Le Contrat Social - anno IV - n. 2 - marzo 1960

110 la forme intermédiaire, avec ses dîmes et ses corvées, en offre réellement l'exemple; dans l'esclavage, on n'aperçoit clairement que le travail gratuit, lequel se voile habilement dans le s~lariat 6 • Mais nous sommes loin de compte s1 le surtravail n'est pas nécessairement l'exploitation. Le terme d'exploitation évoque aussitôt le parasitisme social qu'il semble aisé ~e définjr a~ moins négativement : est parasite celui qui n'étant ni malade, ni vieillard, ni enfant, consomme et ne travaille pas, ou encore celui qui, appartenant à la catégor~e C, prélève .un su~- produit de valeur supérieure au service qu Il rend. Le malheur est que Marx a démontré, tout au long du Capital, que le capitaliste privé qu'il considère comme un «exploiteur» ne peut être un parasite au sens qui vient d'être défini. En effet, la fonction principale du capitaliste, au sein de la société où il exerce, n'est pas celle d'un surconsommateur, mais, si l'on ose ainsi s'exprimer d'un «accumulateur » : le capitaliste est l'ag~nt de l'accumulation d~ surprodu~t, d~s la société marchande, le travailleur salarte n etant que le patient de cette opération. ~e capitalist~ privé paraîtra. donc. fondé à soute~ir, comme Il l'a toujours fait, qu'tl rend un «service » : rendcl!1t· un service il semblera normal qu'on le paie, voire qu'il se paie lui-même un peu cher. Ferat-on valoir qu'il prend trop_et qu'ainsi il « parasite », il rétorquera aussitôt que ce qu'il réserve ainsi de la « plus-value, unique source du profit >!, c'est toujours la moindre part. Sans doute n'a-t-11 pas coutume d'exhi~er à tout venant, surt_out à ses employés, ses livres de comptes. Il dispose cependant, pour sa propre justification,. d'un très bon argument, que Marx semble retenir comme tel : le capitaliste qui croquerait la majeure part de la plus-value pour son usage personnel (danseuses, etc.), serait tôt failli en vertu des lots de la concurrence qui caractérisent la nature 11?-archande du régime où il évolue. Marx convient explicitement que son capitaliste n'est pas comparable au grand seigneur féodal, à une sorte de Don Juan exerçant effectivement sous un autre régime la fonction de s~rco~solll!11atell!.. La question n'est pas de savoir si ledit capitaliste vit mieux ou moins bien : en tout état de cause, en régime capitaliste, le volume de la prod1:1ction doit être supérieur. En poussant plus lom, ~t toujours dans le sens de Marx, on montrerait aussi que Don Juan lui-même n'est qu'un seigneur féodal dégénéré. Le seigneur _de la be~e époque, sans parler de sa cons,ommauon?r~ndait un service en assurant la defense qu exige la sécurité du travail (s'il y a eu des seigneurs brigands, c'est de la mêm~ façon q?'~n trouve des capitalistes escrocs, ce qui ne saurait etre la norme). Enfin le « service » rendu, non seulement à la société de son temps mais encore à l'humanité à venir, par le maître d'esclaves, a été célébré ear Engels : sans esclavage ~tique~ pas de philosophie grecque, sans philosophie grecque pas 5. Capital, t. I. Bibtioteca Gino Bianco DÉBATS Bi' RECHERCHES de science moderne, sans science moderne pas d'industrie moderne et sans industrie moderne pas de « socialisme moderne » 6 • Nous savons approximativement ce qu'est le parasitisme, mais nous ne voyons pas ce con~ept, au sens marxiste, se confondre avec celui de l'exploitation. Nous comm~nçons à nou~ inquiéter, d'autant que nous ignorons tou1ours ce qu'est l'exploitation. Les classes sociales ALLONS-Nous découvrir ce qu'est l'exploitation en cherchant du côté de la théorie des classes? Tout le matérialisme historique, au sens du Manifeste, repose sur la thé~rie des . classes; mais on est souvent embarrasse pour dire avec précision ce que doit être, au sens marxiste, une «classe». Une première réponse, qui paraît évidente, s'offre à l'esprit : la hiérarchi_e des classes devrait être définie en fonction des niveaux de consommation. En effet, du produit social, dans la mesure où il donne lieu au surproduit, certains prennent plus, d'autres moins. Ceux qui prennent pl?s appartienne~t à ~aclasse su(>érieure ou exploiteuse, ceux qui obtiennent moins à la classe inférieure ou exploitée. Du même coup, définissant les classes, on aurait défini l'exploitation qui tout à l'heure échappait. Le bon peuple qui assiste aux réunions ne l'a jamais entendu autrement : il y a des pauvres et des riches, voilà toute l'histoire dont on nous promet la fin. Malheureusement, les plus savants d'entre les docteurs marxistes, arguant des écrits du maître, sauront montrer qu'il ne s'agit pas du tout de cela: ...ces choses-là sont rudes. Il faut, pour les comprendre,·avoir fait ses études. La hiérarchie des classes, du point de vue marxiste, ne ressortit pas aux niveaux de con.sommation mais aux «rapports de production », terme d'un abord quelque peu effr~y~t. Ne serait-ce pas un autre. n?~ de la division ~u travail? Pourtant, ce qui distm~e un charpenti~r d'un couvreur n'est pas ce qu on entend ord~- nairement par différence de classe. On songeratt plutôt à ce qui sépare ':1Il génér~ d'un si~ple soldat. Engels arrive à pomt nomme pour attester qu'hormis l'exemple,. discutable, nous , ~vons enfin trouvé la note Juste : la classe super1eure c'est la classe dirigeante, la classe infériew:e celle qui obéit. La formation des classes est bien un cas particulier, ~ais ~out à fait SJ?é~i~, de ~a division du travail social : c'est la division verticale, non la division horizontale 7 • Il y a ceux qui commandent et ceux qui obéissent, c'est toute l'histoire ; puis ceux qui obéissaient ces,se!1t~e le faire, et c'est apparemment la fin de 1 histoire (qu'il faut éependant regarder de près, car on s'y est souvent trompé, comme l'a montré la suite). 6. Engels : Anti-Dühring, Éd. sociales, p. 213. 7. Ibid., p. 320.

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