Le Contrat Social - anno IV - n. 1 - gennaio 1960

J.F. HOUGH tration gouvernementale et jamais de l'appareil du Parti. Le Parti ne « décrète »pas les mouvements de personnel, il ne fait que les recommander. Dans le jargon classique de la théorie gouvernementale soviétique, il doit agir « par l'intermédiaire des organes économiques». Point n'est besoin cependant de se pencher longtemps sur la presse soviétique pour y discerner que le Parti consacre beaucoup de temps et d'attention aux questions de personnel et que ses recommandations pèsent d'un poids décisif sur le processus administratif. On y lit souvent que tel organe du Parti a «promu» (vydvinoul) 5 ou «écarté » ( oustranil) 6 un fonctionnaire. D'autre part, lors de la réorganisation de la structure économique intervenue en 1957, la presse publiait souvent des informations comme celle de la Pra~da qui annonçait le 29 mai:« L'attention des comités [du Parti], régional, urbain et de district de Léningrad est concentrée actuellement sur la sélection du personnel pour le sovnarkhoze. » AINSILATERMINOLOGeInE vigueur infirme la théorie de la non-ingérence du Parti en matière de personnel et le fonctionnaire interrogé confirma quant à lui que de telles références reflètent parfaitement l'état des choses. Il en ressort que le Parti joue le plus souvent un rôle décisif dans les nominations, promotions et révocations. Selon M. Nikonorov, l'initiative de remplacer le titulaire d'un poste figurant dans la nomenklatoura d'un certain organe du Parti peut être prise soit par cet organe, soit par le service administratif gouvernemental compétent; mais le plus souvent c'est l'organe du Parti qui en est à l'origine. Lorsque le poste est dans la nomenklatoura du C. C. du P. C. de l'URSS ou de la République, la décision de l'une ou de l'autre de ces instances, selon l'espèce, est définitive, et le sovnarkhoze est tenu de publier le décret officiel. Quand l'emploi entre dans la nomenklatoura d'un organe du Parti à un échelon inférieur, par exemple un comité régional ( obkom), un accord mutuel entre l' obkom et le sovnarkhoze est nécessaire. Les conflits sont rares, le sovnarkhoze acceptant généralement les recommandations de l' obkom ; toute divergence entre les deux organismes est soumise au C. C. du Parti de la République pour décision finale. Ainsi c'est le Parti qui a, là aussi, le dernier mot. Ceci étant - et M. Nikonorov n'avait aucune raison de trahir la vérité pour présenter la situation sous ce jour - le rôle-clé que l'appareil du Parti joue dans l'entreprise devient manifeste. Dans n'importe quel pays, le titulaire d'un emploi quelconque doit donner satisfaction avant tout 5. Pravda, 23 juillet 1957. 6. Vsévolod Kotch~ov: La Jeunesse avec nous, Moscou 1957, p. 49. BibliotecaGino Bianco 47 à l'autorité qui décide en dernier ressort de son maintien en poste ou de son remplacement. En Union soviétique, grâce à la nomenklatoura, c'est l'appareil du Parti qui contrôle tous les postes directoriaux importants. Lorsque, pour une raison ou pour une autre, un chef d'entreprise « perd la confiance » de l'organe du Parti dont il relève, il est virtuellement certain d'être révoqué, même si sa compétence est hautement reconnue par ses supérieurs administratifs. La suppression des ministères économiques en juillet 1957 7 n'a fait qu'accentuer l'autorité du Parti dans le domaine économique. Avant la réorganisation, les organes locaux du P. C. se trouvaient dans une position relativement faible pour contester des décisions affectant une importante entreprise industrielle : celles-ci lui parvenaient d'un puissant ministère du gouvernement central se trouvant à des milliers de kilomètres de là, à Moscou 8 • Depuis que l'administration économique est entre les mains des sovnarkhozes, situés normalement au centre des « régions » économiques qui en relèvent et dont les présidents sont nettement subordonnés, en pouvoir et en prestige, au premier secrétaire du comité régional du P. C. , la situatian est tout autre. Il est fort probable qu'un des mobiles, et non des moindres, des mesures de décentralisation prises par Khrouchtchev a été son désir de renforcer la position de l'appareil vis-à-vis des administrateurs économiques. Comme on devait s'y attendre, l'intervention du Parti dans les affaires économiques ne se limite pas à l'exercice de son autorité dans les questions de personnel. Le premier secrétaire d'un comité régional s'occupe activement de tous les problèmes économiques de la région ; en outre, chaque organe local du Parti est doté d'un secrétaire qui, à la tête d'une équipe divisée parfois en plusieurs sections ( otdely), consacre tout son temps aux questions industrielles. Ces fonctionnaires exercent une large surveillance sur les activités économiques : ils ont le droit et le devoir d'examiner en détail toutes les décisions prises par les autorités administratives locales sur des « questions de principe». Il leur arrive d'ailleurs, comme le reconnaît parfois la presse, d'outrepasser ce droit et d'étendre leur compétence aux questions d'importance « secondaire » 9 • 7. Pour une analyse de la réorganisation de 1957, cf. Alec Nove: « The Soviet lndustrial Reorganization » in Problems of Communism, n° 6 de 1957. 8. Un ingénieur de Léningrad a déclaré à l'auteur connaître personnellement nombre de cas où des organes du Parti avaient tenté sans succès d'éliminer certains fonctionnaires, les ministères intéressés ayant refusé de donner leur accord. S'il en était ainsi pour Léningrad, qui possède après Moscou la plus forte organisation régionale de l'Union soviétique, le pouvoir des organes régionaux du Parti dans les régions périphériques devait ~tre encore plus réduit. 9. Cf. la déclaration de G. Djavkhichvili, président du Conseil des ministres de Géorgie, dans Zaria Vosroka, 23 aoüt 1956.

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