QUELQUES LIVRES Ni paix ni guerre CLAUDE DELMAS : La Guerre révolutionnaire. Paris 1959, Presses Universitaires de France, collection « Que sais-je? », 127 pp. PuISQUE la paix universelle reste une utopie et que toute guerre générale aboutirait au suicide atomique, l'humanité semble condamnée à vivre sous un régime qui n'est ni paix véritable ni guerre déclarée. Cela n'exclut nullement le recours à la force dans les relations internationales. En fait, et quoi qu'on puisse en dire «au sommet » ou ailleurs, les hostilités continuent. Elles ont seulement changé de forme, ou de nom:« petites» guerres, guerre «froide», guerre «subversive» ou «révolutionnaire ». Ce dernier terme sert de titre, sans doute ambitieux, à l'opuscule de M. Claude Delmas. Il y est un peu question de toutes les guérillas du passé et du présent : dans une même phrase (pp. 11-12) on peut y sauter cavalièrement de « l'erreur de Vercingétorix attaquant César au passage de la Saône» à «l'opportunisme de droite du camarade Li Li-san » selon l'inévitable Mao Tsé-toung. Mais au bout de toutes les digressions émaillées d'aphorismes, on retrouve le thème central qui à juste titre obsède l'auteur et n'est autre que le jeu de subversion planétaire auquel se livre le prétendu «universalisme » soviétocommuniste. M. Delmas n'est pas ce qu'on appelle un théoricien. Son ouvrage s'en ressent : il est hâtif, touffu, à peine organisé. Il faut arriver à la page 17 d'une trop longue Introduction pour découvrir l'axiome liminaire dont devrait découler tout le reste : «Si les aspirations profondes de l'Union soviétique rendent la paix impossible, l'équilibre des moyens atomiques entre l'Est et l'Ouest rend la guerre totale improbable. » Les idées de l'auteur, parfois justes («La guérilla visait un e~emi qui était une armée. Dans la guerre révolutionnaire, cet ennemi est... un régime politique», p. 18), ses formules, souvent frappantes (p. ex. l'opposition du «soldat-citoyen» et du « soldatmilitant »), s'enchaînent pourtant mal, tournent Biblioteca Gino Bianco court et flottent dans un chaos de verbiage («dialectique des contradictions », « cristallisation bipolaire des for ces », etc.). Dans un premier chapitre intitulé «Des guerres de religion à la guerre révolutionnaire », M. Delmas nous offre une introduction de plus, aussi prolixe que la précédente. Malgré le titre, on n'y étudie pas l'évolution de la petite guer~e depuis le xvre siècle jusqu'au :xxe ; mais on y discute à bâtons rompus de choses et d'a~tres: « justification du combat », << nouveau besom de sacré », «manichéisme communiste », recours à la terreur où «l'on reconnait la fonction religieuse du mythe révolutionnaire». Tout cela expliquerait le succès de la stratégie «marxiste» ( ?), son usage efficace d'une Vérité mensongère opposée aux vraies vérités sans pouvoir de persuasion. Tant de vague philosophie truffée de noms d'auteurs (de Marx à Proust, de Dostoïevski à Freud) que M. Delmas mentionne sans guère les citer, nous étourdit sans rien expliquer. Quand il le veut, M. Delmas sait pourtant nous convaincre d'une seule phrase bien tournée. Ainsi, à propos d'intolérance révolutionnaire : «Il est moins scandaleux de fusiller des traîtres que de fusiller des opposants» (p. 35) ; c'est bien pourquoi toute opposition devient trahison aux yeux du fanatisme terroriste ; or « les démocraties ne peuvent guère opposer au communisme, sur ce plan-là, que la dénonciation inépuisable de la mystification» (p. 48). C'est vrai, mais en fait de programme c'est évidemment maigre. A partir de la page 51, on en vient enfin à l'étude de «Quelques cas concrets » (chapitre 11). Leur choix est éclectique, leur analyse schématique, pour ne pas dire squelettique. « L'insurrection de Markos » en Grèce, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, est censée avoir échoué pour des raisons techniques sur lesquelles M. Delmas croit devoir insister en oubliant les raisons principales, à savoir l'appui anglo-américain au gouvernement grec contre la subversion soviéto-communiste et la défection yougoslave au détriment des Andartes. Le « cas » suivant - «L'insurrection du Tudeh iranien» (p. 58) - est encore moins «concret», •
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==