64 aucun cas, les communistes ne feront une guerre qui équivaudrait à leur suicide. En aucun cas, ils ne consentiront à une paix qui signifierait la restauration d'un état normal des relations entre nations et entre peuples. Car une telle paix serait l'abandon de leur raison d'être. Rien n'autorise à spéculer sur une hypothèse aussi gratuite, aussi peu applicable à la génération formée sous Staline. La « coexistence pacifique » prônée de nos jours par Khrouchtchev, c'est la continuation de la guerre contre le monde libre par des moyens non militaires. Les proses doctrinales publiées à Moscou n'en font point mystère. Les dirigeants communistes savaient que les Américains ne commenceraient jamais une guerre nucléaire, non seulement parce que les services soviétiques de renseignements sont sérieux, mais du fait qu'il n'existe pas de secret politique aux États-Unis, où tout s'étale sur la place publique, où l'indiscrétion des politiciens et des fonctionnaires ne suscite ni réprobation ni blâme. Les milieux officielsaméricains redoutaient une arrièrepensée soviétique susceptible de provoquer une guerre nucléaire, non seulement parce que leurs services de renseignements sont pour ainsi dire inexistants, mais du fait que tout est secret en Union soviétique et que l'ignorance des choses communistes prévaut en Occident, hormis chez quelques diplomates et universitaires dont les politiciens ne tiennent pas compte. Maintenant que les armements ont atteint, de part et d'autre, une capacité dévastatrice qui finit par écarter toute perspective de guerre intercontinentale, la nécessité de reconsidérer la défensive occidentale se fait donc instamment sentir. Sous le slogan de la « coexistence pacifique », Khrouchtchev et Cie déploient une opération de grand style et d'envergure planétaire. Une contrepartie s'impose, car le temps des préparatifs strictement militaires étant révolu, l'heure a sonné des « sciences morales et politiques », lesquelles ne sont nullement incompatibles avec la technique et la balistique indispensables devant la puissance matérielle soviétique. IL y A des constantes dans les conceptions communistes en matière d'histoire universelle et de relations internationales. Malgré les déceptions consécutives à la révolution d'Octobre, malgré les entorses données à la doctrine, malgré les déboires économiques et les luttes intestines qui ont engendré le stalinisme et ses sous-produits actuels, la conviction persiste dans les hautes sphères du régime que le capitalisme agonise et que le « camp du socialisme » doit inévitablement s'étendre à toute la terre. Quarante ans après leur avènement au pouvoir en Russie, les communistes admettent qu'ils s'étaient quelque peu trompés sur la vitesse, quant à leurs prophéties sur la révolution mondiale, mais se consolent en se croyant toujours dans la bonne - BibliotecaGino Bianco LE CONTRAT SOCIAL direction. Ayant traversé toutes sortes d'épreuves à leur avantage, avec l'aide des capitalistes dont ils avaient juré la mort, ils peuvent chérir d'excellentes raisons de se voir dans le « sens de l'histoire », assurés de la victoire finale. L' American Relief dirigé par Herbert Hoover, l'Y.M.C.A. et d'autres organisations charitables, chrétiennes ou « bourgeoises », les ont secourus pendant la famine. De grandes firmes industrielles d'Europe et d'Amérique les ont aidés à surmonter le chaos économique et à réaliser leurs plans quinquennaux. Les États-Unis et l'Empire britannique les ont sauvés lors de l'invasion hitlérienne. Tout cela, ils l'interprètent comme autant de signes dénotant le déclin irrémédiable du capitalisme et garantissant la propagation du communisme sur les deux hémisphères. A présent ils escomptent avec cynisme le concours du capital américain pour accomplir leur plan septennal dont ils proclament que le terme sonnera le glas du capitalisme. Instruits par l'expérience, à défaut de la connaissance préalable dès hommes et des choses du communisme, les gouvernements démocratiques devraient dorénavant comprendre que dans les rapports avec le pouvoir soviétique, tout geste de bonne volonté, tout acte de générosité, de conciliation ou de coopération est regardé à Moscou comme preuve de faiblesse, d'aveuglement et de décrépitude. Loin de les apaiser, toute concession faite aux communistes suscite leur mépris intime, accroît leurs exigences, stimule leurs prétentions et les confirme dans la certitude d'être les élus de l'histoire. Il importe donc de ne pas paraître dupe d'attitudes ou de paroles captieuses alternant avec les menaces ou les rodomontades. dont les politiciens soviétiques sont si prodigues. Pour connaître les intentions des héritiers de Staline, leurs conceptions fondamentales en politique extérieure, on doit se reporter aux textes officiels qui ont valeur dogmatique dans l'usage interne du monde soviétique. Il ne faut pas les confondre avec les notes diplomatiques, les déclarations et discours qui visent à séduire, à troubler ou à tromper les nations indépendantes, et où de rares spécialistes savent discerner la part de vérité et. ia part de manœuvre. Ni se demander à chaque instant si, en telle ou telle circonstance, les leaders communistes sont « sincères » : la question de sincérité ne se pose pas, car il va de soi que des conquérants sans principes ni scrupules veulent sincèrement tout ce qui faciliterait leurs conquêtes. Le fait est que leur pensée authentique s'exprime dans des textes qui ont force de loi chez eux et auxquels les gouvernants, les guides de l'opinion publique dans les démocraties ne prêtent pas l'attention qu'ils méritent. Alors que· ces mêmes gui~~s et gouvernants n~ manquent aucune occasion de remarquer le « ton conciliant » ou « relativement modéré » de tel ou tel propos de Khrouchtchev, comme si ce ton,
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==