234 riquement progressiste» ; de l'autre, il a nourri le mythe selon lequel les tsars avaient traité les peuples captifs de manière uniformément brutale et réactionnaire et cherché à détruire leur individualité. En fait la politique des tsars à l'égard des minorités varia considérablement suivant les époques, les régions et les groupe-sconsidérés. On parle beaucoup de la répression intense inaugurée à l'avènement d'Alexandre III en 1881, en oubliant qu'à partir de la révolution de 1905 s'ouvrit une ère de libéralisation. Les excès commis, e1:1J.?8:fticulierles efforts de russification qui redu1sirent les mouvements culturels locaux à la clandestinité, frappèrent l'opinion mondiale et marquèrent profondément les groupes nationaux ; le jeune gouvernement soviétique dut compter avec ces réalités. Quand on considère la force des griefs accumulés contre le régime tsariste, on s'étonne que les bolchéviks aient été si lents à l'exploiter. Mais toute leur philosophie les portait à glisser sur le problème des minorités. C'était un article de foi chez les marxistes que le cours de l'histoire mène à des unités politiques toujours plus grandes, plus homogènes, industrielles, centralisées, qui finiront par donner naissance à une société « prolétarienne » mondiale. Le mot d'ordre « le prolétariat n'a pas de patrie » signifiait que nationalisme, patriotisme, régionalisme faisaient partie intégrante du ca?italisme condamné. Lénine lui-même ne prêta pratiquement pas d'attention au problème des nationalités jusqu'en 1913. La popularité croissante du programme BauerRenner et la conscience qu'il devait compter avec les aspirations nationales l'amenèrent alors à réviser sa position. Le programme Bauer-Renner préconisait une large autonomie des minorités de l'Empire austrohongrois. Lénine y voyait un défi au principe de centralisation auquel il tenait; mais il était également hostile à un fédéralisme qui aurait compromis les chances de développement d'une puissance prolétarienne vraiment internationale. C'est contraint qu'il fonda sa politique sur le droit de chaque nationalité à l' « autodétermination». Il se refusait à tout compromis qui eût risqué d'affaiblir le pouvoir d'un gouvernement communiste central. Toute minorité jouissait d'un droit théorique de sécession : si elle n'en usait pas, elle devait accepter le système dans sa totalité, sans réclamer statut ou privilège spéci1ux : Le droit à l'autodétermination est une exception à notre thèse générale, qui est le centralisme. Cette exception est absolument nécessaire devant un nationalismè grand-russe du type Cent-Noir ... Mais on ne peut faire une large interprétation d'une exception. Il n'y a là rien, absolument rien, et il ne doit rien y avoir d'autre que le droit de sécession. Lénine tenait pour ~e manœuvre p(?litique nécessaire cette reconnaissance platonique du «droit» de sécession. Mais en même temps il estimait .que toute tentative effective de séc~sBiblioteca G•inoBianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE sion équivaudrait à une contre-révolution bourgeoise, réactionnaire, antiprolétarienne. Il suppo- . sait, en bref, que personne ne voudrait exercer le droit de sécession après la révolution prolétarienne. Les faits prouvèrent qu'il avait complètement tort, bien qu'en cela il fût en compagnie des autres groupes politiques de Russie, qui tous sous-estim1ient à la fois l'effet de la politique tsariste sur le durcissement du sentiment national contre n'importe quel gouvernement central russe et celui des changements sociaux et culturels rapides qui développaient la conscience nationale dans nombre de régions minoritaires. Le régime bolchévique trouva, pour son grand embarras, que dans la plupart des régions nationales de • l'ancien empire les dirigeants politiques locaux prenaient leur droit de sécession très au sérieux. Même là où la séparation complète n'était pas leur objectif premier, ils se considéraient comme les égaux des dirigeants de Moscou et estimaient avoir le droit de négocier la nature de leur participation au nouvel Etat. Les bolchéviks n'hésitèrent pas à user de la force des armes po_urmater ce sursaut d'indépendance. On laissa sans opposition la Finlande se détacher ; la Pologne et les États baltes furent abandonnés après des campagnes militaires malheureuses. Mais, sous le commandement de personnalités communistes de premier plan, tels Frounzé et Kouïbychev en Asie centrale, Kirov et Ordjonikidzé au Caucase du Nord, Kaganovitch en Biélorussie et Mikoïan en Azerbaïdjan, l'Armée rouge réoccupa presque tous les autres territoires. Le dernier épisode de la reconquête se joua en Géorgie dont la capitale, Tiflis, fut reprise le 25 février 1921. Il apparaît que la meilleure façon d'analyser la politique des nationalités telle qu'elle est pra- --tiquée en URSS est de se poser quatre questions qui permettent de porter un jugement fondé sur la politique coloniale de toute grande puissance. cc Droit» à l'autodétermination PREMIÈREQUESTION:_dans quelle mesure un pays donné fournit-il la possibilité d'une transition vers l'indépendance aux minorités nationales dont la culture, l'histoire et la maturité sociale, politique et économique font d'elles des candidats raisonnables à ce statut? L'accession à l'autonomie puis à l'indépendance est maintenant reconnue partout comme un but fondamental et un droit inaliénable des peuples. Depuis la deuxi~me guerre mondiale, presque toutes les grandes possessions de l'ancien empire anglais et, à un degré moindre, de l'empire français, ont accédé à l'indépendance. Toute nation qui s'efforce de maintenir sa domination sut une région coloniale ---:-voire de ralentir,
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