S. WILUAMS • Jusqu'à une époque récente, l'ordre ne semblait pas menàcé dans ces pays ; mais depuis les émeutes à Léopoldville et au Nyassaland, la confiance des investisseurs risque de fondre, comme en Afrique du Sud à mesure que les nationalistes se sont montrés de plus en plus intransigeants. La Rhodésie et le Congo ont peut-être encore à apprendre qu'une population indigène qui devient hostile est une catastrophe plus grave que l'effondrement des cours du cuivre. Parmi les autres facteurs responsables de la direction prise par les investissements il faut citer : l'infrastructure relativement développée que possèdent la Fédération et le Congo belge; l'ampleur du débouché que les Européens offrent dans la Fédération, avec leurs revenus très élevés (le gain moyen de !'Européen dans ce territoire a été de 1.125 livres en 1956) ; le débouché urbain au Congo belge ; et enfin l'atmosphère farniJière dans laquelle les affaires se traitent, par l'intermédiaire de sociétés européennes, avec des gens qui parlent le même langage que l'investisseur et qui partagent sa culture. Facteurs défavorables PoUR DES RAISONS exactement opposées, les capitaux ont rechigné à venir s'investir en Afrique orientale et en Afrique occidentale. En Afrique orientale, l'économie est encore retardataire et les transports sont difficiles. La révolte des MauMau a renforcé l'idée que cette région est destinée à être dominée un jour par les Africains. En Afrique occidentale, les investisseurs se méfient du ·nationalisme africain et craignent qu'il n'y ait du vrai dans les affirmations du Dr Nkrumah, qui se déclare « marxiste chrétien», et dans celles de M. Sekou Touré qui prétend instaurer en Guinée la « démocratie totale », ce qui inclut l'étatisation du commerce. Sans parler des inquiétudes politiques qu'il peut nourrir, l'investisseur étranger en Afrique occidentale est découragé par le manque de services publics, par l'insuffisance des ressources en eau et en électricité et par les histoires de corruption qui circulent. Le résultat, c'est que la plupart des investissements privés en Afrique occidentale sont le fait de quelques grosses sociétés solidement établies. L'ombre que les récents troubles politiques ont fait planer sur les pays d'Afrique à domination blanche a déjà eu des conséquences. Pendant les émeutes du Congo belge, des capitaux se montant a plusieurs millions de livres ont fui le pays pour des havres plus sürs. Au cours des deux dernières années, des capitaux ont également quitté l'Afrique du Sud à plusieurs re~rises, et les réserves de change du pays sont auJourd'hui tombées à moins de 100 millions de livres, très au-dessous du niveau de sécurité. Biblioteca Gino Bianco 227 La politique économique de ces pays donne aussi à réfléchir. L'utilisation de travailleurs migrants en Afrique du Sudj et, à un moindre degré, en Rhodésie, rend la main-d'œuvre instable et indisciplinée. Les immigrants célibataires qui travaillent dans la région des mines de cuivre, par exemple, changent d'emploi dix fois plus souvent que les ouvriers mariés qui vivent avec leur famille. Les discriminations raciales appliquées dans l'industrie causent une pénurie de main-d'œuvre qualifiée et font que certains travaux, notamment aux échelons inférieurs dans les chemins de fer, ont tendance à devenir le monopole des travailleurs blancs les moins efficients et les moins capables. Les énormes différences de salaires entre Blancs et Noirs rendent également les prix de revient presque prohibitifs dans toute industrie obligée d'employer un pourcentage élevé de travailleurs qualifiés. L'absurdité écono~que que constitue le fait d'empêcher délibérément la population africaine d'acquérir une qualification professionnelle a été vivement critiquée par certains milieux d'affaires, tant dans la Fédération qu'en Afrique du Sud. Dans ce dernier territoire, l'Association des chambres de commerce a publié un rapport soulignant que le développement du pays dépendra forcément, à l'avenir, d'une utilisation plus efficace de la main-d'œuvre africaine. L'Afrique du Sud, dit le rapport, n'est pas loin d'avoir atteint la limite du développement auquel elle peut prétendre sur la base des ressources en maind' œuvre existantes et du genre d'utilisation qui en est faite. En Rhodésie du Nord, le Rhodesian Selection Trust, l'une des deux grandes sociétés de mines de cuivre, a inauguré une politique de promotion limitée qui permet aux Africains d'accéder à l'échelon le plus bas des emplois qualifiés. En d'autres termes, l'Afrique tout entière est dans une phase de tribulations politiques. Les États indépendants sont trop neufs pour avoir fait la preuve de leur stabilité. Les territoires pluri-raciaux n'ont pas résolu d'une façon satisfaisante le problème de la coopération entre les races. L'Union Sud-Africaine s'est contorsionnée dans une tentative désespérée pour faire admettre que l'apartheid est synonyme de progrès écQnomique, mais les financiers étrangers restent sceptiques. Les mesures d prendre LES MÉTROPOLES qui fournissent actuellement à l'Afrique l'essentiel des capitaux qu'elle reçoit de l'extérieur ne peuvent pas se décharger de leurs responsabilités. L'Afrique est politiquement trop importante et, économiquement, les liens commerciaux sont trop étroits. Mais si l'on ne veut pas traiter l'Afriqu à la légère, cela pose d grands problèmes.
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