140 commun que l'inquiétude, voire la jalousie, qu'il suscite parmi les sept autres États qui, avec les Six, pourraient constituer une unité européenne économique allant de l'Atlantique au rideau de fer et capable de traiter sur un pied d'égalité avec l'économie des États-Unis et avec celle de l'URSS. LES succès du fédéralisme économique en Europe ne pouvaient manquer de susciter l'impatience des partisans du fédéralisme politique. Au surplus, les événements ne devaient pas tarder à mettre en évidence la nécessité d'un premier pas dans cette direction. Après la capitulation de l'Allemagne en 1945, les démocraties vécurent quelque temps sur l'illusion qu'il suffirait, pour maintenir la paix, de proroger l'alliance du temps de guerre. Mais force fut bientôt de constater qu'il n'était pas facile d'entretenir des relations pacifiques avec l'Union sovi~tique. Celle-ci, non contente d'avoir annexé les Etats baltes, contre le vœu des populations, était ceinturée d'un puissant cordon d'États satellites : Allemagne de l'Est, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Bulgarie ; ses armées occupaient l'Allemagne jusqu'à la Thuringe. Une série d'incidents met en évidence la raideur de son attitude. Au printemps 1947, la conférence de Moscou, réunie en vue de régler le sort de l'Allemagne, échoue complètement. En juin, l'URSS et ses satellites refusent le plan Marshall. En février 1948, c'est le « coup de Prague», qui livre la Tché~oslovaquie au contrôle du seul parti commuruste. Au cours de l'été suivant éclate la crise de Berlin et les États-Unis n'arrivent à surmonter le blocus de la capitale que par le gigantesque « pont aérien ». Face au péril manifeste, les alliés se décident enfin à réagir. En m.ars,. 1948, la Grande-Bretagne, la France et les trots Etats du Benelux signent à Bruxelles, sous les auspices de l'O.N. U., un traité prévoyant l'assistance mutuelle en cas d'agression armée en Europe. Mais les partenaires de Bruxelles ne se sentent pas assez forts pour défendre seuls la paix contre une agression venue de l'Est ; ils se tournent vers les Etats-Unis et le Canada et concluent à Washington, le 4 avril 1949, le Pacte atlantique qui oblige les signataires à intervenir en cas d'agression contre l'un d'eux en Europe. Ce. trai~é repr~sente plus qu'une alliance ordinaire ; 11est bientôt complété par l'Organisation du traité de l'Atlantique-Nord ( 0. T.A .N.), avec un secrétariat, un état-major, un centre permanent à Paris ; on ne peut méconnaître le caractère fédéral de cette innovation. Tandis que les gouvernements se concertent en vue de l'organisation de la paix, · r opinion publique s'éveille; mieux encore, elle s'organise. Le point culminant de ce mouvement en faveur du fédéralisme est marqué par le congrès de Biblioteca Gino Bianco --.------- LE CONTRAT SOCIAL La Haye, en mai 1948. Celui-ci réclame la création rapide d'une Assemblée européenne et charge une commission d'élaborer un mémorandum qui sera soumis aux gouvernements. Ces derniers créent un comité d'étude qui siège à Paris, sous la présidence d'E. Herriot. Des difficultés surgissent alors, par suite des hésitations de Londres. Cependant l'accord se fait en janvier 1949 ; le Comité des Cinq approuve le principe de la création d'un Conseil de l'Europe comprenant une Assemblée consultative et un Comité. ministériel. Enfin, le 5 mai 1949, est conclu à Londres le traité dit Statut du Conseil de l'Europe, signé par les ministres des Affaires étrangères des dix États membres originaires de l'organisation. Le traité est rapidement ratifié ; le siège de la nouvelle organisation est fixé à Strasbourg où s'ouvre, · en août 1949, la première session du Conseil de l'Europe. Les dix membres originaires sont les suivants : Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-B9.s,RoyaumeUni, Suède. Ont adhéré plus tard la Grèce, la Turquie et la République fédérale allemande. Depuis dix ans, cette organisation a fonctionné avec une parfaite régularité ; .quel en est le bilan ? Il est, il faut l'avouer, nettement négatif. Le Conseil de l'Europe est un organe purement consultatif; il a, selon son rôle, émis des avis, des recommandations souvent fort intéressantes, par exemple en faveur de la création d'une Université européenne et de la standardisation des procédés de l'agriculture ; il a même énergiquement insisté pour que lui soit dévolu un pouvoir de décision politique, mais les gouvernements hésitent à se dessaisir des attributs essentiels de la souveraineté. Pourquoi ? De toute évidence parce que la preuve reste à faire qu'une confédération d'États est capable de prendre, face à une agression, une décision immépiate et de mener à bien une guerre atomique qui ne durerait peut-être que quelques heures. N'en concluons pas que ce risque ne pourra jamais être surmonté ; pour l'instant la Confédération européenne en est au point mort ; notre conviction demeure qu'elle se fera quelque jour, mais ce n'est pas pour dem1in. LA MtME INCERTITUDE pèse sur la Commun-auté française, à laquelle s'offrent cependant de belles perspectives dans le sens du fédéralisme. Ce n'est pas que les pré:édents soient encourageants : le génie juridique de la France est centralisateur; la Révolut:on, à cet égard, a repris et accentué la tradition d ~ J a monarchie. Cependant la Constitution de 1946 inscrivait danc, son préambule cette dispositio7. et1ti~rement nouvelle : « L'Union est composée de nation, et de peuples»; et l'art. 60 préci5~.it : « L'Union. française est formée, d'une pa1:t, de la République française qui comprend la France métropolit1ine, les . départements et territoires d'outre-mer;
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