V. ALEXANDROV A la violence des sentiments, la simplicité et l'ironie ... Ils n'ont pas reçu la faculté de penser à autre chose qu'à • la tâche à l'ordre du jour », ils n'ont aucune philosophie et aucun critère personnel pour évaluer les phénomènes de la vie ... Ils sont gravement atteints de rigorisme et font étalage de sensiblerie. Sans la moindre sincérité de pensée ou de sentiment, ils sont follement prodigues de mots ronflants et sonores. C'est pourquoi l'on est si souvent frappé par le côté artificiel et faux des scènes les plus émouvantes 1'. Choc en retour Il n'est pas difficile de voir dans ces idées de la jeune élite intellectuelle un reflet, sous une forme particulièrement claire et positive, des caractères et des attitudes de la jeunesse dont il a été question. Aussi n'est-il pas surprenant que durant les derniers mois de 1956et au début de 1957, alors _ qu'il était encore permis de discuter, certains des plus chauds partisans des œuvres et des idées «révisionnistes» soient issus de la jeune génération, surtout des étudiants d'université. La nouvelle tendance intellectuelle n'était pas, il va de soi, uniquement le fait de la jeune intelligentsia : beaucoup de talents confirmés - Ilya Ehrenbourg, Constantin Simonov, Anna Akhmatova et bien d'autres - y sont sensibles et son influence s'étend à toutes les couches cultivées de la société soviétique. Combiné à d'autres événements, le premier mouvement généralisé en faveur du new look en littérature fit de l'année 1956 et des mois qui suivirent l'une des périodes les plus mouvementées de la vie soviétique. Cependant la preuve de la profonde empreinte du phénomène doit être trouvée dans la résistance voilée, mais opiniâtre, que l'esprit révisionniste opposa aux efforts des autorités pour l'extirper. Le sérieux avec lequel le régime envisageait la situation devint évident lorsque Khrouchtchev intervint personnellement dans les affaires littéraires : dans trois discours, prononcés au printemps et en été 1957 (publiés en septembre de la même année sous le titre : Des liens étroits qui doi'lJent unir la littérature et l'art à la 'Vie du peuple 16 ), il avertit brutalement le monde intellectuel d'avoir à s'incliner devant les préceptes de l'orthodoxie édictés par le Parti. Durant les mois suivants il devint manifeste que cette contreoffensive, menée par la plus haute autorité du pays, étaient loin d'avoir donné les résultats escomptés. La voix du silence EN FÉVRIER 1958, le Comité exécutif de l'Union des écrivains convoqua une assemblée plénière, dont le plus clair des débats fut consacré à la 14. Lithatournara Mo1Jwa, vol. II, 1956. 15. K""""""ni1t, n° 12, 1957. Biblioteca Gino Bianco 43 persistance du révisionnisme 16 • L'un des principaux orateurs fut Serge Smimov, porte-parole officiel du régime, nommé par la suite (en mars 1959) rédacteur en chef de Litératournaia Gazeta, organe de l'Union. Il proposa que les révisionnistes prêts à reconnaître leurs «emballements» comme des erreurs accidentelles soient aidés à reprendre « le droit chemin» : pour ceux-là, « le passé, c'est le passé». Mais il ajouta : Que faire si certains de nos écrivains chérissent ce « passé » comme quelque chose de sacré et répondent par un silence glacial au désir de l'opinion publique de les voir réviser leur attitude? Si lors du rue plénum [mentionné plus haut] leur silence provoquait de l'inquiétude, aujourd'hui ce silence obstiné ne soulève pas l'inquiétude mais l'indignation, car cette attitude est celle d'hommes qui n'ont pas désarmé. D'autres, tels Nicolas Gribatchev et Alexandre Tchakovski, se montrèrent extrêmement agressifs à l'égard des «révisionnistes». Gribatchev déplora la persistance des manifestations du révisionnisme aussi bien en URSS que dans les démocraties populaires et regretta que la campagne menée par les journalistes soviétiques ne fût pas plus énergique. Et de conclure : Le principal danger qui menace notre littérature est le révisionnisme, qui revêt des formes multiples - depuis le dénigrement de tout ce que nous avons fait, en passant par l'ambition de danser le rock n'roll sur le dos des vivants et des morts, jusqu'aux efforts sournois pour saper, à l'aide de théories corrosives, la base même de notre littérature, son esthétique marxisteléniniste. · Tchakovski résuma de même façon les résultats de la lutte contre le révisionnisme : Les bulles de savon du révisionnisme crèvent une à une ... Mais ce serait pure niaiserie politique d'en conclure que la lutte contre le révisionnisme est terminée. Elle n'est terminée ni en Union soviétique, ni du point de vue international. .. Beaucoup d'ennuis Le mois même où se tenait cette rêunion, la revue Znamia publiait un article révélateur d'E. Sourkov (ne pas confondre avec Alexis Sourkov, le secrétaire du Comité exécutif de l'Union des écrivains), intitulé : « Quand on a perdu le nord » 17 • L'article constituait une attaque virulente sur tout le front « révisionniste », en particulier contre son emprise tenace au théâtre. Sourkov visait entre autres plusieurs jeunes critiques dramatiques de la revue Thédtre (N. Velekhova, V. Kardine, A. Anastassiev) ainsi que la tragédienne géorgienne Vériko Andjaparidzé (à une réunion du syndicat du théâtre 16. D~bats publi~ dans Lit,ratournara Ga61ta, 13 et 1 s fmier 1958. 17. N° de f~vrier 1958.
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