Le Contrat Social - anno III - n. 6 - novembre 1959

K. A. WITTFOGBL nombre Jjmjté ma;~ croissant de spécialistes de !'Extrême-Orient. Une étude comparée objective des racines historiques du comm11nisme chinois et du soviétique est possible. Pareille étude nous permet de dissiper les idées fausses répandues sur le caractère et les intentions des deux régimes. Nous savons que la société communiste chinoise, comme les autres sociétés communistes, est sujette à nombre de conflits. Nous savons que de nombreux antagonismes ont existé - et continuent d'exister - entre communistes chinois et soviétiques. Mais nous savons aussi que tout analyste de ces tensions internes et externes risque de se tromper sur leur sens s'il s'imagine, en vertu d'une tradition « maoïste » particulière, les communistes chinois doctrinalement différents des communistes orthodoxes. Cette croyance a étayé le sentiment que la politique agraire de Mao en 1949 exprimait de nouveau son inclination à se poser en réformateur; en fait, il priva les paysans de la terre qui venait de leur être distribuée dès qu'il le put. Elle a favorisé la théorie selon laquelle la collectivisation de Mao aurait été originale parce que graduelle ; en fait, le schéma par étapes avait été tracé par Staline dès 1930 et mis en pratique en Europe orientale après la deuxième guerre mondiale. Elle a encouragé les demandes de reconnaissance de la Chine communiste par les États-Unis comme moyen de détacher Pékin de Moscou ; en fait, la reconnaissance étaierait la conviction de Mao que l'Occident est stupide et chancelant et qu'il sera détruit encore plus vite par les efforts conjugués du bloc communiste. Elle a nourri l'illusion que Biblioteca Gino Bianco 331 Mao était « différent », peut-être hérétique, lorsqu'en 1957 il analysa les contradictions du régime socialiste - en fait, ce problème avait été discuté à fond en URSS, en particulier après le discours de Jdanov en 1947 - et qu'il énuméra parmi elles les contradictions entre le gouvernement et le peuple. Dans ce dernier cas, Mao développait une remarque faite par Khrouchtchev dans sa critique de Staline au :xxe Congrès. Mais Mao généralisa et expliqua en public ce que Khrouchtchev avait traité comme un cas d'espèce et à huis clos. La manière de Mao présentait ainsi des traits distincts, comme dans le cas du lancement des « communes ». Ces problèmes méritent la plus grande attention. Mais notre analyse ne sera fondée que si nous n'ignorons rien des erreurs de conception et d'évaluation du passé et si nous forgeons méthodiquement les outils nécessaires à l'étude comparée de la doctrine et de la stratégie chinoises. La survie du monde libre est aujourd'hui en jeu. On a dit que la bataille de Waterloo avait été gagnée sur les terrains de sports d'Eton. Aujourd'hui, les idées des spécialistes et des guides de l'opinion ne sont pas moins déterminantes pour les choix que les hommes d'État auront à faire. Où sont dès lors, demanderons-nous, les écoles, les universités, les fondations et les centres de recherche qui décideront de l'issue de la guerre froide ? (Traduit de l'anglais) KARL A. WITTFOGEL • •

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