Le Contrat Social - anno IV - n. 1 - gennaio 1960

V. ALBXANDROV A d'un pareil accueil depuis Paul Grékov, pièce de Voïtekhov et Lentch montée en 1939. « La jeune fille espiègle et rieuse» a conquis les jeunes spectateurs par sa « délicieuse franchise». Dans la salle pleine de jeunes, « on est saisi par l'attention passionnée et les réactions du public, on entend le soldat ou l'officier assis devant soi murmurer des encouragements à l'adresse de la malicieuse J enka... » Les autres pièces récentes favorablement accueillies par le public sont : Bon voyage, de Rozov (1955), Affaire_personnelle (1954) et Hôtel 1storia (1957), de· Stem. Également faibles au pomt de vue théâtral, elles semblent avoir suscité un écho de sympathie grâce à des personnages de jeunes enclins à critiquer les mesquineries des cadres du Parti. Apathie et franchise UNE SOURCE de renseignements révélateurs expliquant l'attitude des jeunes est fournie par des commentaires intitulés « Aujourd'hui Ier septembre», publiés dans Novy Mir à roccasion du début de l'année scolaire 1955-56 8 • L'un des plus intéressants est le rapport de L. Rozanova, secrétaire d'une cellule du Komsomol ~de l'Université de Moscou, qui relate ses r entretiens avec des étudiants de première année. L'un d'eux, membre des Jeunesses communistes, à qui elle demandait à quelle activité « sociale » il aimerait participer, répondit : « Vous savez, ici j'ai décidé de ne pas me mêler d'activités sociales. - Pourquoi? - Eh bien, voyez-vous ... j'en ai fait ma part à l'école. J'estime que c'est suffisant. J'en ai assez. Il y a trop peu de temps libre ... » Puis, après réflexion, il ajouta tranquillement : « D'autant que, pour parler franchement, ça ne mène à rien. - Qu'est-ce qui ne mène à rien? - Eh bien, le travail au Komsomol ... » L'auteur rapporte que pareilles idées n'étaient pas une nouveauté pour elle. Elle avait déjà entendu les mêmes réflexions, « co_nsidérations sur la lassitude » et « à franchement parler l'inutilité des activités sociales», de la bouche d'autres étudiants. Elle note : Bien sftr, nous avions déjà rencontré des gens semblables. Ils n'exprimaient peut-être pas ces « théories» avec autant de franchise, mais il est certain qu'ils les mettaient en pratique. Cependant je n'avais jamais trouvé tant de froideur ..e.t de scepticisme "f! chez un ~diant de première année, un garçon( ...) frais émoulu de l'école secondaire. Les conclusions de L. Rozanova ne sont pas des plus flatteuses pour les méthodes d'éducation politique du Parti. En effet, les étudiants qui font 8. N° de septembre 19,,, Biblioteca Gino Bianco 41 preuve d'idées « correctes » « pensent généralement par clichés», tandis que les jeunes réellement intéressants sont déçus par le travail au Komsomol ou bien n'en font pas partie. Les aveux de l'étudiant en question attirent l'attention sur l'un des traits caractéristiques de la jeune génération : sa tendance à adopter des mots ou des tournures de prédilection en leur donnant un sens particulier. « Parole d'honneur» et « pour parler franchement » rejoignent les expressions si souvent entendues de « droiture » et « pleinement », mots-clés par lesquels l'individualité cherche à s'affirmer et à se défendre. Evtouchenko a consacré un poème entier au thème de l'intégrité qui se termine ainsi·: Oui, C'est une chose très difficile De devenir heureux. Oui, il faut d'abord Devenir soi-même 9 • Et Nelly Ivanova, dans le récit de Léonide Volynski déjà cité, déclare à l'auteur : « Un être humain doit être droit et franc, n'est-ce pas ? Et en premier lieu honnête envers soi-même. » La principale préoccupation du jeune André dans Bon Voyage, de Rozov, est d'être, lui aussi, honnête envers lui-même. Bien d'autres termes du vocabulaire des jeunes expriment les efforts d'une individualité qui se cherche à tâtons. Un des aspects propres à la jeune génération est la curiosité manifestée par certains pour la littérature critiquée ou proscrite par les autorités. Les Lettres d'un dortoir dejeunes par V. Mikhaïlov, qui a vécu un certain temps dans une usine de l'Oural, en offrent un très bon exemple 10 • Mikhaïlov avait pour compagnon de chambre un jeune lamineur du nom de Sacha qui aimait la littérature, en particulier la poésie. Un jour il demanda à Mikhaïlov surpris : « Où peut-on se procurer des livres rares, des livres... interdits - par exemple Essénine ou Pouchkine ? » Il lui révéla qu'il possédait une petite collection de ces livres et qu'il avait pris l'habitude de copier des poèmes hermétiques de son goût, quand il pouvait les dénicher. Une autre fois, Sacha lui expliqua longuement qu'il était absurde de condamner Maïakovski et Essénine puisque tous les deux, à son avis, avaient écrit des poèmes remarquables. Et il cita d'un air pensif ce vers de Maïakovski : « Quand l'âme est gelée jusqu'au tréfonds, essaye donc d'en faire fondre la glace... » Les séductions du révisionnisme TOUT CELA ne donne que quelques indications sur la manière de penser et l'attitude de la jeune génération soviétique. Cependant, les traits de caractère mis en évidence sont importants. 9. Nwy Mir, mars 1956. 10, Lit,ratournara Ga~1ta, 1er octobre 1955.

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