LE COMMUNISME ET LE NOIR AFRICAIN par David T. Cattell A FORCE croissante du nationalisme en Afrique, qui a déjà conquis l'indépendance pour nombre d'anciennes colonies européennes, a fait naître chez les stratèges politiques du bloc soviétique un intérêt nouveau et plus vif pour ce continent. Ceux-ci considèrent évidemment que l'entrée del' Afrique dans une phase de profonds changements politiques sous la bannière de la révolution nationaliste offre de riches possibilités de pénétration communiste du continent. De là l'intensification de l'activité diplomatique et de propagande de la part du bloc soviétique, destinée à rallier les nouvelles nations indépendantes et à établir l'influence communiste dans tous les mouvements nationalistes d'Afrique. Si ces efforts ont rencontré quelques succès dans le domaine de la diplomatie économique (traités de comm_erce et accords d'aide économique), rien n'indique jusqu'à présent que le communisme lui-même ait réussi à devenir une force effective dans le nationalisme africain. Il vaut. d'analyser les raisons de cet échec, qui sont en partie historiques, en partie d'une nature plus immédiatement politique, sociale et psychologique. L'actuel intérêt de Moscou pour l'Afrique· est un fait très récent et sans précédent. Sous les tsars, les objectifs traditionnels de l'impérialisme russe se situaient plus à l'Est. A l'exception des relations avec l'Éthiopie au xixe siècle - reprises actuellement sous une forme nouvelle par l'accord de prêt soviéto-éthiopien conclu lors du récent séjour à Moscou de l'empereur Hailé Sélassié - le régime tsariste ne manifestait aucune inclination à se laisser entraîner dans des entreprises expansionnistes sur le continent noir. L'avènement du pouvoir bolchévique n'apporta aucun changement pratique à cette attitude. La politique cc Asie d'abord>> Certes, les dirigeants du nouveau régime, tout en menant une lutte précaire pour survivre, furent prompts à discerner la valeur que pouvaient Biblioteca Gino Bianco présenter pour la cause les mouvements nationalistes dans les colonies et dans des pays cc semicoloniaux » tels que la Chine. En conséquence, en 1920, le IIe congrès du Komintern formula pour ces régions une stratégie de base prescrivant la collaboration des communistes avec les mouvements indigènes de « libération nationale » dans le dessein de mettre la main sur ces derniers 1 • Les thèses du congrès étaient formulées en termes généraux pouvant s'appliquer - sauf une différence de calendrier - tant à l'Asie qu'à l'Afrique. Cependant, dès l'origine, l'Asie prit une place prépondérante dans les efforts du- Komintern tandis que l'Afrique se trouvait reléguée au second plan, position qu'elle occupait encore bien après la fin de la deuxième guerre mondiale. Ainsi les années 20 virent le Komintern canaliser l'énergie et les ressources vers de vastes entreprises en Asie, dont la plus importante fut la tentative ambitieuse mais avortée en fin de compte de s'emparer de la révolution nationaliste chinoise. En contraste marqué avec cette action concrète en Asie, les dirigeants de l'URSS et du Komintern ne manifestaient pour l'Afrique qu'un intérêt abstrait, théorique. On considérait que les cc masses laborieuses » d'Afrique jouaient un rôle dans le processus historique d'aggravation des cc contradictions » à l'intérieur du camp impérialiste ,et on les englobait d'ordinaire dans des expressions générales de solidarité (solidarité des communistes avec les populations coloniales, par exemple, référence de Staline aux cc centaines de millions d' Asiatiques et d' Africains (...) qui souffrent de l'oppression nationale sous sa forme la plus sauvage et la plus cruelle » 2 ). Mais il · était rare que le futur rôle révolutionnaire des masses africaine~ ou la politique et la tactique 1. N. Lérune : Première esquisse·des thèses sur les questions nationale et coloniale, in « Thèses présentées au 2e Congrès · de l'Internationale communiste »,, Pétrograd 1920, Éd. de l'Int. comm. ; Thèse et additions sur les questions nationale et coloniale, in « Manifestes, thèses et résolutions des quatre premiers congrès mondiaux de l'Internationale communiste, 1919-1923 », Paris 1934, Librairie du Travail. 2. J. Staline : Œuvres, vol. VI, p. 138,
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