370 .annexés et la première ~ée du ~onflit germat?-osoviétique, la perte demographique., est mo1;11s accusée qu'au cours des quatre premieres annees d'après guerre ; elle culmine pendant les trois années allant de l'été 1942 à la fin de la guerre; mais si l'on faisait abstraction des 7 millions d'hommes morts sous l'uniforme et des massacres commis par le N.K.V.D. avant la fin du conflit dans les territoires reconquis (par sa nature, cette opération se ran~e, parmi les phénomènes d'après guerre), la difference entre ces trois années et les quatre premières années d'après guerre serait moins grande qu'elle n'apparaît de prime abord. Vue d'ensemble LA PERTE DÉMOGRAPHIQUE au cours des années 1939-1949 équivaut à plus_ d~ quar~, ~e la population installée sur le territoire soviet1que actuel au début de cette décennie. Ce phénomène à peine concevable remet forcément en questi?n l'authenticité des données publiées à la suite du recensement de janvier 1939. En fait, celuici fut mené à bien dans des circonstances déconcertantes. · Un autre recensement de la population avait été effectué deux ans auparavant, en janvier 1937. La publication des résultats fut interdite et les fonctionnaires responsables, accusés de sabotage, furent «liquidés». Le gouvem~ment .n'~n prit pas moins des mesures pol!r pal}ièr les m~idences inévitables d'une grave cnse demographique s~r l'institution qui, par sa nature même, en subit le plus directement les conséquences : les camps de concentration destinés à coloniser les contrées éloignées 31 • Un haut fonctionnaire_ ~e 1~ section étrangère du N.K.V.D., Walter Krivit_ski, affirma plus tard, après sa rupture avec Staline, que le recensement de 1937 avait dénombré une population de 145 millions d'âmes, chiffre assez ~oisin des estimations faites à l'époque par Prokopovicz 32 • C'est au cours du nouveau recensement (janvier 1939) que fut obtenu !e chiffr; d~ 17?.6 ~- lions. Ce résultat, malgre un deficit d environ 20 mi11ions, apparut si satisfaisant aux <ljrigeants qu'ils décernèrent décorations et médailles aux responsables de 1: opération 33 • Contraire11:1ent au recensement géneral de 1926 et à celw de la population urbaine de 1923, dont les résultats avaient été publiés intégralement, le rapport sur le recensement de 1939 se borna à . quelques données sommaires, en raison, affirmait-on, des « conditions de guerre ». La question se pose ,dès lor~ de savo!r si nos données relatives au dechet demographique des années 1939-1949 ne sont pas gonflées à la suite 31. Cf. Paul Barton : op. cit., p. 106. . 32. Boris Souvarine : Staline. Aperçu historique du bolchévisme nouvelle éd., Paris 1940, p. 608 ; « Recensementsabotag; », Sotsialistitcheski Vestnik, 1937, n° 19_.; « Combien y a-t-il d'habitants en URSS ? », B.E.J.P.I .., Pans 1950, n° 35. 33. « Le Recensement de la population de l'URSS en 1959 », Moscou 1958, p. 14. Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE d'un camouflage antérieur du déficit causé au cours de la décennie précédente par l'industrialisation précipitée, la collectivisation forcée, les déportations, l'extension du systèm~ conce~trationnaire et les purges. Faute d mformattons complémentaires, cette question reste ouverte. Quoi qu'il en soit, l'importance relat_ive des pertes démographiques datant respectivement des années 30 et 40 ne modifie pas le bilan d'ensemble. Les projections mentionnées _au début de cette étude,· dont le bon sens refusait au premier abord les conclusions logiques, se trouvent amplement corro~o~ées par l'~x~en ~:tr période~ distinctes. Au deficit de 9 millions dames cause par la première guerre ~~ndiale ~~. sont ajout_és successivement, sous le regime sovienque, 20 millions- sacrifiés pendant la Révolution, la guerre civile et la famine, 20 autres au cours de la « seconde révolution » et de la Grande Purge et, enfin, plus de 50 millions entre 1939 et ,19t9· Il ne suffit pas, pour obtenir le total de ce_sdeficits, de les additionner. On doit également terur compte de l'effet cumulatif qui, éliminé par notre méthode d'analyse, n'en existe pas moins dans la réalité. La perte démographique infligée à la Russie dans le courant des quatre décennies qui se sont écoulées depuis l'instauration du système soviétique est bien supérieure à 100 millions d'âmes. Structure déséquilibrée Il va de soi ~e pareille .catastrophe ne peut manquer de défigurer de façon durable toute la structure de la population. Il n'est pour s'en convaincre que d'examiner l'évolution récente 34 • Le croît naturel demeure relativement stable pendant les années 50 : 1.69 % en 1950, 1.72 % en 1951, 1.71 % en 1952, 1.59 % en 1953, 1.76 % en 1954, 1.74 % en 1955, 1.75 % en 1956 ~t 1957, 1.81 % en 1958. Ce sont là des taux sensiblement inférieurs à ceux d'avant guerre. En 1927, par exemple, la population du territoire soviétique actuel augmenta de 2.07 %- L'année la plus favorable de la :Qrésente décennie ne se solde même pas par un accroissement égal à celui de 1930 (1.82 %), année déjà profondément marquée . par les troubles démographiques dus à la cc seconde révolution » ; après le cataclysme des années 30, le taux était même remonté à 1.93 % dès 1938. Par contraste, la statistique officielle indique une mortalité étonnamment basse : 0.96 % en 1950 et 1951, 0.93 % en 1952, 0.9 % en 1953, 0.89 % en 1954, 0.82 % en 1955, 0.75 % en 1956, 0.78 % en 1957, 0.72 % en 1958, chiffres légèrement inférieurs à ceux enregistrés aux États-Unis, (où cependant la proportion des gens · âgés est plus grande). Eason a noté que cette 34. Pour 1950-57, cf. « L'URSS en chiffres ... », p. 423 ; pour 1958, « L'Économie nationale de l'URSS en 1958. Annuaire statistique», Moscou 1959; pour toutes les autres années, données officielles ajustées' au territoire actuel par le Dr Biraben.
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