Le Contrat Social - anno IV - n. 2 - marzo 1960

L'expérience communiste LE RETOUR DE LYSSENKO par E. Delimars LES BIOLOGISTES sont rarement les adeptes convaincus d'une religion officielle. Sous Staline, les milieux savants réfractaires en majeure partie à l'évangile communiste du matérialisme soi-disant dialectique et historique formaient une espèce d' << émigration intérieure». Ils s'efforçaient de se retrancher dans leurs instituts et laboratoires derrière le paravent des études et recherches purement documentaires, mais plusieurs n'ont pu éviter d'être en désaccord évident avec les thèses officiellement admises de la génétique mitchourienne et de son prophète Lyssenko. Ces dissensions scientifiques se terminaient parfois par la déportation dans un camp de «redressement par le travail », comme ce fut le cas pour le botaniste-généticien N. I. Vavilov; ou bien, dans les cas moins graves, par toutes sortes de brimades et de difficultés entravant la poursuite des recherches et la publication de leurs résultats. On se souvient des malheurs du professeur Orbeli, dont les vues ne correspondaient pas exactement à celles du Parti. A cette époque Lyssenko régnait en maître sur la génétique soviétique et la session du 31 juillet-7 août 1948 de l'Académie Lénine des sciences agronomiques consacra son hégémonie sur tous les généticiens hétérodoxes. La question semblait alors réglée une fois pour toutes et les contradicteurs de Lyssenko réduits au silence. MA1s la mort de Staline en mars 1953 et la période du «dégel» consécutif permirent de détrôner Lyssenko. Les biologistes purent enfin reprendre librement leurs travaux et en interpréter les résultats, même si cette interprétation n'était pas conforme aux vues de l'école mitchouricnne. Biblioteca Gino Bianco Bien entendu, le Parti n'avait nullement désarmé et la religion du matérialisme dialectique demeurait intangible. On ne devait pas mettre en cause ouvertement le principe mitchourien de l'hérédité des caractères acquis, mais, sous le couvert d'une ou deux citations d'Engels, on pouvait discuter le mécanisme de l'hérédité et publier des études prouvant que la génétique chromosomique occidentale n'était nullement un ramassis d'absurdités. De plus, la ranimation des échanges culturels avec l'étranger, naguère prohibés, et la participation de biologistes soviétiques aux divers conférences et congrès scientifiques internationaux imposaient la nécessité d'y envoyer des biologistes de tendances variées, et non plus seulement des lyssenkistes purs. Car il s'agissait de détruire la «légende» de l'asservissement de la science soviétique, que l'époque stalinienne avait solidement enracinée en Occident. Ainsi tout semblait pour le mieux dans le meilleur des mondes et l'on comprend bien la réplique faite à un diplomate étranger par un savant soviétique à Moscou : «La pression du Parti sur la science ? Dans les laboratoires on n'en tient aucun compte. Nous travaillons comme bon nous semble. » La propagande exploitait à fond tous les voyages de savants russes à l'étranger et le monde occidental, quoique un peu surpris, admirait sincèrement, même avant les satellites artificiels et les fusées spatiales, l'apparente liberté et la considération dont la science jouissait en URSS. De leur côté, les savants et les philosophes russes étaient soucieux de coordonner les connaissances ac'}uises dans les domlines divers avec l'interpretation philosophique du résultat de leurs recherches, afin d'élaborer une conception marxiste du monde mieux adaptée à la science

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