LE FÉDÉRALISME SELON P.-J. PROUDHON par Théodore Ruyssen A NOUVELLEÉDITIONdes Œuvres complètes de P.-J. Proudhon 1 vient de s'enrichir d'un volume dont la parution était vivement souhaitée en raison de son actualité; il contient l'étude théorique consacrée par Proudhon au Principe fédératif et les divers écrits de circonstance inspirés à l'auteur par la toute récente réalisation de l'unité italienne 2 • Tous ces ouvrages datent des dernières années de la vie de Proudhon qui devait mourir, épuisé par sa dévorante activité, le 19 janvier 1865. Ils suivaient de près le grand et beau livre, La Guerre et la paix, publié en 1861. Le rapprochement s'impose; il montre que, vers la fin de sa vie, Proudhon a concentré son principal effort sur les problèmes internationaux qu'il avait jusquelà négligés au profit des questions sociales. Il importe de préciser les circonstances qui ont déterminé cette orientation nouvelle de sa pensée. EN AVRIL1858, le procès intenté à Proudhon pour la publication de son chef-d'œuvre, De la Justice dans la Révolution et dans l'Église, oblige l'auteur à se réfugier à Bruxelles sous le nom de Durfort, professeur de mathématiques ; il y restera quatre ans et, il l'a reconnu. lui-même, cet exil volontai_re lui fut profitable. Jusque-là, à part quelques mois passés en Suisse, où il a travaillé comme typographe dans une imprimerie de Neufchâtel en 1831, et un premier séjour très bref à Bruxelles en 1849, il n'a jamais franchi I. Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie. 2. Le volume commence par deux « Introductions » : I. Fédéralisme et proudhonisme, par Georges Scelle; II : Le fédéralisme dans l' œuvre de Proudhon, par J .-L. Puech et Théodore Ruyssen. Viennent ensuite les textes de Proudhon, présentés et annotés par J.-L. Puech et Théodore Ruyssen : -La Fédération et l'unité en Italie (1862) ; Nouvelles observations sur l'unité italienne (1864) ; Du principe fédératif (1863).· Les éditeurs y ont joint des fragments d'un ouvrage inachevé de Proudhon qui ne parut qu'après s-a mort, en 1867 : France et Rhin, qui est de la même inspiration. Biblioteca Gino Bianco la frontière ; il ignore les langues étrangères ; tout son savoir est de source latine ou française. Durant son exil en Belgique, il ne fréquente guère les proscrits du Deux-Décembre, mais il cultive les journalistes du pays et il apprend beaucoup à leur contact. En raison même de leurs dimensions, les petits pays sont de bons centres d'observation des événements extérieurs ; Hollandais, Belges, Suisses sont par nécessité attentifs à la vie politique de leurs grands voisins ; beaucoup sont polyglottes. Or, vers la fin des années cinquante, les événements de deux pays étrangers attirent tout particulièrement l'attention de Proudhon : la formàtion de l'11nité italienne et l'agitation des nationalistes polonais qui fut le résultat direct du succès des nationalistes italiens. Il est inutile de parler ici de la question polonaise ; à propos de celle-ci Proudhon fit de nombreuses lectures, accumula des notes et il se proposait d'y consacrer deux volumes, qu'il n'eut pas le temps d'écrire. Au surplus, la Pologne était bien loin, les sympathies de l'opinion libérale française ne pouvaient se manifester que par de platoniques protestations d'amitié. L'affaire italienne, tout au contraire, était au premier chef une affaire française ; à Magenta et à Solférino les armées de Napoléon III avaient assuré la victoire du nationalisme .italien et la France y avait gagné, à la suite d'un plébiscite triomphant, l'annexion de Nice et de la Savoie. En outre Proudhon se trouvait personnellement associé à cette grandiose aventure par le conflit dans lequel il se trouvait engagé avec deux hommes qu'il avait aimés et admirés, Garibaldi et Mazzini. Selon l'accord secret signé à Plombières en juillet 1858 entre Napoléon et le ministre du Piémont, Cavour, l'Italie une fois libérée serait constituée en «fédération». Le 13 mars 1861, quand le parlement de Turin conféra à VictorEmmanuel le titre de roi d'Italie, il n'était plus question de fédération, l'Italie devenait d'emblée un grand État unitaire analogue à la France, à la Prusse, à l'Autriche. Cependant ce triomphe
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