Le Contrat Social - anno IV - n. 2 - marzo 1960

120 puisqu'il s'agit d'une guerre révolutionnaire qui n'eut pas lieu, l'URSS n'ayant pas osé la déclencher. «La révolution tunisienne » (p. 63), nous diton, « illustre très exactement ce qu'est une guerre révolutionnaire conduite dans un pays dépendant et sous-développé par un parti nationaliste de type occidental» (...le Néo-Destour : on ne l'aurait pas deviné). Or, si cette «révolution» illustre quoi que ce soit, ce n'est pas le succès d'une « guerre », révolutionnaire ou autre, mais le succès d'un chantage, - ledit «parti nationaliste de type occidental ne rejetant aucun des appuis qu'en dépit de son occidentalisme lui apportent les organisations communistes, et utilisant toutes les forces nées de la référence aux solidarités raciales et religieuses ». En termes moins diplomatiques : Bourguiba jouissait de la sympathie des Anglo-Américains comme de l'aide des Soviétiques, il se réclamait de l'anticolonialisme occidental comme de la mythologie panarabe, et n'eut pas à mettre à l'épreuve les tactiques irrésistibles de ses «fellagha » (ainsi que M. Delmas lui-même en convient), puisque le gouvernement de la IVe République s'inclina sans combattre. Une illustration plus probante devrait être fournie par «La guerre du Viet-Minh» (p. 68), «conduite dans un pays dépendant et sous-développé par un parti communiste soutenu directement par le parti communiste chinois, et plus ou moins directement par l'Union soviétique ». Le caractère démonstratif de cet exemple serait dû à la « rigueur » avec laquelle les dirigeants, et notamment Ho Chi Minh, auraient appliqué «.la doctrine de Lénine et de Mao Tsé-toung » tout en tenant compte également de «la xénophobie latente qui sommeille toujours dans l'âme des Asiatiques » (p. 70) : teste David cum Sibylla, en somme. Si l'auteur entre dans les détails (point originaux, mais extraits de la Revue militaire d'information), c'est surtout à propos de «hiérarchie parallèle », dont le mystère n'est guère expliqué au lecteur mais qui semble consister essentiellement en un système de délation généralisée. « Le conflit algérien » (p. 76) offre un dernier cas, d'ailleurs douteux. Comme le dit M. Delmas lui-même : «Une question, en effet, doit être posée : en quoi la guerre d'Algérie est-elle une guerre révolutionnaire ? » La réponse - positive - est donnée aussitôt par un résumé, obscur, de l'argumentation, peu claire, d'un certain capitaine Poirier (Revue militaire d'information, n°8 288-289 ). On constate, par exemple, que « le F.L.N. a réussi à émouvoir les milieux diplomatiques, l'O.N.U., certaines organisations syndicales, une partie de l'opinion française ellemême, etc. » : critères «révolutionnaires » que tout cela ? Plus loin, dans un autre contexte, M. Delmas, se penchant sur «Le terrorisme rural» en Algérie (p. 102), découvre «la signification religieuse de l'égorgement en pays • Biblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL d'Islam» - cet égorgement qui est l'une des marques de fabrique du F.L.N. : marque que l'on devrait qualifier de « réactionnaire » dans la terminologie creuse d'un pseudo-marxisme auquel l'auteur se réfère avec trop de complaisance. On peut sauter les chapitres III («Duphilosophe au terroriste») et IV («L'idéologie et l'action»), où il est question de tout et de rien, où Mao Tsétoung (le Philosophe ?) est représenté par des citations in extenso qui sont toutes des platitudes, où l' «idéologie marxiste » devient une trinité de «thèmes » : chrétien, prométhéen, rationaliste (sic : pp. 108-109), où «la priorité révolutionnaire reconnue aux pays sous-développés devient dès lors plus compréhensible » - pour ne retenir que la brève et triste conclusion (pp. 118-125) sur «L'Occident devant la guerre révolutionnaire », ou plutôt sa phrase la plus lucide : Jusqu'à maintenant, les nations démocratiques se sont contentées de se défendre, sans que cette défensive ait été le prélude à une offensive, tout s'y étant passé comme si ces nations démocratiques devaient pratiquer la coexistence comme le monde soviétique souhaite qu'elles la pratiquent. Car au fond, ce que M. Delmas appelle à tort « la guerre révolutionnaire» n'est que la stratégie soviéto-communiste de la subversion sans guerre. A. G. HORON. Apostolat de la non-violence MARCSEMENOFF: Tolstoï et Gandhi. Paris 1958, Éditions Denoël, 215 pp. TOLSTOIET GANDHI,deux hommes que séparaient l'origine, l'âge, la formation intellectuelle et religieuse. Pourtant leurs esprits se sont rencontrés et Tolstoï a exercé sur Gandhi une influence que peuvent expliquer la commune qualité de leurs âmes et, au-delà des races, on ne sait quelle parenté profonde. Alors que l'un touchait à la fin de sa vie et que l'autre, homme fait déjà, n'était qu'au début d'une carrière politique qui devait être longue, le je~e admirateur hindou a eu le temps d'écrire au maître vénéré, ému par le récit de la lutte menée au Transvaal par les Indiens. Le contact a été suffisant pour qu'on puisse rêver sur ce vieillard chargeant Gandhi de traduire en actes sa conception du monde. Gandhi d'ailleurs s'est toujours proclamé le disciple de Tolstoï et a contribué à répandre dans l'Inde l'œuvre de son maître. Le livre de M. Semenoff rassemble quelques-uns des dotuments qui illustrent cette rencontre, sur laquelle il n'existe en français que peu 'de choses 1 . Il donne une traduction de la corres1. Milan Markovitch : Tolstoï et Gandhi. Paris, Champion, 1928, 188 pp.; Alexandre Kaplan: Gandhi et Tolstoï, 1946, 60 pp . <,

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