Le Contrat Social - anno III - n. 6 - novembre 1959

K. A. WITTFOGEL Komint.em et à la politique officielle de la gauche du Kuomintang, Mao saluait les progrès de la révolution sociale et politique dans les villages et à cet égard il était prêt à user de la terreur jusqu'à l'extrême limite; mais il se dérobait devant la question économique-clé, la confiscation et la distribution des terres. Dans la version de 1951 de son rapport, Mao mentionne brièvement qu'il demanda que la « question agraire » des paysans pauvres fût résolue. Dans les précédentes versions, cette phrase vague est même absente : plus prudent que les dirigeants de Moscou et certains de ses camarades chinois, et se conformant aux directives du Komintern de ne pas troubler le front commun avec le Kuomintang par une politique rigoureuse de confiscation, Mao, dans le rapport original, ne soulève même pas la question agraire. Les auteurs de l' Histoire documentaire sont muets sur ce point, pourtant essentiel. Tout en admettant qu'à la fin du printemps 1927 la Fédération panchinoise, dont Mao était le directeur, commit de graves erreurs « opportunistes », ils omettent de dire que le 14 novembre 1927 - après l'effondrement du front commun en j11injuillet et le soulèvement lors de la récolte d'automne organisé par les communistes - le Comité central du P. C. Ch. écarta Mao du Politburo pour négligence grave sur la question de la révolution • agraire : Dans la région du soulèveinent (Hounan)., le programme de la révolution agraire et de l'établissement du pouvoir politique n'a jamais été pris en considération. L'absence de ce programme a fait croire aux paysans que le soulèvement n'était que de l'agitation communiste ... Le camarade Mao (...) était en fait le pivot du comité provincial du Hounan. 11 doit assumer la plus lourde responsabilité pour les erreurs commises par ledit comité ; en conséquence, il doit être relevé de son poste de candidat au Politburo provisoire du Comité central du Parti (Kuo Wen Weekry, 15 janvier 1928, pp. 6-7). Ces événements expliquent pourquoi M. N. Roy, qui s'était rendu en Chine en 1927 en qualité de haut fonctionnaire du Komintern, a pu dire que « pendant les journées critiques de 1927 Mao représentait les vues de l'extrême droite de la direction du P. C. ». Dans le jargon communiste, appartenir à l'extrême droite du Parti signifie swvre avec une extrême prudence la ligne politique prescrite. L'appréciation de Roy ne s'applique pas seulement au Mao de la situation de crise ; elle caractérise toute sa conduite politique de 1923 à 1927, époque du front commun avec le Kuomintang. Les spécialistes occidentaux du marxisme-léninisme, et plus encore leurs collègues asiatiques, pourraient tirer grand profit d'une analyse réaliste de cette période où, pour la première fois, les cnmm1mistes tentèrent sérieusement d'utiliser à leurs propres fins les forces du nationalisme révolutionnaire ( « anti-impérialisme ») en Asie. Mao joua un rôle important dans cette tentative lourde de sens : sa prétendue prudence n'était rien Biblioteca Gino Bianco 329 d'autre qu'une capacité extraordinaire à soutenir la cause nationaliste tout en défendant en réalité les intérêts des communistes. (Pendant un temps, il dirigea même l'appareil de propagande du Kuomintang.) Dans ces conditions, il est regrettable, mais bien compréhensible, que Mao ait jugé bon de n'inclure dans les Œuvres choisies que deux de ses principaux écrits d'alors. Dans leur présentation des débuts de Mao, les. auteurs de l' Histoire documentaire déforment les faits historiques, contribuant ainsi à créer de fausses conceptions politiques sur le communisme chinois. En se limitant à un seul écrit de cette période, ou plus exactement à un tiers de celui-ci, et en présentant sous un faux jour la position de Lénine et la politique de Mao, ils sont parvenus à convertir une source première d'information politique, la carrière de Mao pendant le front commun, en une source première de confusion. Ainsi l'argument maoïste prenait pour point de départ une interprétation erronée de la politique de Mao en 1927. Il était renforcé par une interprétation tout aussi aberrante de la politique de Mao en 1940, telle qu'elle s'exprime dans sa brochure Sur la nouvelle démocratie. LA THÈSE-CLÉ de Sur la nouvelle démocratie est assez simple. Pendant la phase moyenne du conflit sino-japonais (après la conclusion"'du pacte Hitler-Staline qui déclencha la guerre en Europe et renforça considérablement Moscou), Mao Tsé-toung, désormais chef des communistes chinois, se trouva moins tenu de faire des concessions aux nationalistes. Conformément au désir de Moscou de protéger son flanc oriental, Mao maintint l'alliance antijaponaise avec le Kuomintang, mais il se sentit libre de discuter du développement futur de la Chine en fonction d'une révolution encore inachevée. La seconde phase de ce développement serait la révolution socialiste, mais la plus urgente était la révolution bourgeoise-démocratique qui devait établir la démocratie. A l'encontre des idées politiques de ses alliés du Kuomintang, il déclara que l'ordre futur devrait être une« nouvelle » démocratie, née d'un type nouveau de révolution bourgeoise-démocratique. Au lieu d'être dirigée par la bourgeoisie, cette nouvelle révolution serait conduite par le prolétariat ; partie intégrante de la révolution prolétarienne et socialiste mondiale, elle aboutirait au socialisme. L'observateur sérieux du communisme n'ignore pas que ces idées avaient été lancées par Unine dès 1905 et qu'après la révolution bolchévique elles furent développées par Lénine et Staline. L'un et l'autre ont souligné l'importance de deux particularités nouvelles : 1. le rapport existant entre la révolution bourgeoise-démocratique, de S!fle léniniste, et la révolution prolétarienne ; 2. l'lDlportance primordiale de la révo- •

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