Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

158 nisme national» avant la révolution hongroise, alors qu'on pouvait encore croire - comme ~e faisaient nombre de révisionnistes - à la possibilité de réaliser la formule nationale-communiste, position intermédiaire entre la tutelle sovié~que et la véritable indépendance nationale assortie de libertés démocratiques. Quant aux révisionnistes d'Europe de l'Est, ils ont devant les yeux la le~on de la Hongrie où la phase nationale-communi.ste (c'est-à-dire le révisionnisme) de la révolution d'octobre 1956 ne dura pas plus de quelques jours, avant la dernière intervention soviétique. La seule conclusion qu'ils peuvent en tirer est que le communisme national ne serait, au mieux, qu'une phase brève et transitoire pour qui chercherait à se libérer des entraves de l'orthodoxie et de l'oppression soviétiques. Limites du révisionnisme A LA LUMIÈRE des révolutions hongroise et polonaise on discerne certaines des raisons pour lesquelles le révisionnisme n'a pu devenir une force politique plus puissante et plus durable. Aussi bien le soulèvement hongrois que !'Octobre polonais étaient caractérisés par un sursaut de patriotisme romantique où se mêlaient nationalisme traditionnel et sentiment religieux. Or tant le nationalisme que la foi religieuse étaient parfaitement étrangers à beaucoup d'intellectuels révisionnistes, tout au contraire internationalistes et anticléricaux : ils sous-estimèrent donc ces forces, exacerbées par la pression soviétique. Autre conséquence de leur orientation intellectuelle, les révisionnistes, à quelques importantes exceptions près, étaient peu soutenus par le paysannat qui, sauf en Tchécoslovaquie et en Allemagne de l'Est, reste en Europe orientale l'élément le plus nombreux de la société. Ainsi en Hongrie par exemple, l'idéologie populiste de la « troisième force », si bien formulée dans les écrits d'lstvan Bibo, était plus conforme aux penchants politiques de la population rurale ; solution de gauche non marxiste (donc non révisionniste), nationaliste et dégagée du stalinisme de Rakosi aussi bien que de l'autoritarisme d'avant guerre, elle exerçait également une forte attraction sur l'intelligentsia et le prolétariat. Le fait, de surcroît, que ce sont les paysans plutôt que les ouvriers et l'intelligentsia qui, en Pologne et, à un degré bien moindre, en Hongrie, ont préservé une bonne part des conquêtes d'octobre 1956, a diminué encore les chances des révisionnistes auprès des masses. Tout cela s'applique certes davantage à des pays à prédominance agricole comme la Pologne et la Hongrie. Il est cependant permis de supposer que même dans des pays hautement industrialisés tels que la Tchécoslovaquie et l'Allemagne de l'Est, le révisionnisme aurait tôt ou tard cédé devant des idéologies plus conformes Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRlb'NCE COMMUNISTE au génie local. Car, si grand que soit le prestige moral d'hommes tels que Wolfgang Hari ch (le plus en vue des révisionnistes d'Allemagne de l'Est, aujourd'hui en prison), il n'est guère douteux que sa conception d'un « communisme libéral» ait des racines beaucoup plus faibles en Allemagne que les vieilles traditions socialistes et syndicalistes, comme l'atteste l'évolution d'après guerre en République fédérale. Aux beaux jours, glorieux mais brefs, du « dégel » en Pologne et en Hongrie, les révisionnistes se sentaient en contact avec les masses et avaient conscience de l'influence qu'ils exerçaient sur elles. Qu'ils aient été écrivains ou dirigeants de la jeunesse, ils furent à l'avant-garde du mouvement car, en leur qualité de communistes, ils étaient les seuls critiques du statu quo à pouvoir disposer des moyens de se faire entendre de tous les publics et se trouvaient ainsi en mesure de prendre la tête du mouvement de libéralisation, De manière paradoxale, ils préparaient sans le savoir la perte de leur leadership politique. En effet, mieux ils parvenaient à éveiller les forces latentes d'opposition, plus ils tendaient à être supplantés dans la faveur populaire par les porteparole cc légitimes » de tendances politiques plus anciennes : dirigeants paysans, ouvriers et religieux, forts de leur influence d'autrefois et de leur attaçhement au patriotisme et à la démocratie sociale et parlementaire. Tous ces facteurs aident à comprendre le déclin rapide du révisionnisme après la période exceptionnelle de 1955-56. En Hongrie, et surtout en Pologne, le révisionnisme a cédé la place à une philosophie « néo-positiviste » (appelée en Pologne « travail organique») qui allie la collaboration économique avec le régime à l'hostilité envers son idéologie officielle. La population dans son ensemble, les jeunes en particulier, ont cessé pour le moment de s'intéresser au communisme ou à toute autre idéologie politique : leurs espoirs vont désormais à une amélioration économique progressive plutôt qu'à une délivrance apocalyptique. Retour en arrière DIRE que le révisionnisme a cessé d'être une force effective dans la vie communiste et qu'il restera probablement en sommeil pendant quelque temps encore n'est pas vouloir minimiser l'importance de ses réalisations passées. Malgré son heure éphémère, il a tenu un rôle de première importance dans le drame historique qui s'est joué dans l'empire soviétique d'Europe orientale entre la mort de Staline et la fin de 1956. Dressons donc un bilan avant de hasarder quelques spéculations sur l'éventualité d'un renouveau du phénomène. Ayant été eux-mêmes dans la plupart des cas des _staliniens déclarés, la réaction des révision-

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