Le Contrat Social - anno IV - n. 4 - luglio 1960

A. INKELES le mouvement vers l'indépendance - prête le flanc à la critique et s'expose souvent à de graves difficultés ; à preuve la crise d'Algérie. L'Union soviétique se fait gloire des dispositions de sa Constitution qui accordent à chacune des républiques fédérées le droit de se séparer « librement » de l'Union : que fait-elle pour mettre ce droit en pratique? Il peut paraître superflu de faire observer que le régime soviétique ne fait rien pour encourager la sécession des minorités. En fait on ne peut attendre d'aucun gouvernement central qu'il incite ses parties constituantes à rechercher l'indépendance. Ce qui n'empêche pas certains de critiquer les puissances coloniales parce qu'elles n'encouragent pas les mouvements d'indépendance et de fermer les yeux sur la pratique soviétique. Puisque le droit de sécession est reconnu par ·la Constitution en Union soviétique, le droit de poursuivre ce but devrait s'ensuivre logiquement. Or préconiser l'indépendance politique d'une région quelconque, sans même parler d'y travailler, est inconcevable pour un citoyen soviétique. Une telle action est assimilée, tant par la loi que par la police secrète, à un crime contrerévolutionnaire justiciable des peines les plus sévères. Dans presque tous les grands procès d'épuration figuraient des accusations de séparatisme, de « tendances nationalistes bourgeoises », terme officiel servant à désigner toute résistance aux intérêts de Moscou. Bref, ce que la Constitution dit sur la question .nationale n'a aucun rapport avec la pratique soviétique. Au cours de la deuxième guerre mondiale, le Kremlin effaça purement et simplement de la carte quatre républiques autonomes - les Allemands de la Volga, les Tatars de Crimée, les Kalmouks et les Tchétchènes-Ingouches. Dans le cas des Allemands de la Volga, Moscou a déclaré que cette mesure avait été prise dans l'intérêt de la sécurité nationale ; on a prétendu tardivement que les Tchétchènes et les Tatars de Crimée avaient collaboré avec l'occupant. En ce qui concerne les Kalmouks, aucune explication n'a été donnée. Non seulement les Républiques furent liquidées comme entités politiques, mais leurs millions de ressortissants furent déportés dans des régions lointaines. Cet acte odieux provoqua une émotion intense : Tito alla jusqu'à accuser l'Union soviétique de génocide. La dispersion massive et sans discrimination d'une population entière à ca~se d'actes individuels, si nombreux fussent-ils, violait les principes fondamentaux d'hum3.11:Îté et tournait en dérision l'affirmation de Staline selon laquelle « la question nationale et le problème de la collaboration entre les nations ont été mieux résolus [en URSS] que dans tout autre État multinational». Ce n'est qu'après la mort de Staline que certains ressortissants des républiques Biblioteca Gino Bianco 235 autonomes furent réhabilités et purent recouvrer leur ancienne position. Les survivances culturelles LA DEUXIÈME QUESTION peut être formulée ainsi : jusqu'à quel point la libre expression de leur héritage culturel est-elle permise et facilitée aux minorités? Cela implique avant tout le droit de se servir de sa langue nationale dans tous les types de communications publiques et privées et dans l'éducation de la jeunesse. L'expression culturelle comprend aussi la préservation et le développement des usages populaires et tribaux, les formes artistiques, les cérémonies et les coutumes religieuses, le costume national, etc. L'attitude soviétique à l'égard de l'auto-expression des minorités a été originale ; ce qui ne signifie pas qu'elle ait été libérale. L'explication doctrinale de la politique soviétique réside dans la distinction qui est faite entre le contenu et la forme de la culture, et qui se traduit par le slogan : « Nationale dans la forme, socialiste par le contenu. » En théorie, ce cliché signifie que les valeurs et les idées de la société socialiste doivent être les mêmes dans toutes les cultures, quoique les moyens d'expression puissent - et doivent - refléter les caractères indigènes originaux. Il importe de savoir quelles institutions et formes culturelles distinctives on laisse subsister et quelle importance pour l'intégrité de la culture originale ont celles qui ont été supprimées parce qu'elles tombaient dans le domaine où l'uniformité « socialiste » est exigée. Dans le sys~ème totalitaire soviétique, le modèle de société étapli à Moscou est si rigide et envahissant qu'il ne reste en fait pas grand-chose qui puisse être qualifié de « national» sans entrer en conflit avec ce qui doit être cc socialiste ». La survivance la plus frappante concerne la langue. A une exception près (le yiddish), le régime n'a pas tenté d'extirper les idiomes locaux; ils sont employés dan~ l'enseignement, les moyens de diffusion et la littérature indigène. Une autre catégorie de survivances a subi relativement peu d'ingérence : les. arts populaires, y compris l'artisanat. On n'a pas non plus fait beaucoup d'efforts pour changer les modes vestimentaires distinctifs (sauf pour le port du voile par les femmes musulmanes contre lequel une campagne a été menée à bien). Il est à rem·arquer que cette politique a été appliquée par la plupart des puissances coloniales. L'attitude soviétique à l'égard de ces fondements de l'expression culturelle a été généralement tolérante par rapport aux efforts de russification d'Alexandre III ; mais la tolérance ne se manifestait que dans la mesure où cela convenait aux intérêts des autorités centrales. Le régime soviétique a fourni un alphabet à plusieurs douzaines

RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==