Le Contrat Social - anno III - n. 6 - novembre 1959

QUELQUES LIVRES V. Kouvarine, V. Koudrov, P. Litviakov, M. Mouromtsev, K. Obolenski, Iou. Pokataiev et A. Tolkatchev; V. Katz et P. Krylov, qui ont pris part à la rédaction du livre ; · L. Joukovskaïa, I. Nikonova, L. Notchevkina et E. Orlova, qui ont pris part à l'élaboration des , . matenaux. Ces noms ne disent rien à personne ; on ne les mentionne ici que pour le cas où certains d'entre eux réapparaîtraient plus tard. Les noms féminins, les quatre derniers, désignent les collaboratrices à qui incombait le travail le plus ingrat. La préface est du directeur de l'Institut susnommé, A. Efimov. Elle s'identifie aux éditoriaux de la presse soviétique qui alimentent la propagande communiste dans le monde entier : on a déjà lu tout cela quelque part, et plutôt cent fois qu'une. Notons qu'elle promet des conclusions fondées sur des « faits minutieusement vérifiés », tout en annonçant monts et merveilles en paroles pour un avenir communiste très vaguement défini. Abstraction faite du ton de polémique et du style publicitaire dont les auteurs auraient pu s.'abstenir dans un ouvrage qui se réclame de la «science», et malgré le peu d'illusions que permet de conserver la fréquentation livresque des théoriciens soviétiques, on est tout de même surpris qu'il ait fallu vingt-deux personnes soi-disant qualifiéespour réitérer une fois de plus les << thèses du rapport » de Khrouchtchev au XXIe congrès communiste sur les « chiffres de base » relatifs à l'économie de l'URSS pour 1959-1965. Ces thèses, ce rapport, ces chiffres, ont inondé l'univers sous les formes les plus diverses et continuent de le submerger sous des vagues successives de répétitions et de délayages. On commence à les conA naitre. Les rectifications apportées depuis la mort de Staline à certaines données statistiques parmi les plus grossièrement mensongères (population, récoltes, cheptel) avaient fait naître en Occident l'illusion d'un premier pas vers un retour à de saines méthodes de calcul, de recensement, de supputation. Il a bientôt fallu déchanter. La « déstalinisation » s'est bornée, en ce domaine, à atténuer les exagérations les plus criantes, les moins soutenables à la longue. Et les épigones persistent dans la pratique des pourcentages trompeurs, des courbes illusoires, des comparaisons fallacieuses, comme~·dans la dissimulation des chiffres absolus et des critères indispensables à la critique impartiale. Les auteurs du présent livre renouvellent l'affirmation selon laquelle l'URSS atteindra « vers 1970 ou même avant» la production américaine. Qu'elle le fasse et nous laisse en paix : car en quoi cela conceme-t-il le reste du monde ? Il y a toujours eu des pays qui produisaient plus que d'autres et n'en prenaient pas prétexte pour exporter leur politique ou leur volonté de puissance. On peut aussi produire moins et vivre mieux, sans faire la Biblioteca Gino Bianco 385 leçon à personne. S'il faut un parti unique, le passeport intérieur, le livret de travail, le collectivisme obligatoire, un Guépéou, des camps de concentration, des balles dans les nuques et autres agréments de même nature pour battre un record de production, il sera permis de préférer une production moindre. Mais en réalité, la question ne se pose pas en ces termes. Il appartient aux spécialistes d'analyser les chiffres et les courbes que prodiguent de pléthoriques institutions soviétiques en se donnant beaucoup de mal pour prouver ce qu'il serait si simple de laisser constater sans entraves. Ce travail d'analyse s'accomplit en permanence d'autre part, tant dans la présente revue qu'ailleurs, et rectifie les fictions laborieuses colportées de Moscou vers tous les pays qui les tolèrent. 11 suffit ici de rappeler que du premier plan quinquennal soviétique au dernier, l'écart n'a cessé de grandir entre la théorie et la pratique. La substitution d'un plan septennal au sixième plan quinquennal, conçue pour masquer un fiasco de taille, ne plaide pas en faveur des prévisions dont se targuent Khrouchtchev et sa « direction collective ». 11 est significatif que, p. 232, le livre examiné fasse état du trop fameux « bond en avant » de l'économie chinoise tant exalté par les communistes, en s'appuyant sur les nombres par trop fantaisistes que Pékin a dû désavouer piteusement six mois plus tard. Sans y regarder de très près ni s'encombrer ici de diagrammes, on remarque au début de l' ouvrage (p. 25) une comparaison de croissance entre le « camp socialiste » et le « camp capitaliste » à l'avantage du premier quant à la superficie et la population, le calcul portant sur les années 1937 à 1957 afin de présenter les annexions impérialistes de l'URSS et l'asservissement de plusieurs nations, devenues satellites, comme un progrès économique. Cela donne une idée de la probité intellectuelle des auteurs ou des consignes qu'ils subissent. Plus loin (p. 48) ils ne craignent pas de mettre en parallèle la production industrielle soviétique et celle des pays capitalistes en se référant à l'année 1920, donc au niveau le plus bas chez eux, comme point de départ. On sait comment Khrouchtchev, dans un discours de décembre 1958 attribuant à Malenkov les falsifications statistiques imputables à toute la « direction collective », avait fait ressortir l'augmentation de la récolte en céréales de 1953 (la plus mauvaise année) à 1958 (année très favorable). Or une augmentation due au défrichement de 30 millions d'hectares, à un prix exorbitant, ne traduit nullement du progrès dans la productivité, ni n'autorise à spéculer sur un accroissement analogue dans l'avenir. Les vingt-deux économistes du Gosplan reprennent (p. 92) le procédé à leur compte. Ils en usent de même en comparant (p. 94) les récoltesde grainsen URSS et aux USA par rapport à 1950 : le progrès soviétique, relativement à la pénurie antérieure, contraste ainsi avec la quasi-stagnationaméricaine,laquelle •

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