W. GRIFFITH nistes devant les excès et les crimes du stalinisme, mis à nu par Khrouchtchev, fut d'autant plus vive. Cela insufflait à leurs écrits une « dynamique du désenchantement » qui les rendait particulièrement troublants et efficaces.Cependant la floraison du révisionnisme fit apparaître que bon nombre d'intellectuels communistes n'avaient jamais été de véritables staliniens idéologiquement convaincus, bien qu'ils en eussent porté l'étiquette. Leur stalinisme avaient procédé de la peur plus que de la conviction ; une fois le règne de la terreur policière atténué et quelques brèches ouvertes dans le mur d'oppression de la pensée, le courage et le scepticisme leur revinrent rapidement. Le révisionnisme a d'autre part révélé la faiblesse d'une idéologie qui, sous Staline, avait pris un caractère de dogmatisme quasi théologique, parfaitement incompatible avec l'esprit rationaliste du m-arxismeoriginel. En effet, le fossé entre la théorie et la réalité était devenu si large que les intellectuels révisionnistes n'étaient plus en mesure de le combler. C'est sans doute leur violente réaction émotionnelle contre les tortures, les déportations et les assassinats massifs de Staline qui les empêchait de garder le silence. Mais cette réaction avait aussi des racines idéologiques plus profondes. Par le fait même de leur attachement· initial sincère aux aspects internationalistes et humanistes du socialisme marxiste, les révisionnistes d'Europe orientale étaient aussi philosophiquement voués à la pensée rationaliste et humaniste du xixe siècle. C'est cette foi qui les avait poussés vers le communisme, par réaction contre les horreurs irrationnelles du nazisme ; c'est ce même sentiment qui les empêchait de continuer à accepter et à justifier des atrocités telles que le procès Slansky et le « complot des médecins». Les révisionnistes ont joué un autre rôle politique important. Leur rôle de direction initial dans les mouvements de libéralisation en Pologne et en ·Hongrie eut une certaine influence modératrice sur les masses, qui avaient tendance à se jeter impétueusement dans la révolte. C'est surtout vrai de la Pologne, en particulier après que le soulèvement de Poznan en juin 1956 eut montré les dangers d'un mouvement incontrôlé. Ce fut moins vrai en Hongrie, où la faiblesse relative et le stalinisme extrême de l'appareil rendaient les forces populaires plus explosives et moins sensibles à une influence modératrice émanant d'un élément situé à l'intérieur du Parti. Perspectives QUELS SONT dès lors les chances d'un renouveau du révisionnisme? Il est probable qu'une grande proportion des révisionnistes de premier plan d'hier en Europe de l'Est --:- qu'ils restent ou non nominalement membres du Parti - sont Biblioteca Gino Bianco - 159 aujourd'hui devenus des socialistes démocrates convaincus, quoique dans une large mesure politiquement inefficaces. Cependant le révisionnisme - au sens strict de mouvement visant à réformer le communisme sans renier le marxismeléninisme - est indéniablement une force potentielle qui tend à prendre de la vigueur dans des conditions qui seraient celles du stalinisme et peut-être même (quoique plus lentement) de la néo-orthodoxie khrouchtchévienne d'aujourd'hui. Tel un volcan qui fait éruption, le révisionnisme peut reprendre vie. Qu'il suffise de rappeler les conditions qui rendirent possible le dégel de 1955-57. Les deux facteurs essentiels étaient : l'esprit de dissension dans les partis soviétique et satellites, conséquence de la lutte pour le pouvoir engagée parmi les successeurs de Staline ; l'effervescence populaire, causée principalement par le mécontentement économique, encore accrue chez les satellites par des griefs nationaux. Il apparaît donc que l'évolution en Union soviétique sera la clé de l'évolution future en Europe orientale. En ce qui concerne la situation du P.C. de l'URSS, l'élimination par Khrouchtchev de tous les rivaux sérieux semblerait lui avoir assuré pour le proche avenir l'autorité totale dans un parti unifié. Cependant l'âge relativement avancé du leader soviétique est l'un des faits politiques les plus importants dans le monde communiste d'aujourd'hui : lorsque se posera le problème de sa succession, la lutte pour le pouvoir et ses répercussions chez les satellites pourraient de nouveau créer des conditions favorables à la libéralisation, et partant à une nouvelle flambée de révisionnisme. En outre, de même que le dégel post-stalinien avait pris naissance en Union soviétique avant de s'étendre aux satellites, tout nouveau dégel en Europe orientale devra probablement se régler sur une évolution antérieure en URSS. Mais ce n'est pas seulement à cet égard que l'évolution soviétique affectera celle de l'Europe orientale. La politique de Moscou à l'égard des satellites a une incidence sur le deuxième facteur mentionné ci-dessus, l'effervescence populaire. Pour le moment, les concessions de Khrouchtchev aux revendications économiques et nationales des satellites semblent avoir quelque peu atténué le mécontentement; mais celui-ci n'a probablement fait que se calmer. L'expérience montre qu'à longue échéance les concessions économiques, loin d'assouvir la faim populaire, ne font qu'aiguiser l'appétit. Un renversement de la politique de libéralisation économique de Khrouchtchev tant à l'intérieur que vis-à-vis des pays du bloc paraît peu probable de son vivant, et étant donné l'effet de plus en plus profond qu'elle a sur la vie ·soviétique et celle des satellites, il est improbable que ses successeurs se risquent à la renverser
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