Le Contrat Social - anno IV - n. 3 - maggio 1960

PERSPECTIVES DU SOCIALISME DÉMOCRATIQUE par Léon Emery QUAND le leader travailliste Attlee succéda à Churchill en 1945, il parut évident que les partis socialistes d'Occident allaient jouer un rôle décisif, soit en assumant les charges du pouvoir tout en faisant barrière devant le stalinisme; soit en acceptant les risques d'une collaboration avec lui. Quinze ans plus tard, les mêmes partis végètent dans une opposition stérile et comprennent la nécessité d'une révision doctrinale, poussée fort loin en différents pays sans que le corps électoral paraisse s'en apercevoir. Que s'est-il donc passé ? Pourquoi cette perte d'influence ? André Philip, qui fut un des chefs du socialisme français, qui fut aussi l'un des premiers à révéler Henri de Man, a fourni belle occasion d'y réfléchir en publiant deux petits livres éloquents et passionnés, d'abord Le Socialisme trahi, puis tout récemment Pour un socialisme humaniste ; cela fait diptyque et promet un renouveau. Bien entendu, on laissera de côté tout ce qui est d'ordre polémique tout en négligeant aussi ce qui se rapporte exclusivement à la politique française. Reste le problème général. I LE SOCIALISME a-t-il été trahi ? Si l'on compare son programme électoral de 1955 et l'action menée pendant seize mois en 1956-57 par le ministère Guy Mollet, on ne peut nier que la contradiction ait été flagrante, au point que l'habituelle référence aux servitudes de la pratique parlementaire ne suffit plus à tout concilier. On doit choisir entre deux hypothèses : ou bien les hommes, les agents d'exécution ont effectivement trahi, c'est-à-dire renié leurs engagements par faiblesse et duplicité, ou bien, ils se ~ont. trouvé~ brusquement en présence ? une s1tuat1~n q_u1 révélait crûment, plus crument que Jamais, Bibli_otecaGino Bianco • l'inadaptation de la théorie à des réalités accablantes. La première hypothèse n'a d'intérêt que pour les membres du parti socialiste et c'est à eux de juger, s'ils ne l'ont déjà fait; la seconde conduit beaucoup plus loin et vaut pour tout le monde. On ne peut l'examiner sans constater que personne ne sait plus au· juste ce qu'est le socialisme. Au début du siècle, on croyait posséder à cet égard .de suffisantes clartés; sans doute se perd;:iiton quelque peu dans le labyrinthe des écoles et des doctrines, mais des traits saillants émergeaient du chaos. Condamnation des privilèges capitalistes, volonté de faire accéder au pouvoir la classe des travailleurs, recours pour ce faire à la socialisation des moyens de production, proclamation de l'internationalisme prolétarien, voilà les principes qui n'étaient pas mis en question. Le terrible démenti donné à l'idéologie par la guerre de 1914 ne détruisit pas la confiance des docteurs en ce qui était déjà devenu une scolastique. Mais quarante ans ont passé... Les entorses à la loi ont été si nombreuses, si continues, si colossales, que la plus rare subtilité, celle d'un Léon Blum par exemple, s'avérait incapable d'en rendre compte. Le monde changeait non de base, mais de forme, et l'on peut maintenant grouper sous quatre rubriques l'étude des nouveautés positives qui ont placé en fâcheuse posture le socialisme traditionnel et théorique. D'abord est venue la révolution russe. En sa phase ~éni~iste au moins_, n'était-elle pas l'orthodox~e vivante ? N'avait-elle pas le droit de revendiquer le commandement de l'armée socialiste mondiale ? On sait qu'une grande partie des socialistes d'Occident et d'abord les chefs le mieux brevetés : Kautsky, Vandervelde, Macdonald, Léon Blum n'en jugèrent pas ainsi; pour mieux se différencier du bolchévisme, ils désavouèrent toute dictature, firent l'apologie des

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