l'ukrainien, bien que ce soit la langue d'un peuple , de 40 millions d'individus. La seule exception fut le successeur à ce poste de Khrouchtchev, son ex-adjoint ukrainien lGritchenko (qui appartint plus tard au Présidium, mai~se trouve aujourd'hui en disgrâce). · . ,, Biblioteca G·ino Bianco L'EXPÉRIENCE. COMMUNISTE Développement économique RESTE A POSERune quatrième et dernière · q~estion : y, ~-t-il e~ .exploitation ~co~om1que des reg1ons m1nor1ta1res, par epu1se-. ment de la terre ou d'autres ressources naturelles, enlèvement, sans compensation suffisante, de biens produits dans la région ou par- développement d'une manière si spéciale ou limitée de l'économie nationale que celle-ci était indûment subordonnée aux besoins et aux intérêts de la majorité dominante? Dans le cas soviétique, la réponse est nette la politique économique du régime dans son ensemble ne révèle pas de discrimination à l'égard des régions minoritaires et n'entrave pas leur développement économique au profit des Grands-Russes. L'industrialisation soviétique était certes fondée sur l'épargne forcée que le gouvernement prélevait pour ses investissements, cela aux dépens de la consommation populaire. Mais il n'était pas demandé aux minorités de supporter une part disproportionnée des privations ; en fait, il semble bien ·que ce soit la majorité grand-russe qui ait supporté au début les plus lourds sacrifices afin de permettre -le développement des régions dépourvues de capitaux et économiquement . , , arr1erees. Alors que le niveau de vie général en Union soviétique tombait brutalement au cours des années 30, dans les quatre républiques d'Asie centrale il s'est légèrement amélioré. A l'époque, l'économie locale évoluait rapidement : la production industrielle, jusqu'alors négligeable, augmenta de 6 à 9 fois de 1928 à 1937. Cela n'avait été rendu possible que grâce à des fonds d'investissement substantiels puisés dans d'autres régions. L'aide à l'agriculture fut plus important~ encore. Au premier stade de l'expansion cqloniale européenne, d'importants capitaux furent investis outre-mer, mais souvent uniquement afin de créer une monoculture qui, à la longue, se révélait désavantageuse pour la population locale. Le régime soviétique en usa de même quand il favorisa l'extension de la culture du coton en Asie centrale - souvent au dépens des c~réales. La région n'était cependant pas traitée purement et simplement comme une vaste plantation de coton pour le reste de l'Union. Au contraire, ses autres ressources étaient largement mises en valeur. On y développa une industrie hydro-électrique dont la production augmenta de 9,5 fois pendant la période de 1928 à 1937. Auparavant, tout le coton était pratiquement expédié en Russie pour être transformé en textiles qu'on renvoyait ensuite dans leur pays d'origine, mais dans les années 30 une industrie textile importante fut créée à Tachkent. La fabrication de chaussures fut entreprise pour utiliser les peaux provenant des vastes troupèaux de la région. Les capitaux restaient donc dans le pays.

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