330 lution bourgeoise-démocratique pour les pays coloniaux et semi-coloniaux de l'Orient, dont bien entendu l'Inde et la Chine. Les auteurs de l' Histoire documentaire connaissent parfaitement l'origine léniniste-stalinienne de la théorie de la nouvelle révolution bourgeoise-démocratique et de la nouvelle démocratie, tout en prétendant que Mao était, lui, _moins bien informé. Ils assurent en effet qu'il présenta sa théorie .comme la sienne propre, « comme une contribution originale à la théorie marxiste-léniniste, contribution née en Chine et qui devait ranger son auteur, Mao Tsé-Toung, parmi les grands théoriciens du marxisme ». Ils agrémentent leur thèse en affirmant que la théorie qui remettait l'accent sur « les particularités historiques de la révolution chinoise » émanait de Mao Tsé-toung lui-même. C'était une démarche de grande portée qui laissait entendre que des innovations dans la tradition marxiste-léniniste pouvaient venir non seulement de Moscou mais aussi d'autres secteurs du mouvement communiste mondial (Histoire documentaire, pp. 260 sqq.). Un examen de Sur la nouvelledémocratie mène à de tout autres conclusions. On y voit que Mao, après avoir décrit la révolution bourgeoise-démocratique comme faisant partie de la révolution mondiale prolétarienne, déclare que cette « thèse correcte » de la révolution chinoise avait déjà été exposée en Chine entre 1924 et 1927, mais qu'« à cette époque le sens de cette proposition théorique n'avait pas encore été entièrement expliqué et par suite n'était que vaguement compris » (Mao, Œuvres choisies, III, p. 112). Ainsi Mao ne prétend pas avoir créé cette théorie en 1940, pas plus qu'il ne prétend que les communistes chinois, qui la connaissaient vaguement depuis les années 20, l'aient créée alors. Il dit en effet : « Cette thèse correcte [de la révolution chinoise] exposée par les communistes chinois est fondée sur la théorie stalinienne. » Et pour ne laisser subsister aucun doute sur ce point, il reproduit deux longues citations de Staline, dont la deuxième fait remonter l'argument-clé à Lénine. Dans sa dernière phrase : « On peut voir ainsi qu'il existe deux sortes de révolutions mondiales », Mao confirmait une fois de plus avoir reçu de Staline et de Lénine sa « thèse correcte » sur la nouvelle révolution démocratique et la démocratie nouvelle. L'objet avoué de l' Histoire documentaire étant de fournir une documentation par les textes sur les aspects essentiels du comm11nisme chinois, comment les auteurs traitent-ils les passages qui peuvent établir r originalité de Mao ? Ils les omettent purement et simplement. Après avoir présenté l'exposé par Mao de la « thèse correcte », ils sautent sa remarque suivant laquelle elle était mal comprise des coll1D)11nisteschinois en 1924-27 ; quant au fait qu'elle était·« fondée sur la théorie stalinienne», ils n'en soufflent mot. Ils sautent aussi les passages de Staline cités par Mao. Le passage qu'ils reproduisent ensuite cornBiblioteca Gino Bianco LE CONTRAT SOCIAL men ce par ces mots : « 11 est clair ainsi... » (la traduction officielle, donnée plus haut, est : « On peut voir ainsi ... »). Aucun lecteur ne peut deviner que la phrase récapitulative se rapporte non à la présentation par Mao de la « thèse correcte », mais à sa source soviétique avouée. On pourrait objecter que Sur la nouvelledémocratie est une épaisse brochure et qu'une reproduction sélective se justifie. C'est vrai, à une réserve près : les extraits doivent indiquer les principaux points du texte; et si la note d'introduction met une certaine thèse en relief, les auteurs sont tenus de ne pas omettre les passages qui sont la pierre de touche de ladite thèse. N'importe qui peut reproduire ce qu'il veut du Mein Kampf de Hitler ; mais si l'on prétend que Hitler n'était pas vraiment antisémite, puis que l'on omette les passages qui prouvent le contraire, on viole les règles fondamentales de la science et l'on présente l'histoire sous un faux jour. Les auteurs de l' Histoire documentaire, qui ont créé le mythe « maoïste » en 1951-52, ont eu maintes occasions de corriger leurs erreurs dans des études ultérieures. Au lieu de le faire, ils ont répété leurs conclusions-clés, fondées pour l'essentiel sur une présentation erronée de la conduite de Mao en 1927 et 1940. Dans un compte rendu des Œuvreschoisies de Mao écrit en 1955, Schwartz ne commente pas le rapport sur le Hounan qui, outre qu'il est beaucoup plus long que la version publiée dans l' Histoi.redocumentaire, a été remanié par Mao d'une façon qui en rend très problématique l'interprétation maoïste. En 1958, Brandt, dans une monographie sur la période du front commun (1924-27), répète que dans ledit rapport Mao cc s'est assuré une place dans l'histoire par des vues nettement opposées à celles de Moscou» (Brandt : Stalin's Failure in China, 1958, p. 107). Et la même année, le doyen du groupe, John K. Fairbank, dans une édition révisée de The United States and China, reprenait les deux thèsesclés de l'école maoïste. Selon Fairbank, Mao affirmait« hérétiquement » en 1927 le rôle d'avantgarde des paysans pauvres et, dans Sur la nouvelle démocratie, il « se mit au niveau de MarxEngels-Lénine-Staline par sa contribution originale à la théorie colll1D11niste ». CES VUES ERRONÉES se sont largement accréditées. Leurs conséquences néfastes ne se limitent pas à la compréhension purement théorique. Car la confusion qu'elles ont engendrée a profondément affecté ceux qui guident l'opinion et font la politique ; elles ont entravé l' élaborati0n d'une pensée claire, logique et à long terme pour faire face à la menace communiste chinoise. A cet égard, ces vues ont rendu un bien mauvais service au monde libre. Il est nécessaire à notre survie que les choses soient remises au point, ce à quoi s'emploient un .
RkJQdWJsaXNoZXIy MTExMDY2NQ==