Le Contrat Social - anno IV - n. 4 - luglio 1960

210 se trouve que c'est autour du régime anglais que se sont cristallisées certaines notions nouvelles. Les adversaires du parlementarisme eux-mêmes - Bonald par exemple - ne cesseront pendant tou~e la Restauration de faire des allusions à la Constitution anglaise. . . En ce qui concerne Laborde, il convient de mentionner d'abord ce qu'il appelle « le foyer d'action », qu'il définit comme suit (pp. 28-33) : Dans toutes les organisations (...) il y a ou doit Y avoir un point principal d'où part le mouvement nécessaire à la machine et à ses organes. J'appelle ce point principal le foyer d'actio~ ... La constitution sera bonne si le foyer d'action est pur simple vigoureux et éclairé. Alors tout ira bien et en ~esure ': l'action sera de bonne qualité, uniforme, constante et sans secousse; non-seulement elle ne dérangera aucune des parties constitutives de la machine, mais elle tendra à les unir et à les tenir en harmonie ... La constitution sera mauvaise, si le foyer d'action est compliqué, foible ou mobile, susceptible de corruption ... Enfin elle sera inexécutable et de courte durée, si elle laisse développer deux foyers d'action distincts et opposés. Plus loin (p. 68), Alexandre de Laborde indique qu'en Angleterre « le foyer d'action réside essentiellement dans la chambre des communes». Et il n'a pas manqué de noter (p. 53) que le ministère, ...produit par la chambre des communes, gouverne l'État au nom du Roi : il est secondé, dans tout ce qu'il propose, par la majorité de la chambre, et combattu par la minorité qui devient le parti de l'opposition. Cependant, dit-il, le roi ne laisse pas d'avoir une grande influence, à la fois parce qu'il choisit le premier ministre et dissout la Chambre des communes (l'auteur examine longuement la crise de 1783-84), et parce qu'il a, pour diverses raisons, une influence considérable sur les élections, où l'argent joue un grand rôle. * )(,. )(,. UN DES PREMIERS LECTEURS d'Alexandre de Laborde fut le comte de Saint-Simon. En octobre 1814, dans De la réorganisation de la société européenne, il fait la théorie du gouvernement parlementaire. Il expose d'abord par raison démonstrative que la meilleure constitution possible institue un roi, une Chambre des plirs et une Ch1mbre des députés. Cette partie théorique aboutit à une prise de position catégorique : La bonté d'une constitution, fondée sur les principes que je viens d'établir, est aussi certaine, aussi absolue, aussi universelle que celle d'un bon syllogisme 13 • Il confirme la théorie par l'observation : c'est par cette Constitution que le peuple anglais est 13. Saint-Simon et A. Thierry : De la réorganisation de la société européenne, Paris 1925, éd. Alfred Péreire, p. 32. LE CONTRAT SOCIAL devenu « libre et le plus puissant des peuples d'Europe ». Suit un exposé rapide du système anglais. Hormis une idée curieuse, celle de la double royauté, Saint-Simon emprunte explicitement à Laborde l'essentiel de sa description. Il écrit notamment (p. 38) : ,,,-,- La royauté a été divisée en deux parties distinctes par leur nature; à l'une appartiennent la pompe, la magnificence, les honneurs, tous les attributs de la souveraineté ; à l'autre l'administration des affaires : la première, qui se transmet _par héritage, est mise entre les mains de la dynastie régnante ; la seconde, essentiellement élective, est confiée au premier ministre. La responsabilité du ministère met le peuple en sûreté contre tout abus de pouvoir et toute mauvaise administration. ... Le chancelier de l'échiquier n'est point nommé par le roi, mais par la nation. Le roi est contraint de choisir celui qui a obtenu la majorité dans la chambre des communes. Dans une note manuscrite qui est en notre possession, Saint-Simon écrit qu' cc il y a en Angleterre deux Royautés : la royauté passive et la royauté active ». Ces expressions montrent que c'est à Benjamin Constant qu'il a emprunté cette distinction. Celui-ci commençait en effet ses Réflexions en distinguant le pouvoir royal du pouvoir exécutif, et notait : Le vice de presque toutes les constitutions a été de ne pas avoir créé un pouvoir neutre, mais d'avoir placé la somme d'autorité dont il doit être investi dans l'un des pouvoirs actifs. Les termes cc neutre » et cc actifs » ont évidemment donné naissance aux cc royauté passive » et « royauté active » de Saint-Simon, qui utilise donc Constant et Laborde pour brosser un schéma constitutionnel conforme à celui des institutions anglaises. On doit cependant observer que chez Saint-Simon cette construction n'est destinée qu'à en introduire une autre beaucoup plus vaste, un gouvernement européen dont le fonctionnement et les pouvoirs sont mal définis, mais dont l'objet est conforme à l'inspiration fondamentale de Saint-Simon : Peupler le globe de la race européenne, qui est supérieure à toutes les autres races d'hommes ; le rendre voyageable et habitable comme l'Europe, voilà l'entreprise par laquelle le parlement européen devra continuellement exercer l'activité de l'Europe, et la tenir toujours en haleine. Il s'agit moins ici de formes constitutionnelles que d'une' œuvre concrète à réaliser. Saint-Simon, à la vérité, ne repousse a priori aucun système politique tant qu'il a l'espoir de l'inciter au grand œuvre, c'est-à-dire au perfectionnement, à l'achè- _vement de la civilisation matérielle. Peu après cependant, dans un article inséré dans le Censeur de janvier 181-5 (tome III), SaintSimon expose de façon beaucoup plus circonstanciée·- et en s'inspirant explicitement de l' An-

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