P.-J. PROUDHON préliminaires auraient donné une énorme puissance de généralisation et de divination aux élèves ; la science de l'homme ferait des prodiges, le progrès serait effrayant ; et, malgré son immensité, la science se laisserait embrasser toute entière. Nous sommes des brutes. L'art renaîtrait bientôt ... A trente-quatre ans, Proudhon remet tout en cause. Cette forêt de points d'interrogation en est le signe : A faire. - Qu'est-ce que la Religion ? C'est un rêve. - Qu'est-ce que la philosophie ? Une hallucination. - Qu'est-ce que la propriété ? C'est le vol. - Qu'est-ce que la Communauté ? C'est la mort. - Qu'est-ce que la Royauté ? Un mythe. - Qu'est-ce que la Démocratie ? Le chaos. - Qu'est-ce que la Justice criminelle ? Un guet-apens. - Qu'est-ce que Dieu ? Une abstraction. - Qu'est-ce que l'immortalité de l'âme ? C'est le désespoir. La résignation est la vertu des dupes. - Qu'est-ce que la Nécessité ? C'est la Loi. Summa lex, summa necessitas. - Qu'est-ce que la Chasteté ? La plus haute expression de l'amour. - Qu'est-ce que le mariage ? La plénitude de la personnalité humaine. - Qu'est-ce que l'association ? La systématisation des forces industrielles, d'après les rapports des fonctions et des Cproduits. C'est la chose à la fois la plus nécessaire et la plus difficile. - Qu'est-ce que la justice ? Le calcul objectif des rapports entre travailleurs. - Qu'est-ce que l'homme ? La nature ellemême, arrivée à la conscience de soi. · * ,,. ,,. Une passion l'a guidé toute sa vie : celle de la Justice, qui est à la fois pour lui Égalité et Liberté, et qui est « son Dieu ». C'est ce que montre cette page admirable : Épilogue. - D'où me vient cette passion de la justice, qui me tourmente, et m'irrite, et m'indigne ? ... Je ne puis m'en rendre compte. C'est mon Dieu, ma religion, mon tout; et si j'entreprends de la justifier par raison philosophique, Je ne le peux pas. Pourquoi les poètes, les orateurs, les mystiques, ne vaudraient-ils pas les savants ? C'est mon étoile qui me pousse contre eux. Ai-je une raison de leur en vouloir ? - Non. Je ne puis être ni spiritualiste, ni matérialiste, ni athée, ni humaniste ; et quand j'ai chassé tous les mysticismes, je me trouve aux prises avec un Biblioteca ino Bianco 353 mysticisme plus grand; la philosophie est le mystère des mystères ; la mystification ... Si je trouve 12 tisserands, je suis sûr de conquérir le monde : quelle rage de poursuivre la . , , propnete. Qu'on fasse l'amour sans congé, qu'on se marie au 14e arrond. Qu'importe. + Je suis entraîné : c'est la voie du progrès. + Les morts disent au Christ : Tu nous a trompés. - Non, puisque sans l'espoir que je vous ai donné, vous auriez eu le désespoir. + On me dit de ne pas m'inquiéter de la profondeur du ciel. - Or, cette question m'inquiète, et c'est bien pis, quand je découvre que dans cette question gît celle de savoir s'il y a un Dieu, ou non. C'est cette « passion de la justice » qui le pousse à tout cc révolutionner ». Mais, à l'inverse de plusieurs « démocrates » de son temps, il ne croit pas à une transfor1nation profonde de la société par une simple « réforme électorale », et plus qu'une révolution politique c'est une révolutio!l économique et sociale qu'il préconise. Au moment de la campagne des banquets, d'où février 1848 devait sortir, il note : - Réforme électorale. La réforme politique est un moyen sûr d'enterrer la réforme sociale. L'espoir d'un gouvernement constitutionnel sans reproche, est l'ajournement indéfini de l'égalité. C'est afin de prolonger jusqu'à l'an 3000 l'essai déjà trop long de cette utopie constitutionnelle qu'on cherche à populariser l'idée d'une réforme électorale. Dites donc, réformateurs d'élections, ce que vous ferez quand vos élus seront les plus forts ; et faites-le dès aujourd'hui. - L'abolition de la misère est-elle, oui ou non, un problème législatif ou un problème économique ?... • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • Il y a un parti puissant, riche, nombreux, influent, jouissant d'une certaine popularité, qui A • • • • ne se connait pas encore, mais qw agit, qua si vis; et qui travaille à éterniser l'inégalité des conditions et des fortunes, sous le nom d' Égalité devant la loi. - Ce parti résistera encore longtemps. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •••••••••••••• Blanqui et tous ses confrères ; Lamartine, Lamennais, V. Hugo, Michelet, Quinet, L. Blanc, A. Dumas, sont les représentants principaux de ce parti. C'est la contrerévolution nouvelle. • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • - Les O. Barrot, Thiers, Lamartine, sont les singes qui veulent embrasser la guenon : mais qui tous s'en empêchent réciproquement, si bien que la guenon reste pucelle. Le deuxiime volumt de 1•édition en cours st termin, au soir du 23 févritr 1848. Le prochain volume permettra de suivr, Proudhon dans le « tourbillon révolutionnaire ». P. H . •
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