Le Contrat Social - anno III - n. 6 - novembre 1959

H. F. SCHURMANN nécessitait non seulement des investissements accrus dans l'agriculture, mais aussi l'exécution de grands travaux, en particulier pour l'irrigation et la protection contre les inondations, sans lesquels un accroissement permanent de la production agricole n'était pas possible. Or la concentration soudaine et massive de la main-d'œuvre rurale sur les chantiers provoquait une pénurie de bras dans l'agriculture proprement dite, phénomène nouveau qui devint pour les dirigeants un souci urgent au début de 1958. La seconde raison majeure de la création des communes fut le désir d'assurer l'expansion nécessaire de la production, et partant de l'accumulation de capital, dans l'agriculture tout en diminuant la dépendance de celle-ci à l'égard du secteur industriel. A cet effet un programme d'améliorations technologiques, accompagné d'une décentralisation croissante des fonctions productives et de l'administration, avait été entrepris. En particulier, le régime réclamait la création dans les districts ruraux de petits ateliers et usines qui leur permettent de satisfaire leurs besoins industriels primaires. D'autres facteurs contribuèrent à faire de 1958 un moment propice au lancement des communes. Grâce au programme d'éducation massive, l'analphabétisme était en régression, ce qui facilitait le recrutement et la formation de dirigeants paysans. En outre, aux termes du programme de décentralisation (hsia-f ang), un grand nombre de cadres urbains avaient été transférés pendant l'hiver 1957-58 dans -les régions rurales, fournissant un noyau solide d'activistes dévoués sans lesquels l'établissement des communes à l'échelle nationale eût été impossible. Enfin la magnifique récolte de 1958 améliora la situation ali- . . . . , mentatre, supprimant ams1, momentanement, une cause fréquente de tension d~ns les campagnes. Ainsi la décision du régime reflétait une convergence de besoins économiques pressants et de circonstances propices, et les nouveaux objectifs économiques se reflétèrent à leur tour dans la nouvelle structure communale. Chaque commune représentait une fus ion de nombreuses coopératives, transformant d'habitude tout un village ou même un groupe de villages en une seule entité. Les nouvelles formations n'étaient plus purement agricoles, mais combinaient l'agriculture, l'industrie, le commerce, l'éducation et la défense. Chaque commune devait avoir ses petits ateliers et usines, ses banques et établissements de crédit, ses écoles (primaires et plus avancées) ainsi que sa milice. Chacune devait devenir économiquement indépendante, « comme une petite nation », selon l'expression d'un commentateur. Une grande partie de ce qui, dans le système des coopératives, était demeuré propriété privée du paysan, devait maintenant être remis à la commune. Il ne s'agissait d'ailleurs plus d'un paysan au sens strict du terme, puisque chaque membre de la commune devait appartenir à une brigade Biblioteca Gino Bianco • 359 de production qui pouvait être affectée aussi bien à un chantier de construction ou à une tâche industrielle qu'au travail sur les terres communales. En qualité d'ouvrier, le paysan ne recevait plus une part de la récolte, mais un salaire. La plus grande innovation fut peut-être l'installation de cantines, de crèches, de jardins d'enfants et d'ateliers de confection communaux, dont le principal objet était de «libérer» les femmes des besognes domestiques afin de leur permettre de s'adonner à un travail productif. Les membres de la commune devaient être nourris gratuitement. D'une part, la « libération » des femmes pour les tâches productives atténuait la pénurie de main-d'œuvre rurale, tandis que la création d'une main-d'œuvre mieux organisée et plus souple visait à accroître la productivité. D'autre part, la diversification des activités économiques de la commune servait les objectifs du régime: autonomie économique plus grande et dépendance réduite de l'agriculture par rapport aux secteurs plus avancés de l'économie. Les communes devinrent aussi les unités administratives de base de la Chine rurale. Les conseils de village fusionnèrent en administrations communales· qui devinrent ainsi les organes inférieurs de la bureaucratie d'État. En même temps la domination du Parti fut sauvegardée par la nomination aux postes-clés, dans les communes, de membres dignes de confiance et par le recrutement de chefs paysans locaux comme cadres politiques. Ces deux mesures étaient destinées à resserrer l'emprise du Parti sur les communes, à titre de précaution contre tout effet secondaire indésirable que pourraient avoir l'autonomie économique et la mise sur pied de la milice communale. · ·· Frénétique mouvement de masse · LES COMMUNISTES ont prouvé à maintes reprises qu'ils possèdent à fond les techniques de manipulation des masses pour leur faire accepter une nouvelle politique d'importance majeure ; le lancement des communes ne fit pas exception. La population se trouva prise dans une vague de réunions, manifestations et pressions de propagande .. Une véritable frénésie s'empara du pays pendant les mois d'août, de septembre èt d'octobre, et l'enthousiasme stimulé des masses fut un important facteur de la rapidité avec laquelle la « communisation » de la Chine rurale fut réalisée. De vastes communes comptant des milliers de membres surgirent presque du jour au lendemain. 11 est significatif que la campagne eut lieu au plus fort de la crise de Quemoy-Matsu, ce qui permit au régime de proclamer que la création des communes, en particulier la formation de la milice paysanne, exprimait la résolution populaire de résister à 1 « agression américaine ». La description des communes organisées pendant cette période initiale fait apparaître une •

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