Le Contrat Social - anno IV - n. 4 - luglio 1960

A. INKELES sinon politiques. Certes, beaucoup de minorités vivent dans des régions à prédominance rurale ou même arriérées dont le développement retarde sur celui des régions plus industrialisées ; la situation relative de ces groupes s'est cependant nettement améliorée depuis la révolution. L'un des indices les plus importants est la réduction spectaculaire de l'analphabétisme parmi tous les groupes de la population soviétique. Entre 1926 et 1939, l'analphabétisme tomba de 49 à 19 %- Dans certaines républiques, le bas nive~u initial rend~_itl.es progrès beaucoup plus sensibles : au TadJikistan le taux passe de 96 à 28 % et, dans la République d'Azerbaïdjan, de 75 à 27 %-Les résultats préliminaires du recensement de 1959 qui ont été publiés ne fournissent· pas de données sur l'analphabétisme par nationalité ; mais comme le taux général serait maintenant de 1,5 %, il est à supposer que les régions nationales ont continué de progresser. Si la défi- . nition soviétique de l'instruction se fonde sur un niveau de connaissances très rudimentaire et si, au niveau régional, certaines améliorations peuvent être attribuées à l'afflux de Russes sachant lire et écrire, les résultats obtenus n'en sont pas moins évidents. Les données sur l'amélioration du niveau scolaire vont dans le même sens. Sur le territoire actuel des cinq républiques d'Asie centrale (le Kazakhstan inclus), les écoles primaires et secondaires comptaient 136.000 élèves en 1914-15, soit moins de 0,5 % des 9,6 millions d'élèves inscrits. En 1955-56, leur nombre était passé à 3,59 millions ; ce chiffre constituait environ . 13 % de l'effectif total, ce qui représente à peu près la proportion de la population des républiques d'Asie centrale à l'ensemble de la population soviétique. Un progrès analogue a été réalisé en ce qui concerne les études supérieures : avant la révolution il n'y avait pratiquement rien dans ces régions ; en 1955 l'effectif des écoles supérieures s'élevait à 155.000 étudiants, soit environ 9 °/o du total. Les bibliothèques, hôpitaux, salles de cinéma et de théâtre, stades, clubs, journaux et revues, émetteurs de radio et de télévision, etc., ont été foumis aux régions nationales dans la même proportion qu'en R.S.F.S.R. En résumé, les données statistiques indiquent que les membres des minorités (à l'exception, notable, des Juifs) ne souffrent d'aucune discrimination en ce qui concerne l'instruction, les possibilités économiques et les avantages sociaux. Cette impression est corroborée par le témoignage des réfugiés. Au cours de l'enquête sur le système social soviétique menée à l'Université Harvard, plusieurs centaines d'Ukrainiens et des groupes plus restreints d'autres nationalités, ainsi que des Russes, furent interrogés. Les réponses montrèrent que des gens dont les occupations étaient d'un niveau comparable se trouBiblioteca Gino Bianco 237 vaient, indépendamment de leur nationalité, dans des conditions identiques sous le rapport du revenu, des possibilités d'instruction, de travail et d'avancement social. Pareille uniformisation des conditions de vie engendre "une similitude des valeurs, des attitudes et des opinions. En d'autres termes, c'est le statut de classe plutôt que la nationalité qui déterminerait ce que les gens approuvent et ce qu'ils condamnent dans le système. Le paysan russe décrivait sa vie sensiblement de la même façon que le paysan ukrainien, tatare ou kazakhe; il en allait de même chez les citadins. Chances inégales UNE DOLÉANCéEtait cependant formulée par les membres des minorités nationales, et cela sur un problème d'une importance primordiale. Tous les exemples de non-discrimination qui précèdent ne concernent que le domaine économique et social. Dans le domaine politique - la structure du pouvoir - ·1e tableau est bien différent. La protestation le plus généralement exprimée par l'ensemble des réfugiés touchait au fait que leurs peuples ne participaient pas à part égale à la direction de la société et n'étaient pas libres de modeler leur culture selon les traditions nationales. Beaucoup se sentaient encore essentiellement les vassaux d'une puissance étrangère. A la base de ces sentiments on ne trouve pas seulement les restrictions sévères que le régime impose au développement des nationalismes locaux. Tout aussi important est le fait que les institutions gouvernementales, tant à Moscou que dans les républiques elles-mêmes, ne font aucune place à une représentation des nationalités, tandis que l'influence, le contrôle des Russes et autres « étrangers » dépêchés par le Kremlin sont partout évidents. La composition de l'organe suprême du Parti refléta très longtemps ce déséquilibre. Jusqu'à sa réorganisation en 1952, le Politburo comptait 28 membres dont 16 Russes et 8 Juifs ou Géorgiens russifiés. Les populations de républiques nationales totalisant quelque 80 millions d'habitants, parmi lesquelles la. troisième nationalité par ordre d'importance, les Biélorusses, et quelque 16 à 20 millions de musulmans;n'y ont jamais eu de ·représentant ; non plus que les 30 à 40 millions d'Ukrainiens lorsque, après 1938, les purges frappèrent leurs principaux dirigeants. La composition du Présidium, qui remplaça le Politburo en 1952, laisse apparaître certain changement. Sur les 33 personnes qui en ont fait partie, 8 seulement - dont Staline - n'étaient pas russes. Les autres étaient Béria (Géorgien lui aussi), Kaganovitch (Juif), Mikoïan (Arménien), Korotchenko et Kiritchenko (Ukrainiens), Kuusinen (Finlandais) et Moukhitdinov (Ouzbek). Nombre de représentants des minorités ont cependant été nommés membres suppléants.

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