Le Contrat Social - anno IV - n. 2 - marzo 1960

A. PATRI temps, et plus tard à l'occasion de sa lutte contre L_as~all,e: l'État, personn~ morale beaucoup plus ~s!mguee que .celles q_wcomposent la « société civile », en proie aux intérêts les moins nobles . . . ' a_urait,pour 1!11ss1~nfinale de faire régner la liberte selon 1 Esprit, la bureaucratie étant l'instrument de cette auguste tâche et s'élevant dès 1~~ à ~es, _hauteurs s.u. blimes. On sait que la v1s1onhegelienne du role de l'État est diamétralement ~pposé~ . à celle du lib~ralisme anglosaxon ; 1 oppos1t1on reste non dialectique, faute de synthèse. C',est J.?OUrt~tpar la « dialectique » qu'Engels va s en tirer : il avoue franchement dans l' AntiDühring que « socialisation » veut dire « étatisat~on »9 , mais tire aussitôt son épingle en prophétisant qu'après avoir digéré la société civile à laquelle il aura retiré ses dernières attributions l'Etat s'endormira dans les bras de sa victime: Il « dépérira » doucement et on la verra ressusciter avec une splendeur nouvelle comme société sans classes. De cette façon, tout le monde doit être satisfait, aussi bien ceux qui ne reconnaissent « ni ~ieu ni maître » que ceux qui exigent un pouvoir fort, avec tout ce que cela implique. Et l'on sait que, se découvrant une seconde jeunesse, le vieil Engels retrouve des accents purement hégéliens pour célébrer ce bondissement radieux du règne de la nécessité en celui de la li~e!î~· La _co~ception engelsienne pourra être utilisee aussi bien par le réformisme que par le rf volu~ionnarisme, l~s réformistes y trouvant 1occasion de soutenir qu'il ne faut pas vouloir tant de mal à l'État, sous peine de choir dans le préjugé anarchiste, les révolutionnaristes affirmant qu'on ne saurait faire jouer le beau rôle défini par le maître au misérable vieil instrument manchestérien et qu'il faudrait, pour accéder en terre promise, en forger postrévolutionnairement un plus beau et de meilleur style hégélien. On connaît la suite stalinienne de ce propos, lequel ne saurait cependant détenir le monopole du révolutionnarisme : Marx évoquant la Commune de Paris, malgré son préjugé antiproudhonien, Lénine renchérissant dans L'État et la Révolution, ont tenu un autre langage, apparemment antiétatiste. Se pourrait-il, malgré l'autorité d'Engels, qui n'est somme toute que celle d:~ li~ute?ant, que « s<?ci~isati?n » fût synonyme d « etattsatton » ? Que s1grufiera1talors ce mot-clé dont on cherche la serrure : syndicalisation, coopératisation, les deux à la fois ? Il existe au moins un texte de Marx qui paraît favorable à la syndicalisation. Observons cependant qu'un certain flottement s'introduirait alors dans le sens du terme « socialisme ». Juridiquement, ce ne serait plus tout à fait l'abolition de la propriété privée : la mine aux mineurs, la boutique aux chalands, devenues propriété collective n'en resteraient pas moins affaires privées des copossédants. Il est un autre terme, d'effet générale9. Loc. cit., p. 319. Biblioteca Gino Bianco 113 ment magique 9ui, bien que d'origine russe, peut être tradwt en français : « soviétisation », qu'on pourrait rendre par « communalisation »; celle-ci remédierait au moins localement à l'étroi- !esse corporative ou coopérative. Procédant touJours de bas en haut, on pourrait encore enter sur l,a. com_mlJ!lalisationla d~partementalisation ou reg1onalisat1on,sur celle-ci la nationalisation et enfin l'internationalisation. Mais tout cela, c'est _le fédéralisme proudhonien et non pas le marxisme. Nous savons d'ailleurs, par la suite des événements, qu'après la soviétisation vient la politisation et enfin l'étatisation. Engels avait donc raison, bien qu'il n'ait pas cru nécessaire de rap~eler qu'en vertu d'une loi beaucoup plus anc1enn~que sa propre philosophie l'anarchie ou s'!-bvers1onappelle automatiquement un pouvoir bien . plus fort que celui~qui a été mis à bas. Celui-là concentre rentre-, les mêmes mains la puissance po!i~ique et la puiss~ce économique, auparavant d1s101ntes.Que va-t-il en faire ? Régulation consciente PARune de ces «réactions» que soupçonnait Engels vieillissant, la superstructure s'est brutalement retournée contre l'infrastructure, allant jusqu'à la confisquer entièrement. Assistant au grandiose renversement du matérialisme historique supplanté par l'« Idée», nous sommes vraiment entrés dans le règne de la liberté, mais de qui ? Qu'importe provisoirement, si nous savons être affranchis du joug de la nécessité... Nous célébrons cet avènement avec"'un enthousiasme digne non seulement de Hegel (qui s'adressait à bien petit seigneur prussien), mais de Paul de Tarse évoquant1:sa conversion, le passage du règne de la nature à celui de la grâce. . Le ~i-devant patron privé ayant été révolutlonnai_rement congédié pour incapacité dans ~'exerc1~e de ses fo~ctions, le règne des lois econom1qu~s e~t officiellement ~boli. Le patron ne revend1qua1t, en effet, la liberté que parce 9u'il était l'homme_ de l'aveugle nécessité, son ips~rument non moins aveugle : cette nécessité etait celle de la concurrence et de la course effrénée au profit. Esclave de la nécessité, le patron croyait dur comme fer à l'existence d'une nature des choses économique, dont des économistes distin- ~ués lui enseignaient les lois, les disant aussi 1mpla~ablesque celles de la physique. Le nouveau pouvoir re~verse les ~ciennes idoles : il enseigne que ces pretendues lois de la nature économique n'étaient_que les lois de la nature corrompue par le premier péché mercantile. Il va maintenant substituer à l'aveugle nécessité de ces lois inhumaines l'initiat~~e,consciente des pouvoirs publics. E~ bref, la soc1etene sera plus soumise à des lois d~t~snature~les et ne connaîtra plus que des lois civµes. Mais pourquoi parler encore de lois, puisque le nouveau règne est celui de la volonté con~ciente sise au-dessus de toutes les lois : touJours révocables en cas d'opportunité elles , h A ' n enc a1neront pas, n'étant que des décrets à

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