Le Contrat Social - anno III - n. 6 - novembre 1959

368 ration faite par Molotov le Ier aodt I 940 devant ·le Soviet suprême, il s'agissait même de plus de 23 millions 21 • Ajoutons la croissance naturelle, dont les sources officielles ne disent rien pour 1939 - sans doute afin de ne pas révéler les pertes de la guerre de Finlande - mais qui était de 2.05 % en 1938 et de 1.34 % en 1940 22 • Ainsi la population installée sur le territoire actuel estelle estimée par Salomon Schwarz à 190.7 millions pour janvier 1939 ; par Biraben, à 191.4 pour 1939, à 192.7 pour 1940 et à 195.7 pour 1941 (1er janvier) ; par Eason, qui exclut de son calcul les personnes ayant émigré par la suite, à 194 millions au 1er janvier 1940 et à quelque 200 millions en juin 1941 ; par Lorimer, à 196 millions au début de 1940 ; par Iasny, à 198 millions (dont 176 sur l'ancien territoire) à fin 1940 et à près de 200 millions au moment de l'entrée en guerre de l'URSS contre le IIIe Reich ; ce dernier chiffre est également accepté par Timasheff 23 • Schwarz calcule, à l'aide d'un. taux hypothétique d'accroissement annuel de 1.5 %, que, sans les catastrophes des vingt dernières années, le territoire soviétique actuel eût hébergé 256. 7 millions d'habitants au commencement de 1959. Au regard du recensement du 15 janvier 1959, ce chiffre indique un déficit de 47.9 mi11ions. Par l'application d'une autre méthode, Eason aboutit à une estimation presque identique : entre 1940 et 1950, l'Union soviétique a subi une perte démographique de 4 5 millions 24 • Or le taux de croissance adopté par Schwarz est très inférieur à ceux effectivement enregistrés, non seulement au moment d'une évolution sans perturbations, mais encore pendant les années 50, où différents facteurs ont entravé la natalité. Force est donc de conclure que même Schwarz, tout en serrant la réalité de plus près qu'Eason, pêche par excès d'optimisme. Le déchet dépasse sûrement 50 millions. Mais déjà pour le laps de temps qui va du recensement de 1939 au début du conflit germanosoviétique, la statistique officielle révèle un ralentissement considérable de la croissance naturelle : de 2.05 % en 1938, celle-ci tombe à 1.34 % en 1940; la natalité descend de 3.83 % à 3.17 %, alors que la mortalité passe de 1.78 % à 1.83 % 25 • 21. Cf. Gregory Frumkine : PopuJation Changes in Europe since 1939, Londres 1951, p. 159. 22. L'Économie nationale de l'URSS. Recueil statistique, p. 211. 23. S. Schwarz : « Qu'avons-nous appris des résultats du recensement de la population ? », Sotsialistitcheski Vestnik, juin 1959; Jean-Noël Biraben : op. cit.; Warren W. Eason : « The Soviet Population Today », Foreign Aff airs, juillet 1959; Frank Lorimer : op. cit., p. 186; Naum Jasny : The Soviet 1956 Statistical Handbook. A Commentary, East Lansing 1957, p. 19 ; N. S. Timasheff: « The Postwar Population of the Soviet Union», The American Journal of Sociology, septembre 1948. 24. Warren W. Eason : « The Soviet Population Today ». · 25. Frank Lorimer: op. cit., p. 134; « L'URSS en chiffres... ,, p. 432. - . Biblioteca Gino Bianco L'EXPÉRIENCE COMMUNISTE Ces chiffres ne sont pas entièrement comparables en raison des changements de frontières survenus dans l'intervalle. En adoptant les rajustements opérés par Biraben, ainsi que les estimations du même auteur pour 1939, on obtient le tableau suivant pour la population du territoire actuel de l'URSS (données en pourcentages) : Natalité Mortalité Croissance naturelle 1938 3.69 1.76 1.93 1939 (3.33) (2.32) (1 .01) 1940 3.17 1.84 1.33 Cette évolution résulte de l'action combinée de plusieurs facteurs : arrivée à l'âge du mariage des classes creuses 1915-1923, guerre de Finlande, déportations massives de la population des terri- . , to1res annexes, etc. Eason divise son chiffre de 4 5 millions en 20 millions perdus par la dénatalité et la mortalité infantile extraordinaire et 25 millions attribuables à la mortalité excessive, dont 1 o millions · de militaires et 15 millions de civils. Toutefois, selon les données officielles, les pertes militaires se sont élevées à 7 millions 26 , chiffre obtenu également par Mironenko à partir du nombre des blessés 27 • En y ajoutant près de 50 pour cent, Eason est obligé de se rabattre sur la conjecture peu vraisemblable que la guerre a coûté la vie à environ une moitié des hommes ayant servi, à un moment ou à un autre du conflit, dans les forces armées. Si l'on s'en tient à 7 millions de morts sous l'uniforme, et que l'on évalue le déficit global à plus de 50 millions, il faut considérer que l'excédent de mortalité de la population civile a proQablement dépassé 20 millions et que la dénatalité (plus la mortalité infantile) a été, elle aussi, bien supérieure aux estimations d'Eason. La plupart des auteurs tendent à considérer automatiquement le déficit démographique des années 1939-1949 comme un effet de la guerre. Autant supposer que pendant les quatre ans de guerre les pertes de la population soviétique se sont chiffrées en moyenne à quelque 13 millions par an. Même les précédents les plus frappants - pertes de plus de 10 millions en 1919-1920 et d'environ 9 millions en 1933-1934 - ne peuvent justifier .pareille hypothèse. Bien plus, certains faits portent à croire qu'en réalité le déficit s'étale, d'une manière inégale il est vrai, sur l'ensemble de. la décennie en question. Une énorme vague de déportations vers des régions éloignées, surtout vers les zones concentrationnaires du Grand-Nord, de la Sibérie et de !'Extrême-Orient, fut déclenchée avant même que la guerre ne prît fin. S'abattant d'abord sur la population ayant vécu sous l'occupation aile- , 26. Pravda, 10 février 1946. 27. Y. P. Mironenko : « Changes in the Population of the Soviet Union from 1939 to 1956 », Bulletin of the Institute for the Study of the US SR, novembre 1956. - Mironenko estime qu'il y eut S à 5,S milHons de tués et de morts des blessures reçues et 2 à 2,5 millions de morts en captivité.

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