Le Contrat Social - anno IV - n. 2 - marzo 1960

88 russe, a publié à l'usage de la jeunesse dans des revues américaines. De ce fait, Doubinine avait déjà plusieurs fois été pris à partie par les mitchouriens soviétiques. Ainsi M. A. Olchanski l'avait sévèrement critiqué dans son article : « On marque le pas », paru dans Questions de philosophie (n° 6, juin 1958). Ce qui n'a pas empêché l'Académie des sciences de nommer Doubinine directeur du nouvel Institut de cytologie et de génétique que la filiale sibérienne de cette académie est en train d'édifier à Novosibirsk. L'Académie voulait certainement, par cette nomination, contrebalancer quelque peu le monopole de Lyssenko, directeur de l'Institut de génétique, et procurer à Doubinine la possibilité de s'adonner tranquillement à la génétique classique à plusieurs milliers de verstes de Moscou. Mais voici quelle fut la réaction deKhrouchtchev dans son discours du 29 juin 1959 au Comité central du Parti : Nous devons avoir soin de choisir pour les nouveaux centres scientifiques des hommes capables de faire progresser la science, des hommes dont les travaux peuvent aider à la production. Or on ne tient pas toujours compte de cet impératif. On sait par exemple qu'un. nouvel institut de cytologie et de génétique est en construction à Novosibirsk et que c'est le biologiste Doubinine, adversaire des doctrines mitchouriennes, qui en est nommé directeur. Les travaux de ce savant n'ont été jusqu'à présent que d'une très mince utilité . pour la science et la pratique. Si Doubinine est connu, c'est uniquement par ses articles et discours dirigés contre les thèses théoriques et les recommandations pratiques de l'académicien Lyssenko. Je ne veux pas m'ériger en juge du différend entre les orientations du travail de ces deux savants. On sait que c'est la pratique, que c'est la vie qui en est juge. Or la pratique parle en faveur de l' écôle biologique de Mitchourine et de son continuateur, l'académicien Lyssenko. Prenez, par exemple, les prix Lénine. Qui a reçu ces prix pour la sélection ? Les savants d'orientation matérialiste en biologie, c'est-à-dire ceux de l'école de Timiriazev, de Mitchourine, de Lyssenko ! Et où sont-ils, les travaux remarquables du biologiste Doubinine, l'un des instigateurs de la lutte contre les thèses mitchouriennes de Lyssenko ? Puisqu'en travaillant à Moscou il n'a pas été bien utile, il ne le sera pas davantage à Novosibirsk ou à Vladivostok 10 • L'EFFICACITÉ presque immédiate des critiques quand ellessont formuléespar Khrouchtchev est déjà connue par le sort du comité de rédaction de la Revue de botanique et celui du professeur Pérov. Il est donc certain que Doubi- · Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE nine ne sera pas directeur de l'Institut de cytologie et de génétique de Novosibirsk. Ainsi, ne pas s'incliner devant les diktats de Lyssenko et croire que les travaux des généticiens occidentaux ne sont peut-être pas dénués de valeur constitue une faute grave, sinon un crime, pour un biologiste soviétique. Cette faute n'est plus punie de déportation dans un camp de « redressement par le travail », comme sous Staline, mais entraîne pour le coupable de lourds handicaps dans sa carrière scientifique et sa situation matérielle. Pourtant, ce nouveau succès de Lyssenko ne signifie nullement « la mort de la génétique soviétique », que certains observateurs occidentaux prédisaient déjà en 1948. Les savants russes ont depuis très longtemps appris à s'adapter aux entraves, tsaristes d'abord, communistes ensuite. Mais il est certain que le développement normal de cette science en sera considérablement A , gene. On voit déjà qu'au programme des sujets à traiter dans Questions de philosophie au cours des deux ou trois prochaines années 11 , sur un total de vingt-sept thèmes consacrés aux « problèmes philosophiques des sciences de la nature», deux seulement : « Les problèmes philosophiques de la génétique actuelle » et « De la corrélation entre les facteurs internes et externes dans le processus de l' évolutio11 organique », touchent un domaine devenu trop brûlant. Un seul article doit être consacré à chacun de ces thèmes et sans nul doute leur auteur sera lyssenkiste. Ainsi les généticiens soviétiques sont une fois de plus réduits à camoufler leurs recherches sous le pavillon de travaux d'une utilité pratique tenue pour immédiate et à attendre, pour travailler librement, un nouveau tournant politique - chute de Khrouchtchev ou mort de Lyssenko, éventualités fort aléatoires dans un proche avenir. Pour pouvoir conserver leurs postes et moyens de recherches, ils sont pour l'heure obligés de rendre publiquement hommage aux thèses de Lyssenko, quitte à répéter leur E pur, si muove dans la solitude du cabinet de travail. . E. DELIMARS. 10. Discours publié dans tous les journaux soviétiques et édité en brochure tirée à un million d'exemplaires so:t.1s le titre : N. S. Khrouchtchev. Pour un nouvel essor des forces productives du pays, pour le progrès technique dans toutes les branches de l'économie nationale. (Le passage cité figure à la p. 26 de cette brochure.) II. N° 4, avril 1959, pp. 182-190.

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