Le Contrat Social - anno IV - n. 1 - gennaio 1960

rev11thistori1Jutet critique Jes /aitJ et Je1 iJées Janvier 1960 Vol. IV, N° 1 LE CULTE DE LÉNINE par B. Souvarine LE DISCOURS SECRET de Khrouchtchev au xxe Congrès du parti communiste de l'URSS, le 25 février 1956, était motivé par «l'importance » inopinée d'une «question » posée pour la première fois devant une assemblée du Parti, celle du «culte de la personnalité ». Dès son entrée en matière, l'orateur dit que «ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est de savoir comment le culte de la personne de Staline n'a cessé de croître, (...) devint à un moment donné la source de toute une série de perversions graves», etc. A l'appui de la répudiation du culte pernicieux, il fallait des textes sans réplique : Khrouchtchev cita deux ou trois phrases de Marx et d'Engels exhumées de leur correspondance par des chercheurs mandatés à cet effet, ajoutant que Lénine aussi condamnait « les idées étrangères au marxisme sur les héros et la foule ». Après cet exorde vint la révélation utilitaire, mais sélectionnée, des crimes de Staline. En fait, il n'y avait que des rapports très vagues, en tout cas indirects, entre ce culte et ces crimes. Khrouchtchev eut soin de taire l'essentiel en s'abstenant de dire que le « culte de la personne de Staline» n'était rien moins que spontané, qu'il avait été voulu, exigé, organisé sous la terreur, porté au paroxysme par Staline luimême et par son entourage. En outre, il fallut à la « direction collective», au Comité central du Parti, trois ans de réflexion après la mort de Staline pour se décider à dénoncer le culte de la personnalité par l'organe de son .Premier secrétaire. Il est clair que sous l'expression empruntée à des auteurs classiques, il s'agissait d'autre chose. Biblioteca Gino Bianco Nulle affectation n'entachait l'attitude de Marx et d'Engels, d'ailleurs exprimée dans des lettres privées, à l'égard du culte en question, ou de « l'adoration superstitieuse de l'autorité». En quoi ils ne se distinguaient pas des autres socialistes de leur temps, ni des épigones qui se sont toujours opposés aux théories de Carlyle sur les «héros», d'Emerson sur les « hommes représentatifs », de Nietzsche sur le « surhomme », sans remonter à Gœthe ni à Herder. Les marxistes du début de ce siècle s'exerçaient à réfuter la thèse de Pierre Lavrov sur les « personnalités critiquement pensantes » placées au centre de l'histoire, les idées confuses de Gustave Le Bon sur la «psychologie des foules », les vues de Gabriel de Tarde sur l'influence des « individus exceptionnels » et sur les «lois de l'imitation ». Lénine appartenait corps et âme à cette génération pour qui le processus historique s'accomplit par le jeu de forces collectives anonymes déterminées à leur tour par les progrès de l'économie, de la technique. De son vivant, il n'était pas question d'exalter outre mesure les chefs de la révolution, qui incarnaient alors le jeune État soviétique. Mais « outre mesure » seulement, car déjà le culte futur apparaissait en germe. Une réputation d'infaillibilité s'était peu à peu établie au bénéfice de l'homme qui, ayant créé de toutes pièces un parti dressé en armée de guerr~ civile, saisit en Octobre l'occasion propice à la prise du pouvoir, puis sauva le régime en capitulant à Brest-Litovsk et sut prendre enfin le tournant de la « nouvelle politique économiqu... >> après l'insurrection ouvrière et paysanne de Cronstadt.

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