386 consiste en une abondance qui comporte des excédents à ne savoir où les mettre ... Chacune des rubriques du livre suggère des observations analogues. Celle du bétail et des sous-produits de l'élevage est particulièrement trompeuse. Les indices ayant trait à l'industrie sont spécialement obscurs, ainsi que celui du revenu national : les éléments qui servent de bases aux calculs sont des secrets d'État. Encore une fois, il appartient aux spécialistes de les déchiffrer, d'en discuter le détail, et leurs sobres travaux soumis à la critique publique sont plus convaincants que la littérature grandiloquente et itérative dont relève l'ouvrage collectif recensé. La participation de vingt-deux personnes à cette pauvre chose qu'un seul rédacteur aurait pu aisément compiler, puisque les matériaux ont traîné un peu partout, donne une réponse involontaire à l'un des problèmes que le livre omet de traiter : celui du gaspillage de la main-d'œuvre. B. SOUVARINE. Un avatar du neutralisme WALTER Z. LAQUEUR : The Soviet Union and the Middle East. New York 1959, Ed. Frederick A. Praeger, 366 pp. IL Y A une disproportion frappante entre le nombre très limité des écrivains qualifiés pour traiter du communisme ainsi que du monde dit arabe et la production écrite consacrée à èe sujet. Walter Laqueur est un des rares auteurs compétents qui ait non seulement étudié, mais réellement compris ces deux phénomènes historiques. Il l'a déjà montré dans son livre précédent : Communism and Nationalism in the Middle East et son nouvel ouvrage ne fait que confirmer une réputation bien justifiée. Dès la préface, où l'auteur réfute un lieu commun très répandu selon lequel la politique soviétique au l\lloyen-Orient ne serait que la continuation de l'ancien impérialisme tsariste, jusqu'à la dernière page, où l'évolution des rapports entre le nationalisme panarabe et le bloc communiste est analysée, on ne cesse de puiser dans ce livre des données historiques importantes et des observations pleines de sens. L'action de Moscou est étudiée sur un double plan : la poli- ·-tique extérieure officielle, appliquée par l'intermédiaire de la diplomatie, et la politique subversive, menée par les partis communistes locaui, ces deux politiques n'étant pas toujours rigoureusement identiques à première vue, comme on a déjà pu le constater à l'époque·d' Ataturk. L'ouvrage remonte à la Révolution russe, au temps où les premiers fondements de la pôlitique orientale de Moscou furent jetés : il expose les thèses léninistes en cette matière et ressuscite les premiers spécialistes du· Komintern pour les Biblioteca Gino Bianco , LE CONTRAT SOCIAL affaires d'Orient : M. Pavlovitch-Weltmann, Sultan Galiev, Sultan Zadé, Pavel Mif, les trois derniers, comme tant d'autres, ayant disparu par la suite lors des sanglantes purges staliniennes. L'analyse des événements récents offre un intérêt particulier et aide à voir clair dans la grande entreprise soviéto-communiste déployée dans les dernières années. L'auteur situe le plus récent « tournant » de la tactique soviétique dans le Moyen-Orient au· lendemain de la mort de Staline. Celui-..ci ne faisait aucun effort sérieux pour se rapprocher des pays asiatiques nouvellement promus à l'indépendance et rejetait leurs aspirations vers la création d'un bloc neutraliste. Ses successeurs mieux avisés comprirent facilement l'avantage à tirer de la situation et, dès 1954-55, des succès incontestables furent enregistrés à leur actif. L'objectif communiste était d'une clarté évidente : La bourgeoisie nationale, ou plus précisément la direction non communiste des mouvements nationaux, ne se maintiendra pas éternellement au pouvoir ; le problème à résoudre pour les communistes consiste à prendre l'ascendant sur le mouvement national, à éliminer les éléments hostiles, à neutraliser ou à rallier le reste à leur cause. Personne ne peut encore dire si cet objectif doit être réalisé selon la méthode qualifiée par Rakosi de « tactique du salami » ou selon un mode plus .,p_.,acifiquet plus ·graduel. .. (p. 184). . Les trois éléments fondamentaux du nationalisme panarabe, à savoir l'indépendance, l'unité et le neutralisme, ont été jugés utilisables par Moscou pour éliminer l'influence occidentale et pour s'introduire au Moyen-Orient. Cette pénétration se réalise par des moyens divers : intervention économique, aide militaire, envoi de « spécialistes », resserrement de liens soi-disant culturels, activité des partis communistes locaux, etc. Mais si ces trois principes représentent pour les chefs arabes des buts en soi, ils ne sont pour Moscou qu' « un pas en avant », une étape nécessaire et transitoire vers la« démocratie populaire ». Cette contradiction entre l'identité de buts pour l'immédiat et le désaccord sur les objectifs à long terme doit produire forcément des conflits . entre l~s communistes et les dirigeants des pays intéressés : · Il est improbable que l'alliance actuelle entre l'URSS et le nationalisme « bourgeois » arabe puisse durer. Le mouvement arabe vers l'unité sera aidé tant qu'il pourra servir d'arme contre l'Occident, mais difficilement après. Il est possible que Nasser et ses collègues n'aient pas d'idées bien arrêtées sur les futures formes ~ politiques et sociales des peuples arabes, mais elles ne sont certainement pas léninistes (...) Un· conflit paraît inéyitable à long terme, mais à quel moment et dans quelles circonstances éclatera-t-il ? (...) Il dépend largement de l'Union soviétique que sa collaboration avec le nationalisme arabe se rompe et l'on peut tenir pour certain que tout effort sera fait pour reporter tout conflit jusqu'à ce que la prédominance soviétique et l'influence communiste au Moyen-Orient · soient solidement établies <pp. 345-46).
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