A. INKELES soviétique son écrasante majorité slave. Toujours à l'ouest, on trouve 2,25 millions de Moldaves, dans la République du même nom, et près de 1,5 million de Polonais, lesquels, pour des raisons évidentes, n'ont pas d'unité territoriale distinctive. Plus au sud et à l'est, le long de la mer Noire et au Caucase, il existe un grand nombre de nationalités réparties en un schéma de peuplement complexe. Ils comprennent les peuples géorgien, arménien et azerbaïdjanais, chacun dans sa propre république et totalisant à eux trois quelque 8 millions d'âmes, ainsi que plusieurs millions de Tatars. En Asie centrale, les quatre Républiques des Turkmènes, des Ouzbeks, des Tadjiks et des Kirghizes représentent, avec la population du Kazakhstan limitrophe, quelque 13 millions de personnes de race turque et de religion islamique. Les autres musulmans, qui vivent à l'intérieur du pays, comprennent plusieurs millions de Tatars de la Volga et près de 1 million ·de Bachkirs qui leur sont étroitement apparentés. Une région voisine comprend près de 1,5 million de Tchouvaches, vestiges chrétiens et souvent russifiés de l'ancien empire bolgare de la Volga. Des autres nationalités les plus importantes, seuls le 1,25 million de Mordves et les 2,25 millions de Juifs sont largement dispersés. Quelque 85 % de tous les Grands-Russes vivent dans la vaste République socialiste fédérative soviétique de Russie (R.S.F.S.R.). Le reste est disséminé à travers les régions nationales, groupé d'habitude dans les villes formant enclaves au milieu d'un pays non russe. Dans ce sens limité, le statut de minorité est au moins aussi .typique des Russes que de toute autre nationalité soviétique. Collectivement, les groupes russes constituent une proportion moyenne de 13,5 % de la population dans les quatorze républiques autres que la R.S.F.S.R. Dans certaines régions toutefois, l'afflux des Russes a été beaucoup plus grand. 'Au Kazakhstan par exemple, les Russes sont aujourd'hui le groupe le plus nombreux de la population (43 %) ; avec les autres Slaves, Ukrainiens et Biélorusses, ils constituent une majorité absolue. Ainsi les Kazakhs sont-ils devenus minoritaires dans leur propre foyer national. La plupart des minorités importantes représentent des nationalités séparées et distinctes, avec leur langue et leur littérature, et, souvent, un passé indépendant en tant qu'État-nation. Le sentiment profond qu'ils ont de leur identité séparée est accru du ·fait que l'ethnicité est généralement liée à l'appartenance religieuse, sans les chevauchements de religions et de races qu'on trouve parfois ailleurs. Ainsi être Russe c'est être orthodoxe, être Polonais c'est être catholique ; les Arméniens appartiennent à l'Église nationale arménienne et les Géorgiens à l'Église géorgienne ; et les peuples asiatiques, surtout les peuples turcs, sont en très grande majorité musulmans. Ces peuples craignent par-dessus tout de perdre leur originalité en se laissant absor-- Biblioteca Gino Bianco 233 ber par la culture plus homogène de la nation russe. En effet, bien que d'importants liens historiques les unissent souvent au centre de Moscou, les diverses nationalités ont rarement grand-chose de commun entre elles, en dehors de leur statut de minorité. Comment dès lors ces peuples se rejoignent-ils dans la citoyenneté soviétique? La réponse ne se trouve pas, comme pour certaines autres nations ethniquement hétérogènes, dans l'émigration volontaire ou l'incorporation à la Russie. Il faut remonter les siècles et la chercher dans l'histoire de la politique de l'État russe. L'expansionnisme tsariste A LA SUITE de leur assujettissement par les khans, les Russes vécurent pendant des siècles sous la férule des hordes tatares, compriro.és dans un étroit périmètre de la Russie centrale et coupés des autres grands groupes slaves tels que les Polonais et les Ukrainiens, eux-mêm<;s soumis par des peuples venus de l'Occident, de la Scandinavie et de la Baltique. Le colonialisme russe date de 1552, année ou Ivan le Terrible prit Kazan et mit fin au khanat tatare. Le petit État moscovite commença par incorporer de nombreux peuples turcs installés dans le bassin de la Volga. Un siècle plus tard, un grand mouvement vers l'ouest s'achevait par l'établissement sur la rive gauche du Dniepr d'un protectorat qui plaçait les Cosaques et les Ukrainiens sous l'hégémonie russe. Pierre le Grand y ajouta les populations des bords de la Baltique. A son tour, Catherine II s'étendit vers l'ouest, incorporant un morceau de la Pologne, et poussa au sud jusqu'à la mer Noire. Le Caucase fut occupé plus tard, et la majeure partie de ce qui restait du Turkestan fut conquise sousAlexandre II, le mouvement s'achevant à la fin de son règne en 1881. Cette prodigieuse expansion fit des Russes une minorité dans le pays qu'ils gouvernaient. La Russie était un empire colonial ; mais, à la différence des autres empires d'Europe, ses possessions étaient contiguës à la _métropole.Elle incorpora ses possessions à l'intérieur d'une frontière continue, les nations captives s'étendant autour des · limites extérieures du solide noyau grandrusse. Pour. comprendre le problème des nationalités en URSS, il faut avoir présent à l'esprit le fait que le régime soviétique· hérita des tsars cette « prison des nations» et qu'il dut opérer dans le cadre tracé par l'histoire. La formule de Lénine LE RÉGIME SOVIÉTIQUE a adopté à l'égard de l'expansionnisme tsariste une double attitude : d'une part, il a généralement qualifié la conquête et 1'1ncorporation de politique « histo--
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