H. F. SCHURMANN tains problèmes, elles en créaient d'autres. L'effort conscient pour décentraliser l'économie en façonnant les communes en entités économiquement autonomes qui combinent l'agriculture et les industries auxiliaires à petite échelle, formulent leurs propres plans de production et ont leur propre milice, tendait bien à réduire la dépendance de l'agriculture à l'égard de l'industrie et à favoriser l'accumulation du capital. Mais la décentralisation risquait aussi d'affaiblir l'autorité politique du Parti. Certes l'intégration des communes à la bureaucratie d'État et la nomination d'hommes du Parti aux plus hauts postes dans les administrations communales offraient certaines garanties. Mais pour assurer la bonne marche des communes le Parti devait recruter sur place des cadres supplémentaires parmi les paysans sansparti, ce qui pouvait facilement aboutir à une dilution de son autorité 3 • D'autre part, si les communes atténuèrent la pénurie de main-d'œuvre dans les campagnes, l'institution du système de « fourniture gratuite » de nourriture et de logement souleva divers problèmes. Dans certaines communes, la« fourniture gratuite>> comprenait tant de choses que les salaires étaient pratiquement éliminés, de sorte que ceux qui travaillaient peu - ou pas du tout - étaient presque aussi bien lotis que ceux qui peinaient durement. Même là où ce n'était pas le cas, le nouveau système fut au début très « égalitaire », des personnes de capacités et de rendement différents touchant souvent à peu près le même salaire. Cela décourageait les travailleurs capables et plus productifs et menaçait d'avoir de graves répercussions sur la production. Ainsi la rectification des excès « égalitaires >> dans l'ensemble du système des << fournitures >> et des salaires dans les communes a été un problème majeur de la deuxième phase. · · Le début de cette deuxième phase fut marqué par la résolution du 10 décembre du C.C. arrêtée à Wouhan et officiellement publiée le 17 décembre 4 • A première vue, cette nouvelle directive << sur certains problèmes relatifs aux communes populaires » présentait de notables différences avec la résolution du 29 août. La {'récédente déclaration était brève; elle n'avait été rendue publique que près de quatre semaines après la première annonce concernant la commune Spoutnik ; et elle était d'un ton remarquablement passif, semblant se contenter de donner l'approbation du C.C. à un mouvement déjà existant. Par contraste, la résolution du 10 décembre était longue et détaillée ; sa publication n'avait pas été retardée de façon sensible; et loin d'accepter un fait accompli, elle traçait avec autorité une poli3. Selon les descriptions communistes de l'organisation de la commune Spoutnik, c'était le devoir du comité du Parti de 4( r cruter les cadres dirigeants de la commune n. Voir Ta-koung-pao, Hong-Kong, 22 septembre 1958, p. 3. 4. Diffusée par l'agence Chine nouvell , 17 die mbre 1958. Biblioteca Gino Bianco 361 tique de développement des communes. C'est cette politique qui a servi de base à toutes les discussions ultérieures en Chine communiste. Le signal de la retraite LE PARAGRAPHsEur lequel s'ouvrait la nouvelle résolution respirait la confiance. Par exemple, « une nouvelle organisation sociale, fraîche comme le soleil du matin, a surgi en 1958 au-dessus du vaste horizon de l'Asie orientale ». Mais le ton sobre, modéré de l'ensemble du document formait un contraste marqué avec l'exubérance de la presse entre les résolutions du 29 août et du I o décembre. De plus, le I 6 décembre, veille de la publication de la nouvelle résolution, il était annoncé que la même réunion du C.C. avait approuvé la décision de Mao de « se démettre », à l'expiration de son mandat, de ses fonctions de président de la République. Ces événements simultanés déclenchèrent à l'étranger un flot d'interprétations hasardeuses. Certains observateurs occidentaux virent dans la résolution de Wouhan, en particulier dans l'aveu que la tran- . . , . , . s1t1on tant vantee au commurusme eta1t encore éloignée, une retraite devant la pression de Moscou, où les communes avaient été accueillies avec une froideur manifeste. D'autres se firent l'écho de dissensions supposées dans le cercle dirigeant du P.C.Ch. 5 • La résolution de Wouhan, étant donné sa réserve, fut interprétée à tout le moins comme un signe que la Chine faisait machine . ' . . amere quant aux communes ; certams y voyaient même l'aveu que l'expérience tout entière avait échoué. Or, malgré les différences entre les résolutions du 29 août et du 10 décembre, plutôt que le contraste entre ces deux directives c'était le ton sobre de la résolution de Wouhan comparé à l'optimisme exagéré de la période précédente qui donnait l'impression d'une retraite. Si on relit la résolution du 29 août, on constate qu'elle aussi invitait nettement à la prudence. Nombre de critiques formulées dans la directive de décembre étaient déjà contenues dans la déclaration antérieure, pleine d'expressions telles que : << On ne doit pas forcer, on ne doit pas se hâter, on ne doit pas exiger.» La transition au communisme était tout aussi lointaine dans la première résolution que dans la seconde. D'autre part, les concessions faites à Wouhan n'avaient nullement la portée que leur attribuèrent certains observateurs. La plupart des traits essentiels des communes, sinon tous, demeuraient intacts. La résolution ne faisait que répéter la nécessité d'user de modération, d'éviter une hâte excessive en développant les communes et, par-dessus tout, elle affirmait la primauté du 5. Journaux des 1•r avril 1959 t j ur u1v. •
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==