226 T. K. Trétiakov, qui est à la tête du kolkhoze Kirov, territoire de Krasnodar : Quand dans notre kolkhoze nous avons fait_le compte de la main-d'œuvre indispensable pour réaliser, avec les moyens mécaniques dont nous disposons, le plan fixé (•..) nous avons constaté qu'en 1960 et 1961 il nous faudrait 6.000 kolkhoziens aptes au travail. Or nous n'en avons que 4.500 5 • Si dans un kolkhoze riche du Kouban, qui « peut verser tous les ans de 10 à 12 millions de roubles dans son fonds indivis, soit de 30 à 35 % de ses revenus», donc capable d'acheter tout le matériel nécessaire et qui n'a été que peu éprouvé par la guerre, le déficit de main-d'œuvre s'élève à 25 % de ses besoins, il doit être encore plus important dans les régions dévastées par l'invasion et l'occupation allemandes - en Ukraine, en Biélorussie et dans la partie occidentale de la R.S.F.S.R. En Sibérie, également, le manque de bras est alarmant. G.I. Paramonov, président du kolkhoze Staline, territoire de Krasnoïarsk, motive ainsi sa demande de foumiture en matériel agricole : Comme vous le savez, chez nous, dans le territoire de Krasnoïarsk, il y a peu de monde. Il faut avouer qu'avant 1953 notre agriculture traînait une existence misérable et que beaucoup quittèrent la région. A présent, ils commencent à revenir. Néanmoins, dans nos kolkhozes l'état de la main-d'œuvre n'est pas encore celui dont parlait le camarade Trétiakov. Voilà pourquoi il est indispensable d'accorder au territoire de Krasnoïarsk une aide toute particulière en faveur de la mécanisation de l'agriculture 6 • Le manque de bras est donc général. Le recensement du 15 janvier 1959 révèle que la population rurale de l'URSS est passée, entre 1939 et 1959, de 130.269.000 à 109.044.000, soit une perte de 21.225.000 âmes. En vingt ans, la R.S.F.S.R. a perdu 22,3 % de sa population rurale, l'Ukraine 15,4 %, la Biélorussie 20,8 %, la Lituanie 20,4 %, la Lettonie 20,4 %, l'Estonie, 25 %-Un accroissement n'est constaté que dans les républiques de l'Asie centrale et au Kazakhstan, qui servaient à Staline de lieux de déportation, souvent massive, et dans lesquelles on procède depuis 1953 à la mise en valeur des terres vierges. Seule, la République de Moldavie fait exception avec 117 .ooo âmes de plus qu'en 1939; mais l'annexion en 1940 de la Bessarabie roumaine, essentiellement agricole, _suffit à expliquer cet accroissement. . Ce déficit est d'autant plus grave qu'il porte sur les contingents aptes au travail, en particulier sur les hommes. Les chiffres de la répartition de la population par âge qui sont publiés ne concernent que l'ensemble de la population mais ils 5. Pravda, 25 décembre 1959. ~ 6. Ibid., 26 décembre 1959. Biblioteca Gino Bia·nco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE sont suffisamment explicites. Voici ceux de la population âgée de 20 à 59 ans, tels que les donne la Pravda du 22 janvier 1960 .. Nombre Age (en milliers) Par millier à la date du 15-1-59 d'individus Hommes Femmes Hommes Femmes 20-24 ans 10.056 10.287 494 506 25-29 - 8.917 9.273 490 510 30-34 - 8.611 10.388 453 S47 35-39 - 4.528 7.062 391 609 40-44 - 3.998 6.410 384 616 45-49 - 4.706 7.558 384 616 50-54 - 4.010 6.437 384 616 55-59 - 2.906 5.793 334 666 Total 47.732 63.208 Ainsi la population active de l'URSS s'élevait en janvier 1959 à 110.940.000 âmes, dont 43,1 °/o d'hommes et 56,9 % de femmes. Cette disproportion explique pourquoi les femmes soviétiques s'acquittent souvent de besognes qui sont en Occident réservées aux hommes. Les pertes considérables infligées à la population soviétique par les deux guerres mondiales, la révolution, la guerre civile, la famine et le régime bolchévique lui-même, dont les résultats démographiques sont reflétés par ce tableau, tous ces ravages touchèrent plus particulièrement la population rurale et il est certain que le manque d'hommes s'y traduit par un pourcentage de la main-d'œuvre masculine inférieur à 43,1 %- C'est sans doute pour cette raison qu'on évite soigneusement de laisser filtrer le moindre renseignement précis sur les effectifs de la maind'œuvre agricole. On peut considérer cet état de choses comme une des causes essentielles de l'engouement de Moscou pour la cc coexistence pacifique » et pour les palabres interminables sur le désarmement. Car un~ nouvelle guerre mondiale, même non atomique, risquerait de transformer l'URSS en une nouvelle république d'Amazones. Les déboires/ de/!~ soulignèrent une fois de plus l'impérieuse nécessité de remédier à cette crise le plus rapidement possible. Il fallait prendre les bras valides où ils sont en abondance, c'est-àdire dans l'armée. Khrouchtchev, qui espérait obtenir la réunion de la conférence au sommet en automne ·1959, comptait y monnayer la réduction de ses effectifs militaires contre quelques concessions nouvelles de la part des Occidentaux. Talonné par le besoin ·urgent de disposer d'un supplément de main- .d' œuvre pour les labours et semaillesde printemps, il dut se contenter de cc l'esprit de Camp David» et la loi du 15 janvier 1960 libéra 1.200.000 hommes et officiers sans autres avantages politiques que l'intense exploitation de cette mesure par la propagande.
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