YVES LÉVY d'Angleterre, dont les cinq premières ont leur correspondant dans l'histoire de France. Or « il en est des séries de faits comme des séries de nombres ; après quatre termes communs à deux séries, tous le sont indéfiniment ». Et le sixième terme du côté anglais, c'est la révolution de 1688. SaintSimon n'a. ~l!cun mal à faire comprendre ce que sera ce sooeme terme dont les Français sont « menacés par la force des choses ». Sept ans plus tard, en janvier I 822, il republiera ce texte dans une mince brochure au titre explicite: Des Bourbons et des Stuarts, qu'il termine en invitant le ministère, pour éviter les périls imminents, à « lier les intérêts du Roi et ceux de la famille royale, avec les intérêts des nonprivilégiés ». On pourrait citer encore, et abondamment. Bornons-nous au témoignage de Bonald : Comme le parti révolutionnaire en France (car je ne pense pas que l'on pousse la niaiserie jusqu'à nier son existence), comme ce parti n'ignore pas que la religion catholique est le plus ferme appui de la légitimité, il veut changer à la fois, s'il le peut, la religion et la dynastie, et les libéraux, ces libéraux qu'un écrivain du Conservateur attaquait sans relâche, lorsqu'ils étaient beaucoup moins redoutables qu'aujourd'hui, tournent sans cesse leurs regards vers la révolution d' Angleterre de 1688, comme vers le but qu'ils s'efforcent d'atteindre 23 -. A peine la révolution de 1830 aura-t-elle triomphé, Sainte-Beuve la mettra en parallèle avec celle de 1688 24 • Plus tard, Guizot exprimera avec une remarquable netteté l'influence décisive qu'a en cette occasion exercée un modèle historique qu'il connaissait particulièrement pour s'être penché avec attention et sur l'histoire constitutionnelle et sur l'histoire d'Angleterre. Il écrit dans ses Mémofres (tome II, p. 19) : Nous avions l'esprit plein de la révolution de 1688 en Angleterre, de son succès, du beau et libre gouverne23. Bonald: De l'esprit de corps et de l'esprit de parti, p. 34. L'écrivain de qui Bonald signale avec amertume l'évolution politique n'est autre que Chateaubriand. Biblioteca Gino Bianco215 ment qu'elle a fondé, de la glorieuse prospérité qu'elle a value à la nation anglaise. Nous ressentions l'ambition et l'espérance d'accomplir une œuvre semblable. Sans nul doute, dans l'esprit de Guizot - qui fit fonction de ministre de l'Intérieur dès le 1er août 1830 - la Restauration avait été déchirée entre les libres institutions anglaises et la tentation d'un retour à r Ancien Régime. L' « orléanisme » consistait essentiellement à mettre sur le trône un Bourbon qui n'y fût pas selon l'ordre légitime de succession, comme la révolution anglaise avait, à Jacques II, substitué son gendre. Et ce qui explique l'aisance avec laquelle la couronne passa des Bourbons de la branche aînée au chef de la · branche cadette, c'est que tout le monde avait présent à l'esprit la révolution anglaise de 1688. Ce changement de dynastie ne plut pas à tout le monde mais, plus ou moins consciemment, tout le monde s'y attendait. Il y a ainsi, dans les événements historiques, une manière de quasi-légitimité qui naît de ce que leur cours répond à celui d'un antécédent connu, de ce qu'ils ont été prévus d'après un modèle historique et, en conséquence, semblent voulus par le mouvement de l'histoire, par la philosophie même de l'histoire. A certains égards ce qui peut être prévu n'est pas loin d'avoir un caractère providentiel. Et bien des gens sont portés à se remuer pour aider à la réalisation du plan divin. L'enthousiasme de Guizot en 1830 n'est pas sans analogie avec la foi de ceux qui envisagent une « lutte finale ». Yves LÉVY. 24. Article anonyme du Globe du 24 août 1830, tome I p. 334 dans l'édition de la Pléiade. Sainte-Beuve contest; l'analogie, et Maxime Leroy indique que l'article s'explique par les rapprochements fréquents faits par le National - journal fondé par Thiers et Carrel en janvier 1830 - entre Chai:les X et Jacques II. C~rr~l avait d'ailleurs, en 1827, publié chez Sautelet une Histoire de la contre-révolution en Angleterre sous Charles II et Jacques II, où le parallèle avec les événements contemporains était souvent clairement sousjacent.
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