344 oublier les nombreux candidats qui attendent dans la coulisse. Une fois pris sous les projecteurs, ils feront figure à leur tour de « grands » chefs « révolutionnaires ». Par conséquent, la question n'est pas de savoir quelles sont les attitudes des divers dirigeants à l'égard de théories abstraites telles que le comm11nisme,mais bien dans quelle mesure les mouvements nationalistes arabes actuels, dans leur ensemble, sont susceptibles d'être influencés par le bloc soviétique. Or le verdict, en l'espèce, ne fait aucun doute. Quels que soient les désaccords entre les divers chefs arabes, et quelle que soit l'attitude de tel d'entre eux à l'égard du Kremlin, il faut constater que l'absence de tout programme concret et fonctionnel au sein du mouvement nationaliste arabe l'a rendu extrêmement vulnérable aux machinations soviétiques. Après tout, le nationalisme arabe se réduit à l'affirmation que les Arabes - c'est-à-dire les peuples parlant arabe - forment une nation ; la confusion commence lorsqu'il s'agit de savoir quelle est la suite à donner à cette affirmation. Dans ces circonstances, les Russes ont trouvé dans le nationalisme arabe une sorte de cheval de Troie déjà introduit dans la place. En fournissant aux chefs arabes un modèle institutionnel çapable d'orienter l'évolution de leurs nouveaux Etats et en leur offrant des largesses illimitées (subsides, armements, personnel technique, etc.) sans contrepartie apparente, les Russes peuvent s'adapter à n'importe quelle combinaison de personnalités locales. BREF, il est clair que les remous superficiels créés au Moyen-Orient par les diverses attitudes envers le communisme en tant que théorie abstraite, ou, de manière plus concrète, envers les partis communistes locaux, sont sans rapport avec l'évolution plus générale qui a conduit les nouvelles équipes dirigeantes, écartelées entre les grandes puissances rivales, à se rapprocher du camp qui 9ffre la combinaison d'une économie dirigée par l'Etat et d'un appareil bureaucratique BibliotecaGin·oBianco LE CONTRAT SOCIAL de parti. Cette tentation est sans doute inévitable aujourd'hui à tout pays sous-développé qui veut se suffire à lui-même, aussi chimérique que puisse être cet espoir. 11 est même permis d'affirmer, sans risquer le paradoxe, que cette combinaison s'imposerait même si les nouveaux États arabes s'alignaient sur l'Occident. C'est par là que le bloc soviétique a déjà marqué les pays coloniaux et semi-coloniaux, quelles que soient les alliances de surface. Il n'en demeure pas moins que les tendances profondes sont facilement confirmées par des alliances superficielles ; celles-ci n'auront rien de surprenant dans l'atmosphère de tension mondiale dans laquelle nous sommes condamnés à vivre pour quelque temps. D'ailleurs ces alliances ne seront pas nécessairement superficielles. Outre les influences « culturélles », le gouvernement soviétique - malgré ses récents désaccords avec les Arabes, dont la presse mondiale s'est faite largement l'écho - a pris sur lui d'équiper les armées de l'Irak aussi bien que de la R.A.U.; il a assumé la mise en œuvre exclusive du projet du barrage d'Assouan (y compris l'envoi du personnel technique et le financement complet de la première tranche, avec possibilité de reconduire l'accord), et a installé d'immenses états-majors çonsulaires ou pseudo-consulaires dans tous les Etats arabes. 11 apparaît donc clairement que les alliances sont faciles à conclure, et qu'en fait les plus importantes ne sont pas forcément les plus spectaculaires. Par suite de sà capacité immensément accrue à poursuivre une politique de puissance à l'échelle mondiale, de sa souplesse bien connue dans l'art d'adapter la théorie aux nécessités de la pratique, enfin et surtout à cause des avantages fonctionnels qu'offrent ses institutions au regard de la situation interne et des besoins des nations sous-développées, l'Union soviétique a pris pied solidement dans une région qui est le carrefour de l'histoire. La compatibilité pratique du comm11nisme avec le nationalisme arabe ne peut donc faire aucun doute. Reste à savoir si le Kremlin pourra continuer d'exploiter cette veine. (Traduit de l'anglais) JOEL CARMICHAEL. , '
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