LE CONTRAL SOCIAL Question apparemment insoluble, car il s'agissait de trouver un candidat acceptable par toutes les fractions, au nom du suprême conseil donné par Lénine et qui revenait comme un leitmotiv dans les conversations de ses disciples : « Ne pas verser le sang dans le Parti... » En 1926, il paraissait évident que le sang ne tarderait plus longtemps à couler. Les opposants en étaient obsédés. Pour écarter cette tragique éventualité, il fallait prendre au sérieux le « testament d'Ilitch », remplacer Staline au secrétariat. Par qui? Dans la situation créée par la défaite des deux oppositions, comment imaginer une candidature qui fasse l'unanimité? Je dois rappeler ici qu'en 1925 et 1926 se réunissait à Paris, sous la présidence de Racovski et de de Monzie, une commission de règlement des dettes. Outre Racovski, · du côté soviétique y ont pris part Piatakov, Préobrajenski, Sokolnikov et Reingold. J'étais en rapports étroits et constants avec eux (c'est ainsi que je reçus le texte authentique du «Testament», donné par Kroupskaïa, et que j'ai communiqué à Max Eastman). Au début de juillet 1926, Préobrajenski me dit : «Nous nous sommes mis enfin d'accord pour proposer un candidat à la place de Staline. » Extrêmement intéressé, je m'arrêtai net (nous marchions tous deux dans la rue) et demandai : «Qui?» Préobrajenski me regarda un instant comme pour juger de l'effet qu'il allait produire, et répondit : «Dzerjinski. » J'étais abasourdi. Après un moment de silence, j'objectai : « Mais· c'est un de vos pires ennemis. 1> Préobrajenski répliqua : « Oui, mais il est honnête. » Nous nous mîmes à discuter. Dzerjinski était, en matière économique, un « droitier », aux antipodes de Préobrajenski. Son passé de tchékiste ne me rassurait pas précisément. A toutes mes objections, Préobrajenski opposait un seul argument : il fallait choisir un homme loyal, reconnu comme tel par toutes les tendances, et qui cumulât les qualités d'énergie aux capacités de travail; seul Dzerjinski répondait à ces exigences. D'ailleurs à la question : «Voyez-vous quelqu'un d'autre?», je n'avais aucune idée à faire valoir. Quelques jours après cette conversation, on apprenait la mort subite de Dzerjinski, à la suite d'une séance orageuse du Comité central (20 juillet) où il avait prononcé un véhément discours, apostrophant l'opposition avec violence, la menaçant de sa « poudre sèche » (expression censurée dans le sténogramme). C'est ce qui me rend facile de retrouver la date de la confidence de Préobrajenski. C'est aussi la succession des deux faits qui m'a rendu la mort de Dzerjinski assez suspecte. Ce que Préobrajenski m'avait révélé, Staline devait le savoir. Et la violence inouïe du dernier discours de Dzerjinski n'était-elle pas inspirée par le désir de marquer sa distance, par la volonté d'écarter tout soupçon de connivence? On ne saura jamais la vérité, sans doute. A ce bref épisode, j'accorde une grande importance. Car il réfute les vues trop hâtives de ceux, historiens ou doctrinaires, qui croient trouver dans les théories en présence, dans les thèses et les discours d'assemblées, l'explication de tout événement politique ayant jalonné l'évolution du régime soviétique. Il n'est pas vrai que le conflit consécutif à la disparition de Lénine se soit livré entre conceptions de droite et de gauche. Ce fut une lutte plus ou n1oins consciente pour le pouvoir et Trotski a perdu la partie parce qu'il a compris trop tard ce qu'était le Parti et ce qu'était Staline. Certes il y a des inconvénients à résumer cela dans une formule trop sommaire. On peut aussi démontrer que, de toute façon, Trotski était voué à l'échec. Mais il faut terminer cette lettre. iblioteca Gino Bianco 189 Perles d'Occident Non seulement nos collaborateurs, mais nos abonnés et lecteurs peuvent alimenter cette rubrique à condition que les citations se suffisent à elles-mêmes et soient scrupuleusement faites, avec références vérifiables. Les Maoïstes ont plus d'une fois laissé entendre, sans le crier sur les toits, qu'en poursuivant sa diplomatie du sommet Khrouchtchev a sacrifié sans nécessité la révolution en Asie et n'a pas été loin de trahir l'internationalisme prolétarien. The Reporter, N. Y., 21 janv. A Moscou, M. Khrouchtchev, lui aussi, s'inquiète. Au moment qu'il s'apprête à recevoir au Kremlin ses partenaires du bloc oriental communiste en vue de la préparation de la conférence au sommet Est-Ouest, voilà que l'insurrection d'Alger le menace de lui couper l'herbe sous les pieds. Notre République, II févr. Le leader soviétique, qui se fâche quand il lit dans la presse occidentale que les Polonais, les Tchèques et leurs voisins sont gens dociles qu'il mène à sa guise, s'interroge : au cas où certains chefs militaires réussiraient à défier le général de Gaulle et, bientôt, à le contraindre à une nouvelle retraite, toute sa diplomatie de contacts « bilatéraux » serait en grand danger de basculer. Et puis quels arguments opposerait-il, dans une telle conjoncture, aux observateurs de la Chine de Pékin, qui le guettent au tournant ? Notre République, 11 févr. Le chef du gouvernement russe a, au demeurant, de bonnes raisons de miser sur son prochain voyage en France. Céderait-il subitement au doute, ses partenaires de Varsovie et de Prague ne manqueraient pas de le rappeler à l'ordre. Pourquoi? Notre République, 18 févr. N'oublions pas que M. Khroutchtchev a fixé à 1975 le moment où le niveau de vie soviétique devra, selon lui, dépasser le niveau de vie américain. P. Mendès France, l'Express, 7 avril. Le spectre de la répression hongroise lui-même ne rejoindra-t-il pas dans certains secteurs de l'opinion l'image de « l'homm.e au couteau entre les dents »... ? Le Monde, 12 avril. Je suis européen, a répondu M. Paul Reynaud, tout simplement parce que dans vingt-cinq ans il y aura un milliard de Chinois. Le Figaro, 3 mai. Somme toute on fait preuve à Londres, à quelques jours du sommet, d'un optimisme, relatif il est vrai, mais raisonné. Le Figaro, 12 mai. Bref, on a l'impression à Londres que le président Eisenhower et M. Khrouchtchev, soumis tous deux à de fortes pressions intérieures qu'ils contiennent le
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