Le Contrat Social - anno IV - n. 1 - gennaio 1960

52 de ses mouvements. Nous avions devant nous une réaction physiologique du chien nettement soulignée et bien isolée, le réflexe de liberté. L'un de nous a eu l'occasion d'observer une autre fois ce réflexe sous une forme aussi pure, et aussi intense, parmi les quelques centaines de chiens qu'il avait observés, mais n'a pu apprécier suffisamment sa chance à sa juste valeur, ayant à ce moment des idées fausses sur la question. Il ~st vraisemblable que la rare intensité du réflexe, dans ces deux cas, est due au fait que plusieurs générations d'ascendants de ce chien, tant mâles que femelles, avaient joui de leur pleine liberté. Le réflexe de liberté est, bien entendu, une réaction générale des animaux, un des réflexes innés les plus importants. Sans lui, le moindre obstacle rencontré par l'animal suffirait à modifier complètement le cours de sa vie. On sait comment les animaux privés de leur liberté cherchent à s'échapper, surtout les animaux sauvages, capturés depuis peu. Ce fait, connu depuis longtemps, n'avait jamais été convenablement expliqué et n'entrait pas dans la nomenclature des réflexes innés. Afin de mieux souligner le caractère de réflexe inné de cette réaction, nous en avons poussé plus loin l'étude. Quoique le réflexe conditionnel étudié sur ce chien fût, ainsi qu'il a été dit, un réflexe de nutrition (le chien, à jeun depuis vingt-quatre heures, était alimenté sur sa table à chaque excitation conditionnelle), cela n'a cependant pas suffi à inhiber, à vaincre le réflexe de liberté. Ce fait était d'autant plus étonnant que nous connaissions déjà l'existence des réflexes alimentaires conditionnels destructeurs (une destruction importante de la peau par un courant électrique, qui habituellement provoque une forte réaction de défense, provoque peu à peu la seule réaction alimentaire, à l'exclusion de la réaction de défense, si cette destruction est constamment accompagnée de nourriture). Le réflexe alimentaire serait-il donc plus faible que le réflexe de liberté ? Sinon pourquoi le réflexe alimentaire ne triomphe-t-il pas ici du réflexe de liberté ? Il y a cependant une différence entre les expériences portant sur le réflexe conditionnel destructeur et nos expériences actuelles : dans le premier cas, en effet; les réflexes alimentaires et destructeurs coïncidaient presque exactement; ici, au contraire, l'excitation alimentaire est courte et se reproduit à long intervalle, tandis que le réflexe de liberté existe pendant toute l'expérience et avec une intensité d'autant plus grande que l'animal demeure plus longtemps sur la table. Et c'est pourquoi nous décidâmes, pour continuer nos expériences sur les réflexes conditionnels, de ne donner à l'animal sa ration alimentaire entière que lorsqu'il se trouve attaché sur la table. Pendant les dix premiers jours le chien mangea peu et maigrit sensiblement, puis il mangea de plus en plus et finit par prendre toute sa ration. Il a fallu cependant trois mois environ pour étouffer Biblioteca Gino Bianco PAGES OUBLIÊES pendant ces expériences le réflexe de liberté. Les ·différents éléments de ce réflexe disparaissaient peu à peu. Il faut croire qu'une trace de ce réflexe persistait cependant puisque le réflexe conditionnel, qui avait toutes les raisons d'être fort, restait faible et oscillant, partiellement inhibé, vraisemblablement par un reste du réflexe de liberté. Il est intéressant de noter qu'au bout d'un certain temps le chien montait spontanément sur la table à expérience. Mais nous ne nous en sommes pas tenus à ce résultat. Ayant cessé de donner la majeure partie de la ration pendant l'expérience, au bout d'un mois et demi le réflexe de liberté recommençait à se manifester dans les expériences sur le réflexe conditionnel, pour atteindre en définitive son intensité initiale. Le retour de ce réflexe, qui montre sa force et témoigne de sa nature de réflexe inné, élimine en même temps toute autre interprétation de la · réaction que nous venons de décrire. Ce n'est qu'au bout de quatre mois et demi d'emprisonnement continu dans une cage où on lui donnait à manger, que le chien devint utilisable pour les expériences, le réflexe de liberté étant définitivement vaincu. Pour terminer, nous insisterons encore une fois sur l'importance de la description et de l'énumération des réflexes innés élémentaires, afin de pouvoir peu à peu arriver à comprendre le comportement des animaux. Car, en restant dans le domaine des notions courantes, mais peu instructives, et des expressions telles que : « L'animal s'est habitué, s'est déshabitué, il s'est souvenu, il a oublié, etc.», jamais nous n'avancerons dans l'étude scientifique de l'activité complexe des animaux. Il est hors de doute que l'étude systématique des réactions innées de l'animal nous aidera à nous comprendre nousmêmes, et à nous diriger. J'entends par là qu'il existe, évidemment, à côté du réflexe de liberté, un réflexe de servilité. On sait, par exemple, que les petits chiens, en présence des grands, se mettent sur le dos. C'est la soumission du plus faible devant le plus fort, analogue à l'agenouillement et à la prosternation de l'homme, le réflexe d'esclavage que l'on peut observer dans la vie. L'attitude soumise de l'être faible fait cesser la réaction agressive de l'être fort, tandis qu'une résistance, même légère, n'aurait fait qu'accentuer cette réaction. Combien, en Russie, le réflexe d'esclavage est souvent manifeste et offre des aspects variés, et comme il est utile d'en avoir conscience ! En voici un exemple tiré de la littérature. Kouprine, dans son récit La Rivière de la vie, décrit le suicide d'un étudiant torturé par le remords d'avoir dénoncé ses camarades à la police. La lettre laissée pâr cet étudiant montre clairement qu'il a été victime du réflexe d'esclavage, hérité de sa mère qui avait toujours vécu de charité. S'il avait compris cela, il aurait pu mieux se juger, d'une part, et, d'autre part, tenter d'étouffer ce réflexe. 1 p VAN AVLOV.

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