Le Contrat Social - anno IV - n. 2 - marzo 1960

E. DELIMARS I. Libre choix du sujet de leurs recherches, sans la contrainte d'effectuer de surcroît un travail pour eux dénué d'intérêt; 2. Faculté de tirer librement leurs propres conclusions des recherches, sans être tenus de les soumettre à une autorité non scientifique quelconque ; 3. Libre accès aux ouvrages et périodiques étrangers et possibilité d'entretenir des contacts personnels avec les savants qui travaillent dans le même domaine en Occident ou ailleurs4 • Ce sont cette liberté et les moyens pratiquement illimités de la recherche qui ont contribué pour une bonne part aux succès spectaculaires des Russes dans une branche déterminée des sciences physiques. Mais les opinions philosophiques des physiciens et des ingénieurs importent relativement peu au Parti. Ils p~uvent sans aucun danger différer l'un de l'autre dans l'interprétation de la mécanique des quanta ou de la structure des particules élémentaires. Seul le principe d'incertitude de Heisenberg a fait quelque peu froncer le sourcil aux champions du matérialisme dialectique; et non pas tant par lui-même que pour les conséquences que certains philosophes « idéalistes » occidentaux voulaient en tirer. Cependant ce principe n'est pas universellement admis par les physiciens étrangers eux-mêmes qui, comme Louis de Broglie par exemple, doutent de sa validité. La discuter ne présente donc pas d'inconvénient majeur pour les Soviétiques. Par contre, la liberté que les biologistes soviétiques croyaient avoir conquise après la mort de Staline offre maints dangers pour l'intégrité du dogme officiel dit matérialisme dialectique et historique. Certains biologistes crurent sincèrement que la discussion scientifique était devenue libre et qu'on pouvait publier impunément des articles expliquant les théories de la génétique occidentale et allant à l'encontre des conceptions de Lyssenko. C'EUT ÉTÉ trop beau et ne pouvait guère durer sous le régime soviétique, d'autant qu'un autre facteur, complètement étranger à la science, vint aggraver la situation. On sait que certains biologistes avaient été obligés de fournir aux membres du « groupe antiparti » des arguments scientifiques pour combattre la politique agraire de Khrouchtchev. Depuis la chute de Malenkov, Molotov, Kaganovitch et autres, ce crime de lèse-majesté pèse lourdement sur les savants compromis; leurs adversaires, Lyssenko en tête, en profitèrent pour assouvir leurs rancunes. 4. Walter Sullivan : • Party dogma found to hindcr aome arca1 of Soviet science, • in New York Times, 23 juillet 1959. Biblioteca Gino Bianco 85 La répression ne fut pas immédiate et ne se déclencha qu'au début d'août 1958, à la suite d'un article de la Revue de botanique qui réfutait ouvertement la thèse de Lyssenko sur l'hérédité des caractères acquis par l'individu sous l'influence du milieu. Le 20 août 1958 allait se réunir à Montréal le dixième congrès international de génétique, auquel devaient participer vingt-sept généticiens soviétiques des diverses tendances. Ils avaient déjà envoyé au comité d'organisation du congrès les résumés des exposés qu'ils se proposaient de faire. Or, à partir du 12 août, les généticiens soviétiques non lyssenkistes commencèrent à envoyer des télégrammes pour s'excuser, sous les prétextes les plus divers, de ne pouvoir participer au congrès. En définitive, neuf savants russes seulement - tous lyssenkistes - furent présents. Cette abstention «volontaire» des dix-huit autres en dit long sur le changement d'atmosphère, pour les biologistes, survenu en URSS. Nous avons déjà relaté dans la présente revue ce qui s'est passé lors de la réunion du Comité central du P. C. de l'URSS en décembre 1958 5 • Les résultats des discours de Lyssenko, Moustafaïev, Matskévitch et Lobanov, et surtout des commentaires de Khrouchtchev, ne se firent point attendre. Le nœud de vipères antilyssenkistes du comité de rédaction de la Revue de botanique fut écrasé dès la fin de 1958. Sur vingt et un membres de ce comité, figurant dans le numéro de décembre 1958, deux seulement subsistent sur la liste de treize membres du nouveau comité, donnée par le numéro de janvier 1959. Le New York Times a publié une photographie des deux pages correspondantes de cette revue. Les deux rescapés en question sont A. F. Kouprévitch, promu rédacteur en chef de la revue, et B. K. Chichkine. Le nouveau rédacteur en chef est membre correspondant de l'Académie des sciences et président depuis 1952 de l'Académie des sciences de la Biélorussie, son pays d'origine. C'est un spécialiste de mycologie et de pathophysiologie végétale. Ses recherches furent également fécondes en ce qui concerne l'assimilation par les plantes de l'acide carbonique du sol et le problème de l'alimentation hétérotrophe chez les plantes supérieures. Il ne s'est jamais occupé de génétique. Le second rescapé, B. K. Chichkine, est un vénérable botaniste âgé de soixante-treize ans, éminent spécialiste de la systématique et de la géographie botaniques, grand connaisseur des familles de caryophyllacées, ombelliféracées et composacées, mais pur de toute hérésie en matière de génétique. 5. Cf. • Avatars de la biologie soviétique, » in Contrat social, mai 1959.

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