rev11ehistorique et critique Jes faits et Jes idées Mars 1960 Vol. IV, N° 2 COEXfSTENCE ET LUTTE IDÉOLOGIQUE par B. Souvarine DEPUISLA MORT DESTALINE,la question se pose de l'évolution possible ou éventuelle de la politique extérieure soviétique. On a guetté tous les symptômes, collectionné tous les signes révélant une« détente», réelle ou imaginaire, dans les rapports avec l'Occident. Incontestablement, un certain changement s'est accompli à tout le moins dans les formes en matière de relations internationales depuis 1953 et l'initiative en revient aux successeurs de Staline. Mais il reste à savoir si ces formes nouvelles, ces aspects nouveaux en politique étrangère et en diplomatie correspondent à une révision, quant au fond, de la stratégie conquérante de l'état-major communiste. Le comportement des démocraties occidentales vis-à-vis de l'Union soviétique dépend évidemment de la réponse donnée au problème ainsi défini. Jusqu'à présent le leadership américain consiste à tenir l'Union soviétique et ses satellites en respect au moyen d'un armement sans précédent dont les États-Unis fournissent l'essentiel, les pays associés à cette défensive se bornant à prêter des bases territoriales, à mobiliser peu d'hommes et de matériel. Montrer la force américaine suffit à déconseiller toute entreprise soviétique belliClueuse. Seule tentative de « tâter » les dispositlons de Washington, la guerre de Corée s'est terminée sur un compromis que la Chine communiste a pu interpréter bruyamment comme sa victoire éclatante sur l'imP.érialisme américain. Hormis cet épisode, l'hostilité systématique du pouvoir soviétique envers le monde libre s'est exercée sur le plan politique, intellectuel et psychologique - ce qu'on appelle« guerre froide». Biblioteca Gino Bianco Au cours de ces douze années les démocraties occidentales ont subi sans riposter les assauts multiples, les manœuvres perfides, les campagnes haineuses de la puissance communiste. Méconnaissant l'ennemi auquel elles ont affaire et supposant à tort qu'une résistance active à ses desseins impliquerait des risques de guerre entraînant l'emploi d'armes nucléaires, elles ont laissé le champ libre aux initiatives soviétiques. De timides mesures prises par Washington ( Voice of America, bulletins des ambassades) pour opposer quelque information sérieuse à la débauche de propagande malhonnête déchaînée par Moscou et Pékin sont si peu en proportion que mieux vaut n'en rien dire. A Londres, à Paris et à Rome, la passivité s'avère totale à cet égard. Il est évident que la crainte vaine d'une guerre atomique a pesé pendant une douzaine d'années sur les conceptions occidentales en politique étrangère. En fait, une telle guerre était inconcevable dès 1945, après les bombes lancées sur Hiroshima et Nagasaki, comme de rares commentateurs se sont efforcés, sans succès, de le démontrer au début de la guerre froide. Tous les hommes d'État, les diplomates, les états-majors, les services secrets et les journaux du monde libre se sont complètement trompés en attribuant à Staline et à ses épigones des intentions belliqueuses classiques et en refusant de tenir compte des avis qualifiés. Ils se tromperaient désormais aussi lourdement s'ils P,rêtaient à Khrouchtchev et Cie des tendances pacifiques au sens habituel du terme. Il s'agit de tout autre chose que de guerre ou de paix comme on les a connues dans l'histoire. En
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