Le Contrat Social - anno IV - n. 2 - marzo 1960

LA COEXISTENCE SELON LÉNINE par Lazare Pistrak APRÈS LE DÉBOULONNAGE de Staline et surtout après le discours secret de Khrouchtchev sur le « culte de la personnalité » au X.Xe Congrès du parti communiste, la légende de Lénine créée au lendemain de sa mort, mais quelque peu mise en sourdine par la suite, refleurit de nouveau et de fraîches couleurs ravivent son portrait, au point de rendre presque méconnaissable le fondateur du communisme soviétique. Ces dernières années, la propagande officielle répète en particulier sans se lasser que la nouvelle politique étrangère - c'est-à-dire celle de Khrouchtchev - n'est rien d'autre que la politique léniniste de coexistence pacifique : « Nous nous laissons guider par l'immortel enseignement de Lénine, qui professait que les peuples de tous les pays ont le droit de vivre comme ils l'entendent, sans ingérence des autres États dans leurs affaires », a dit Khrouchtchev dans son discours au Parlement indien ; et « nous n'avons imposé et n'imposons à personne nos idées sur la réorganisation de la société » (Pra'Dda, 22 nov. 1955). Invoquer Lénine comme fondateur de la politique de « coexistencepacifiiue » n'est pas nouveau, mais jamais encore on ne 1avait répété avec tant d'insistance. Ce qui est d'autant plus frappant qu'en adoptant la thèse sur l'identité des deux politiques de « coexistence pacifique », celle de Unine et la plus récente, Khrouchtchev sape la confiance qu'on pourrait avoir éventuellement dans ses propres déclarations sur l'ardent désir de paix de l'Union soviétique. Dans son article « De la coexistence pacifique » écrit pour Foreign Affairs, Khrouchtchev répète encore : Dès les premiers jours de son existence, l'État soviétique a proclamé la coexistence pacifique comme principe fondamental de sa politique étrangère. On ne peut oonsid&er comme un hasard le fait que le premier acte Biblioteca Gino Bianco d'État du pouvoir soviétique ait été un décret sur la paix, le décret mettant fin à une guerre sanglante (Pravda, 6 sept. 1959). Le décret sur la paix rédigé par Lénine était pleinement en accord avec sa conception générale formulée plus d'une fois pendant la première guerre mondiale. « Une paix vraiment démocratique( ...) ne peut être conclue maintenant qu'à la seule condition qu'elle soit conclue non par les gouvernements actuels et, en général, par les gouvernementsbourgeois, mais par des gouvernements prolétariens ayant renversé la domination de la bourgeoisie et en ayant entrepris l' expropriation », écrivait-il au début de janvier 1917 dans son projet d' « Appel à la commission socialiste internationale et à tous les partis socialistes » (Lénine: Œuvres, 4e éd., t. 23, p. 202). En mars 1917, dans sa quatrième cc Lettre de loin», envoyée de Suisse, il avertissait que « parler de paix aux g~:n~vernements bourgeois c'est tromper le peuple » (ibid., p. 327). Et le jour même où il rédigeait son décret sur la paix, il déclarait à une réunion des délégués ouvriers et soldats de Pétrograd : L'une des tâches à l'ordre du jour est pour nous la nécessité de mettre immédiatement fin à la guerre. Mais pour mettre fin à cette guerre étroitement liée au régime capitaliste, il est évident pour tous qu'il est indispensable de vaincre le capital lui-même (ibid., t. 26, p. 208). On voit que le décret de Lénine sur la paix n'avait nullement pour objet de frayer la voie aux pourparlers de paix avec les « gouvernements bourgeois », mais qu'il s'adressait par-dessus leur tête aux « ouvners conscients » qui « comprendront les tâches qui leur sont maintenant imposées et par leur action résolue et pleine d,abnégation nous aideront à mener à bonne fin la cause de la paix et en même temps celle de la libération des masses laborieuses et exploitées

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